"Chroniques" est un receuil de 14 nouvelles. Ce livre a été édité par les éditions Hors Créneau en Février 2013 en 50 exemplaires.
Critique du livre : http://www.copy-media.net/chroniques-de-yohann-rochereau
Chroniques
Couverture du recueil
Liddle
Nouvelle faisant partie du livre "Chroniques".
Je venais de déposer le paquet de PQ conditionné par douze rouleaux sur le tapis roulant de la caisse du supermarché discount.
Ce supermarché se trouvait à quelque pas de l'appartement où nous habitions. En panne de ce consommable si indispensable à la vie quotidienne nous décidâmes d'aller en acheter pour ne pas arriver à cours ce qui peut poser quelques difficultés d'ordre hygiéniques.
Dehors la pluie tombait en une bruine acidulée si fine que l'on pouvait croire qu'elle ne nous tremperait pas à ce point. Le vent faisait qu'elle tombait quasiment à 90 degrés. C'était très désagréable, irritant et aveuglant. On marchait au pas de course pour que nos vêtements ne soient pas réduit à néant arrivé au supermarché.
En entrant dans le magasin tout se passait pour le mieux, les produits étaient proprement disposés dans leur rayonnage, les produits congelés l'étaient, le frais avait l'air frais, les frigidaires fonctionnaient à plein tubes pour cause il faisait plus froid dans le magasin qu'à l'extérieur mais sans la pluie acide piquante. Quelques cartons étaient posés au milieu des rayons en attendant impatiemment que quelqu'un veuille bien venir les vider de leur marchandise si encombrante pour eux. Un d'entre eux avait même commencer à craquer sur le côté droit, il avait lâché, le poids lui pesait trop, il fallait qu'il déverse tout se qu'il avait à l'intérieur de lui. Il était affalé, gerbant ces paquets de croustilles goût cacahuètes autour de lui, négligemment. Des petits malins avaient ouvert un paquet des ces chips arômatiquement chimique et piochés leurs mains dans ces sachets si alléchants à ce que je sache.
Après moult recherches, nous trouvâmes enfin , non sans difficultés j'insiste bien, la cause de notre venue dans cet espace commercial glacial.
Cette mission accomplie nous nous dirigeâmes vers les caisses où nous attendait une queue de dix minutes d'attente. Pas de problèmes nous avions du temps devant nous. Le futur nous guettait tranquillement dehors. Arrivé enfin près de la caissière. Nous n'avions pas remarqué ce qui se tramait. Le vigile venait d'arrêter un homme juste avant la sortie. Celui-ci se mit à gueuler immédiatement. Il postillonnait violemment en hurlant qu'il n'avait rien volé. En ouvrant la bouche pour crier son innocence on apercevait sa dentition détruite pas l'excès d'alcool et de cigarettes. Le son de sa voix, la couleur et l'état de sa peau, l'odeur qu'il dégageait indiquait qu'il n'avait pas cesser ses addictions. Dans sa défense si brute on pouvait l'accuser clairement de rapine. De sa résistance transparaissait la culpabilité. Il refusait d'ouvrir son parka qui le couvrait jusqu'aux pieds. Le ton monta rapidement, il braillait que de toute façon le vigile pouvait appeler « les képis », qu'il porterait plainte contre le supermarché, qu'il n'avait rien volé et que en faite, c'était lui qui allait appeler les flics. Un type s'approcha. On pouvait croire qu'il venait pour pacifier les deux autres, l'un en train d'aboyer son innocence, l'autre essayant de lui faire ouvrir son manteau.
À son arrivée, il n'était même pas écouté. Les autres continuaient sans prêter attention. Puis il réussi à faire ouvrir à un tiers et vite-fait le parka. À ce moment là je ne sais pas ce qui s'est passé mais le troisième homme s'en prit au vigile ou aux deux, enfin ce moment reste étrange et confus. Cette fois c'était un trio de cris. Le présumé voleur continuait son refrain baveux, le vigile disait qu'il faisait seulement son travail de vigile et l'autre commençait sérieusement à s'énerver sur ledit homme de sécurité.
Au moment où nous avions réussi à payer notre dû, 1 euro 90 pour le paquet de 8 rouleaux de PQ relax, 3 épaisseurs, 200 feuilles par rouleau, les hurlements augmentèrent encore d'un cran. L'homme débarqué en dernier, celui qui n'avait rien avoir dans l'affaire, balança son manteau par terre, laissant tomber ses clefs de voiture, criant qu'il allait casser la gueule du vigile.
Ils bouchaient la sortie de leurs corps et de leurs gestes d’excitation. Nous tentâmes tout de même une sortie.
En vain.
Empoignades, insultes, poussages, pulls tirés, menaces de cassage de tronche entre les deux hommes. Nous reculâmes pour ne pas nous prendre un coup perdu.
Nous réussîmes à nous extirper de cette violence inutile.
L'ivrogne présumé profita de l'attention jetée sur les belliqueux pour se faire la malle sans demander son reste.
Les deux autres continuèrent à s'embrouiller de plus belle.
Des gens affluaient pour voir si il y avait du sang, un meurtre en vue, un fait divers zet varié à ramener et à raconter chez soi ou une bonne raison d'écrire une histoire.
