Dans le creux de ses mains, au détour d’une promenade, Clara Agnus aime cueillir la terre et les fleurs, le sable et les algues. Dans l’intimité de l’atelier, au contact de l’eau et d’autres fluides cireux ou siliconés, elle aime les associer et les recomposer, fondre leurs matières et leurs couleurs pour créer de nouveaux corps, aussi liquides que les identités venues s’y incarner. Dans ses sculptures et ses collages aux couleurs pastel vibrent des sensations et des incertitudes, de la douceur et de la fragilité, collées, moulées ou façonnées ensemble pour les faire tenir, et les rendre solides. La peau est une paroi ambiguë, tantôt lisse tantôt rugueuse, qui, dans le même temps, cache et révèle, protège et dévoile, renferme et conserve. Dans son élasticité, ses plis ou ses imperfections, se lisent des signes et des indices sur ce qu’elle recouvre, et que l’artiste – qui est par ailleurs cartomancienne et sorcière – aime interpréter et relier au monde tout entier qu’ils habitent. Des mains et des chaines, motifs récurrents de ses installations, soutiennent et font tenir les uns aux autres des fragments artificiels et disparates. Aucun corps n’est jamais fini. Comme dans la vie, ils restent à construire, reconstruire, et retour. Dans les sillons de ses poches de matière ou dans les fossiles d’agrumes qu’elle s’essaye depuis peu à magnétiser, sur le ventre bombé d’une sculpture sablonneuse, au fur et à mesure des couches de papier calque que la sculptrice toutes dimensions s’amuse à superposer à des dessins à l’aquarelle, des morceaux d’identités se font jour, des sensations se libèrent, des émotions dépassent les frontières des corps et des temps qui les contiennent. Approchez, écoutez, sentez et regardez : il y a des affaires qui ne se transmettent qu’au corps à corps.
Texte écrit par Horya Makhlouf à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, janvier 2023