Je suis à l’affût. Parce qu’une horde d’images nous assaille en permanence, je guette celles des téléviseurs et puise essentiellement dans l’imagerie des feuilletons sentimentaux. Des dizaines de saisons, des centaines d’épisodes, vingt quatre images par seconde, une source intarissable de figures stéréotypées. Les ondulations du carton m’offrent une trame idéale pour ces scènes se déroulant principalement en bord de mer. Sous mes yeux, défilent les palmiers, les piscines et les villas. Des décors qui participent à l'illusion de la société du spectacle. Pause J'immobilise le flux vidéo. Les lignes horizontales tressaillent. J'incarne ma proie dans le carton pour mieux la dépouiller. De ma lame aiguisée, j'incise les contours et décolle les peaux cellulosiques. Au hasard des champs – contrechamps, je prends plaisir à gangrener d’aspérités les beaux visages. Je déchiquette. Les fibres se soulèvent comme des poils. Poésie de l'usure : j'anéantis l'asepsie des écrans qui colonisent notre imaginaire. A mes pieds, les copeaux arrachés forment la mue d'une représentation qui se métamorphose étrangement.