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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Thibault Pellant

MÀJ 08-06-2018

  • Vue de l'exposition "LLANTAS, the show", Ecole Supérieure d'Arts du Yucatán, Mérida, Mexique, 2017

  • Vue de l'exposition "LLANTAS, the show", Ecole Supérieure d'Arts du Yucatán, Mérida, Mexique.

  • Vue de l'exposition "LLANTAS, the show", Ecole Supérieure d'Arts du Yucatán, Mérida, Mexique.

  • Vue de l'exposition "LLANTAS, the show", Ecole Supérieure d'Arts du Yucatán, Mérida, Mexique.

  • Vue de l'exposition "LLANTAS, the show", Ecole Supérieure d'Arts du Yucatán, Mérida, Mexique.

  • Vue de l'exposition "LLANTAS, the show", Ecole Supérieure d'Arts du Yucatán, Mérida, Mexique.

  • Vue de l'exposition "LLANTAS, the show", Ecole Supérieure d'Arts du Yucatán, Mérida, Mexique.

  • Vue de l'exposition "LLANTAS, the show", Ecole Supérieure d'Arts du Yucatán, Mérida, Mexique.

  • Vue de l'exposition "LLANTAS, the show", Ecole Supérieure d'Arts du Yucatán, Mérida, Mexique.

Née à la croisée de l’appropriation de médiums de la culture bricolage mexicaine et d’investigations dans l’ordinaire, l’exposition « LLANTAS, the show » (pneus, l’exposition) propose une lecture empirique et particulière du Yucatán contemporain.

Située dans l’impact immémorial d’une météorite qui, selon certains, serait la cause de la fin de l’ère secondaire, la ville de Mérida se trouve sur un territoire extrêmement plat, dont les rares points de vue surélevés, des pyramides mayas aux ponts, sont sans exceptions les fruits de l’activité humaine. Le « relleno sanitario », décharge à ciel ouvert, et d’où proviennent les pneus utilisés pour l’exposition, fait partie de ces rares points offrant une vision d’ensemble surplombant la canopée. Genre de chaîne de montagnes fabriquée ex-nihilo par l’accumulation de décennies de déchets et sur laquelle la jungle reprend peu à peu ses droits, ce lieu est situé dans les extérieurs, au sud-ouest de Mérida. Le probable point culminant du Yucatán est ainsi dissimulé, relégué au milieu de quartiers pauvres, caché par la végétation luxuriante qui semble prête à tout engloutir au moindre relâchement de l’activité humaine.

Les pneus occupent une place importante dans le paysage urbain. Médium omniprésent du bricolage, ils se font lests, jeux pour enfants, pots de fleurs et bien souvent enseignes peintes à la main. De plus, on en retrouve nombre, en lambeaux, entassés ou servant de socles aux mémoriaux fleuris qui jonchent les fossés de l’axe Mérida-Cancun.

Cité prospère à l’excès jusqu’au début du siècle dernier, Mérida porte les marques de sa richesse passée. Les immenses haciendas et les maisons coloniales jouxtent parfois des chantiers occupés nuit et jour par les ouvriers dont beaucoup vivent dans d’autres états et dont les salaires ne leurs permettent pas de prétendre à un logement. Ici les luxueuses berlines américaines côtoient un étonnamment grand nombre de volkswagen type 1 des années 60, rafistolées, rouillées (et souvent personnalisées), d’immenses pick-up dodge et ford, et des bus qui semblent avoir traversé les âges et dont les gaz d’échappement embaument la rue. Ne se limitant pas aux voitures, l’ « american way of life » semble ici avoir trouvé son émissaire en l’omniprésence de Coca-cola. L’emblématique rouge de la marque de sodas court sur les murs, parfois estampillés du logo dans des dimensions aux frontières de la décence et meuble les commerces modestes de tables et chaises en plastique, de barnums.

Le climat yucatèque, dont l’air chargé de sel porte l’humidité tropicale, semble opérer un vieillissement prématuré en tous lieux. Les métaux rouillent presque à vue d’oeil jusque sur la carrosserie des voitures, les peintures s’écaillent, les racines et les herbes transpercent les trottoirs. Les cieux écrasants génèrent une tension permanente. Il n’est pas difficile en assistant aux orages tropicaux ou aux couchers de soleil électriques de comprendre l’orientation sempiternelle des populations vers ceux-ci. Lors d’un entretien, un de mes interlocuteurs me confia que selon lui, du fait de l’absence de reliefs, les panoramas du Yucatán se situent au-dessus de l’horizon. Ce rapport aux éléments semble avoir conditionné la dominance des couleurs des bâtiment ; des bleus, jaunes orangés et roses des couchers de soleil en passant par le turquoise de l’eau des « cenotes » et de l’océan.