Jour de carnaval
Nouvelle faisant partie du livre "Chroniques".
Toutes les personnes que je croisais étaient étrangement habillées.
Gaie.
Et joyeuse.
Et heureuse.
Et épanouie.
Tous ces quidams abracadabrants roulaient des mécaniques avec leurs accoutrements cocasses. Ils entonnaient des refrains paillards qui blessaient les oreilles les plus chastes.
Je déboulais dans la rue principale du village quand la foule m'immergea de liesse. Je me retrouva noyé dans une mer de créatures qui jouissaient de leur statut de métamorphose qui leur était permis pour une journée seulement. On pouvait croiser des gens à moitié nus ou complètements curés ou travestis en policiers ou vert-extraterrestres ou blanc-supraterrestres ou en cochons ou en animaux indescriptibles, d'autres avaient choisi d'être méconnaissables et laissaient leur mains baladeuses peloter tous ce qui passaient à proximité de leurs pognes. Pour mon plus grand plaisir j'en fus victime, l'on me soupesa les bourses avec assurance et dextérité. Je commençais à aimer ce rassemblement païen et à me sentir l'âme d'un fou. Les hymnes libidineux étaient chantés, criés, hurlés, grognés, en rythme par l'ensemble de la foule, les enfants connaissaient ces airs sur le bout des doigts et s'en donnaient à cœur joie. Les plus échauffés des trublions montaient sur tout ce qui pouvait servir d'estrade pour être les plus en vue. Pour exprimer leur exaltation du moment et parce que l'envie était trop forte, ils baissaient leurs pantalons, descendaient leurs slips souillés sur leurs pieds mycosés, se mettaient le cul à l'air, écartaient leurs fesses boutonneuses avec leurs doigts râpeux, le postérieure fièrement en hauteur, la tête entre les jambes, l'anus au premier plan, les sphincters en mouvement, d'avant en arrière, on aurait dit une petite bouche qui nous envoyaient des baisers crasseux. D'énormes flatulences jaillissaient de ces rectums qui rougissaient par l'exercice répété. Pour favoriser ce genre d'interventions scatophiles on servait à tous les bars et toutes les échoppes une bouilli de haricots blanc mélangée à des choux, avec, pour ceux qui avaient un peu plus d'argent, un lard fumé aux pneus récupérés dans la casse du coin ou encore, pour les riches, des morceaux de cochons de lait grillés aux flammes de chalumeau à pétrole. Les odeurs se mixaient sans soucis sauf une douleur pénétrante aux sinus. Une senteur de pétrole, de pneus, de transpiration, de sueur d'aisselles, de sexe, de fesse, de pisse, de pets, de bière, de gnôle, une odeur de peuple suintant qui se dépense, qui boit et se soulage d'un quotidien souvent douloureux emplissait la rue bondée. Ce bal des arômes était très enivrant.
Les enfants se prenaient pour leurs parents et inversement. Les adultes redevenaient des poupons chialeurs, c'était saugrenu. Pour l'occasion on avait ressorti les martinets. Les coups, les mornifles, les dérouillés, les châtaignes, les taloches pleuvaient, c'était un vrai festival.
Les flics étaient des faux, ils verbalisaient les gens qui n'étaient pas déguisés. D'ailleurs je me pris un PV pour défaut de travestissement. Je devais, avant la fin du jour, me trouver un accoutrement grotesque, me rendre au con-missariat, comme il l'appelait, et improviser un strip-tease. Si je ne respectais pas cette règle, la punition était de me mettre à nu devant toute la foule, de m'attacher à un chevalet et de subir un écartèlement des membres... tout simplement, comme ils se plaisaient à dire en se marrant de leurs rires jaunis par l'abus de café, de tabac et de lambic.
Les faux curés salement exhibitionnistes montraient leur bites pendantes à tout ceux qui voulaient bien les voir. Ils secouaient sauvagement et perversement leurs organes ridiculement mous. Visiblement personne ne s'intéressait à eux, on les laissait faire sans leur prêter attention.
Ceux qui étaient changés en animaux se frottaient sur les jambes des passants, leurs pissaient sur le bas de pantalon, bavaient, gentiment enragés. Ils jouaient leur rôle à merveille. Ils se roulaient dans la boue, mangeaient dans les poubelles, léchaient tout sur leur passage.
Tous ces fous déguisés sautaient, couraient, se poussaient, moussaient, se trémoussaient, rampaient, aboyaient, reniflaient, touchaient, crachaient, pétaient, chiaient, dégueulaient. C'était réellement la fête des sens.
Tout était sans dessus dessous.
Le monde inversé.
C'était, je l'avoue, très jouissif et on entrait dans la bringue sans se faire prier. On aurait dit une fourmilière prise de convulsions de panique joviale. Une révolte, une vengeance sur le système, sur la société, un défoulement salvateur, un exutoire indispensable secrétait de cette célébration de la Liberté. Il n'existait plus de normes, plus de limites, plus de lois, plus de flics, plus de fric.
Sale, propre, alcoolisé, brutal, sage, enragé, passif, engagé, heureux.
Juste l'envie d'être quelqu'un ou quelque chose d'autre prévalait.
L'envie de muter pour un temps.
Distancié du regard des autres.
Re devenir.
Une journée.
Complètement folle.
Essentielle.