À travers l’installation, la sculpture et le dessin, Célestine Charlet s’intéresse aux limites de la représentation visuelle, à son caractère biaisé et parcellaire. Une personne un jour de pluie, un secret… L’artiste s’attache à rendre visible des idées et des formes génériques en leur donnant la forme d’apparitions aux contours fragiles et surgissant dans un interstice, entre flux et reflux, révélation et disparition. À l’instar d’une sensation échappant au langage, les représentations de Célestine Charlet cultivent les non-dits, et comme un mot sur le bout de la langue, elles sont des réservoirs d’énigmes pour les spectateurs. Cependant, l’artiste ne cherche pas à créer une œuvre profondément hermétique. Scrutant le revers des images et absorbée comme elle le dit par « la fuite des choses du monde », l’artiste ouvre la boîte de Pandore d’un invisible plein de possibles. Révélant la précarité et l’ambiguïté de toute représentation, ses formes sont des indices lancés aux spectateurs et qu’elle invite à s’approprier. Jouant sur les effets d’anamorphose et d’occultation, les dispositifs d’apparitions utilisés par Célestine Charlet donnent ainsi systématiquement lieu à des formes incomplètes et tronquées. Les traits d’un visage n’apparaissent pas (Quelqu’un, 2018). Le manteau étendu au sol est grand et trop fin (Grand manteau au sol, 2019). Un manque caractérise chacune de ses pièces et Célestine Charlet cherche à le rendre palpable. L’artiste se focalise en effet plus sur les ressorts du vide et la béance de questions qu’il ouvre que sur les éléments qui pourraient le combler. Similaires à des persistances rétiniennes, ses œuvres rendent hommage à la puissance d’évocation des traces laissées par la vie, empreintes de formes lointaines, disparues ou non-advenues.
Julie Ackermann, janvier 2021