Le vert est absent des murs, à l’exception de certains pastels, et semble intervenir dans l’espace urbain sous deux formes : d’une part, par cette pression urgente de la jungle sur la ville évoquée précédemment, mais également par le kaki des forces armées. Jadis motif de camouflage, le treillis apparaît aujourd’hui à l’antipode de son usage premier, comme symbole ostentatoire incarnant la défiance entre le peuple mexicain et les autorités.

L’activité touristique a aujourd’hui brouillé les pistes de l’artisanat yucatèque, et notamment maya. La plupart des souvenirs proposés dans les boutiques sont fabriqués à la chaîne dans des usines étrangères, créant un paradoxe entre le réel « fait-main » mexicain et les anachroniques reliques mayas. Les artefacts faits maison bordent les routes, ornent les appuis des fenêtres et sont en fait omniprésents bien qu’effacés, sous diverses formes anodines dans l’espace public, tandis que les seconds inondent les magasins des lieux touristiques, jouissant d’une représentation outrancière.

Enfin la plupart des cités mayas et divers autres sites archéologiques sont aujourd’hui privatisés et inaccessibles aux populations les plus pauvres, ainsi tenues à l’écart de ces lieux qui incarnent pourtant leur histoire.


Imagined at the crossing between an appropriation of some mediums of Mexican craft culture and everyday life investigations, « LLANTAS, the show » (Llantas : tyres) is sharing a particular vision of contemporary Yucatán.

Located in the ancient impact of a meteorite which, for some scientists, would be the reason of the edge of mesozoic era, the city of Mérida lies on a extremely flat land, on which the very uncommon viewing areas, from mayas pyramids to bridges, are without any exceptions the fruit of human hand. The « relleno sanitario », an open sky dump, from where the tyres used for the exhibitions came from, is one of these places offering a vision of the omnipresent canopy. Kind of mountain range made out ex-nihilo by the accumulation of decades of wastes, and on which jungle is gradually regaining ground, this dump is taking place outside the city. The likely higher point of the state is thus hidden by the lush vegetation which seems about to swallow up everything and surrounded by poor neighbourhoods.

The tyres have an important place in urban landscapes. Omnipresent medium of craft culture, they are sometimes ballasts, children playground, flowerpots and often homemade painted signs. Furthermore, we can see a lot of its, jagged or used as pedestals for the flowered memorials aside the Mérida-Cancun highway.

Extremely prosperous until the very beginning of the 20th century, Mérida bears the marks of it passed wealth. The luxurious haciendas and colonial houses are often built next to sites that are occupied night and day by workers that came from other states and don’t earn enough money to afford a living. Here the American sedans are closing a weirdly huge number of 60’s Volkswagen beetle, patched up and rusty, huge dodge and Ford pick-ups, and buses that seem came from another time, embalming the streets with their exhaust gases. the « American way of life » seems to having found an emissary throughout the omnipresence of Coca-Cola.The emblematic red of the soda brand runs on the walls, sometimes stamped with a barely decent sized logo, and furnish the modest shops with plastic chairs, tables and shelters.

The Yucatec weather, which the salty air bears the tropical humidity, seems to accelerate the aging of everything. On the vehicles bodies, metal is rusting, paint is peeling. Roots and grasses are piercing the sidewalks. The skies are generating an intense tension. It’s not difficult during the tropical thunderstorms or electrical sunsets to understand the perpetual obsession of local populations about celestial phenomenons. During a discussion, one of my interlocutors told me that, according to him, because of the lack of reliefs, the Yucatec landscapes are above the horizon line. This connection to elements seems to have determined the dominance of colours on the buildings ; a lot of blue, warm orange and rose directly took from a sunset, the turquoise from the sea and the «cenotes»...

Green is absent of the walls, except fore some pastel shades, and seems to be present in urban space in two main forms : on one hand by this extreme jungle pressure depicted previously, and on the other hand, printed on soldiers uniforms. The camouflage pattern appears to have become an ostentatious symbol of the mistrust between Mexican people and authorities.

The touristic activity has made uncertain the definition of the Yucatec craft. Most of souvenirs sold as home-made in gift shops are produced in foreign factories, creating a paradox between these anachronistic relics and actual Mexican hand-made. These crafts are boarding the roads, decorating windowsills, and although their discretion, are everywhere in public space in a lot of different forms, while the others are concentrated in touristic areas shops, and benefit of an outrageous visibility.

At last, most of Maya ruins and some other archeologic sites are now privatized and unaffordable to poorest populations, kept out of these places that embody their own history.