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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Suliane Hamon

MÀJ 27-03-2023

 "Je ne me réveillerai jamais en sachant jouer du piano" Jim Harrison
Suliane Hamon par Guillaume Clerc

 Il y a des espaces, et des temps où l'on peut toucher. Parfois d'autres où l'on ne peut pas. En cela les musées sont comme des églises, (et parfois même des chapelles). On y entre mais rien ne doit être touché. Ces lieux de construction du sens, sont aussi ceux d'une prohibition normée de la sensation. Qui dit exposé, dit ne pas toucher! Les deux pièces que présente Suliane Hamon dans les dômes de l'Espace Kenere sont des invitations au contact, des incartades à la bidouille. Des interrupteurs à allumer, des boutons à tourner, des pièces à toucher. La sensation est envisagée comme le point de départ de ces pièces interactives, déclenchant sons et autres effets. Ces sensations sont présentes ici dans une forme transitoire, car inachevées. Les pièces sont toujours en cours de développement, et l'artiste joue ici de notre présence. Appelés à interragir avec ces objets, ceux-ci sont encore dans un moment de naissance, et notre rôle de visiteur est peut-être aussi celui d'accoucheur. Ici, peu de formes nouvelles, mais que de receptacles connus: tous ces objets font parti de notre quotidien, parfois de notre histoire, et ici ils traversent la pratique de Suliane Hamon. Eloignée des injonctions à la production de formes nouvelles, comme si cela était encore possible, l'exposition présente un mélange de tous ces contenants et contenus. Les formes, les gestes, les histoires: tout est samplé // - SAMPLE - origine UK,masc,: Un échantillon est un extrait de musique ou un son réutilisé dans une nouvelle composition musicale, souvent joué en boucle. L'extrait original peut être une note, un motif musical ou sonore quelconque. Dessins, photos, repros, essais, textes, extraits: le grand mur nord de la médiathèque est plein de toutes ces choses qui grouillent et composent la petite radio interne de la jeune artiste en réflexion, en ballade, ou en repos. Ce travail traduit une jeune obsession, celle de retrouver de la physicalité. Alors que tout s'est dématérialisé, que notre relation aux objets mais aussi à l'Autre s'est transposée pour une grande partie d'entre nous, derrière un écran, certains font dissidence et disent non. Ils disent autrement, plutôt. Et cette obsession est aussi une des missions de cet endroit du savoir tendre: la médiathèque. Ce savoir que l'on vient chercher, récolter, découvrir, reste contenu dans des objets. Le savoir reste l'objet: de livres, de cds et dvds, de journaux, de bande dessinée... Cette dissidence à la disparition de la matière réunit en ces lieux une jeune artiste, une collection et une équipe. Ces installations-machines font montre d'une poésie nouvelle: celle du temps retrouvé par l'objet. Les lecteurs cassettes et autre ghetto blaster ne sont pas des objets d'histoires dans des vitrines. Ces carnets ne sont pas que des traces ou des souvenirs. Il n'y a là aucun passéisme ou fierté nostalgique d'un savoir faire. Seulement des outils potentiels du présent. C'est un état des lieux, une visualisation pragmatique de ce que seront ces pièces dans quelques mois, lors de leur présentation pour la validation du diplôme. Au delà de ça, de cette expérience personnelle, dans un lieu collectif, Suliane Hamon montre les prémices d'un travail qui refuse la contemplation, complice d'un monde figé, et fait de toutes ces vieilles mécaniques des machines désirantes.

"Je ne me réveillerais jamais en sachant jouer du piano", 2017

texte de l'exposition Book & d'artistes, Espace Kenere, Pontivy