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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Yohann Rochereau

Mes performances sont une transformation, une transmutation, des incarnations. Une forme de résistance burlesque, politique, sociale, une piraterie joyeuse, un sabordage «abracadabrantesque».

Je me sers de mes déguisements pour endosser les personnages qui me serviront à mener à bien mon action. Ils sont mes armes, mes Autres, le Mr hyde du Dr Jekyll, notre métamorphose kafkaïenne, une schizophrénie frénétique. J’emploi mes accoutrements pour faire ressortir les monstres qui sont en moi, pour me dissimuler derrière les masques, me projeter, pour jouer de la vie, jouir du ridicule du quotidien parfois pesant.

Mes déguisements sont un mélange de genres vestimentaires, les combinaisons d’habits me permettent d’avoir un panel inépuisable et expérimental d’incarnations. Dans ces croisements incessants, ses hybridations personnifiées, se créent des êtres qui ne font partis d’aucune caste, d’aucun clan, inclassables, non-conformes. Ma garde-robe issue de vide grenier pour la plupart, forme un mix incongru, un cocktail détonnant de fringues du passé, du présent et du futur. 

«Le ridicule ne tue pas, il me rend plus fort». Je m’appuie sur lui, il est la béquille de mes performances. C’est avec plaisir que je l’exploite, que je me pousse dans mes retranchements. L’autodérision pour pouvoir rire de tout, rire jaune, rire gênant, fou rire. L’humour pour détourner le discours, le discours pour casser l’humour comme un zapping fou de sensations, un dérangement organisé par  un aliéné déguisé. Les codes sont renversés, je suis au carnaval, je suis mes fantômes, mes restes joyeux d’enfance, ma colère chaotique d’adolescent, ma rage d’adulte, l’anarchiste, la belle et la bête...

Essoufflé, les nerfs à vif, les muscles tendus, je dicte mes textes avec mon coeur, mes tripes, mes gestes, mon corps. J’écris comme on parle, j’agis comme j’écris. 

L’écriture de mes textes évolue, change de forme, j’expérimente. Elle était une suite de mots, une recette originale de mots-ingrédients, un mélange pâteux onomatopéique. Aujourd’hui, je me raconte des histoires qui se passent dans un réel fictionnel, peut être fantastique, sûrement véritable et souvent absurde. J’écris des nouvelles que j’intègre dans les performances que je construit. Elles forment le scénario de celles-ci, créent un lien irrationnel de l’ensemble.

Dans la diction j’emploi le dérapage, je chante, j’enrage, je bégaie, je change le discours pour induire un cassement de rythme  pour asseoir mon insurrection verbale chronique. J’induis dans un tempo découpé, déconstruit, qui se stoppe pour évoluer ailleurs, dans autre chose qu’une allocution banale. Ces interruptions vocales viennent percuter les habitudes d’écoute des spectateurs plus familiarisés aux discours linéaires de la télévision, de la radio et des publicités de notre société.

La musique est un atout dont je ne saurais me passer pour réaliser mes performances. Elle m’entraîne dans une danse, une transe, une célébration chamanique faite de transpiration, de tension et d’adrénaline. Je danse sans technique, je n’ai pas appris, la musique m’emporte, je me lâche, cette chorégraphie absurde avec une grande part d’improvisation fait sauter toutes mes soupapes inhibitrices, elle m’enlève le poids des regards, le jugement social.

Mes performances sont un exutoire.