Les matériaux sont au cœur du travail de Thomas Gaugain, porteurs des différents niveaux de récits dont ses œuvres sont emplies. C’est que son parcours s’ancre dans les savoir-faire que requiert leur manipulation : avant d’étudier à l’école des Beaux-arts de Rennes, il se forme à l’ébénisterie puis au travail de la dentelle, à Alençon. Il accorde donc au tissu une place toute particulière, l’employant pour créer des sculptures textiles, structurer l’espace d’exposition et évoquer les corps absents de celles et ceux avec qui il travaille.
Ainsi, pour son exposition-installation Rennes Babylone (2022), il restitue des ateliers menés avec les détenues du centre pénitencier pour femmes de Rennes : trois Parques gisantes faites de coton, de soie et de papier côtoient un film projeté sur de l’organza brodé et différentes sculptures inspirés d’objets chargés d’une dimension spirituelle dans différentes cultures populaires mais devenus objets de consommation exotiques estampillés “zen” en Occident.
Les ambivalences des mythes et des objets sont une préoccupation récurrente pour Thomas Gaugain, comme le montre son travail autour des dérives du care présenté dans l’exposition collective The Repetitive Motions of the Manucurist (2022). Le sujet (“Rumination d’amour zen”), la forme (serre à plantes médicinales) et les matériaux (tapis de yoga découpés) des œuvres évoquent, avec ironie, l’instrumentalisation de la nature et de concepts spirituels ou politiques, à présent vides de sens, à des fins économiques. Ainsi l’artiste s’emploie, selon ses propres mots, à “révéler ces supercheries”, créant, au travers d’une esthétique séduisante, une atmosphère mi-angoissante, mi-drôle.
Texte écrit par Flora Fettah à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, janvier 2023