Inscrite dans une démarche autour du biologique, ma pratique se base sur l’utilisation d’un élément récurent : les intestins de cochons. Omniprésent dans le quotidien (cigarette, téléphone, plâtre, papier à poncer, papier peint, encre d’impression...) le porc est devenu le mortier de notre confort contemporain. Son utilisation fait partie de notre réalité et cette production animale génère systématiquement des déchets non-exploitables. La matière parle et fait état de nos sociétés agroalimentaires techno-industrielles ainsi que de leurs dérives. Sans tomber dans le fantasme d’un passé où l’osmose entre humain et nature semblait pérenne, j’inscris ma démarche dans un rapprochement entre le champ du vivant et les modes de vie humaine tout en ayant conscience de la complexité des schémas de transitions. Ainsi ma pratique tente de toujours embrasser 3 notions : faire état de nos modes de consommation, valoriser ce qui d’habitude ne l’est pas et surtout démontrer que le domaine biologique porte des vertus à la fois techniques, esthétiques, conceptuelles et narratives.
De mauvaises tailles ou percés, les gisements d’intestins que j’exploite sont ceux qui ne correspondent pas aux standards souhaités. À l’instar des Inuits, créateurs de nombreux artefacts en intestins d’animaux marins et tisserand d’un rapport respectueux à la matière, je travaille ses organes dans un processus d’écoute et d’analyse pour en dévoiler les vertus. Ainsi, l’expérimentation formelle est au centre de mes recherches. M’appuyant sur des domaines comme le travail du papier ou de la céramique, ce matériau me pousse à sans cesse renouveler mon regard pour le tirer dans de nouvelles directions dans le but d’affiner mon vocabulaire formel et colorimétrique.
L’intestin est riche dans divers domaines : techniquement, il est capable de se souder biologiquement et est réceptif au teintage végétal. Conceptuellement on retrouve le porc dans des contextes historiques, narratifs et politiques. C’est ce domaine qui axe une partie de mon travail. Le porc est un élément influent de nos modes de vie : orientation des voies ferroviaire pour acheminer le bétail avec la Villette quand Haussmann redessine Paris, interdiction de la tue cochon en milieu rural qui mène à la marginalisation et à l’obscurantisme des abattoirs, porc régicide qui poussera la France à adopter la couleur bleue du voile de la vierge Marie pour retrouver sa noblesse...
La matière dépasse la question de la recherche pour devenir porteuse d’histoire, de concept et de considérations nouvelles. L’animal me pousse dans des recherches narratives pour collecter dans les récits la présence et l’impact du cochon auprès de l’humain. L’intestin se nourrit de contextes précis pour prendre forme et proposer une autre lecture du réel.