Salon de Montrouge
L’index pointé vers le ciel d’un joueur de football évoque le
Saint Jean-Baptiste de Léonard de Vinci. Dans sa version cartoon-
plâtre, JB a été rapidement condamné au banc de touche. Un
streaker étendu au sol, nu, blessé et hurlant de douleur fait figure de
martyr. D’une relique de nez doré dégouline du gel douche bleuté
aux odeurs de virils vestiaires. Le foot c’est chaire. Sport, religion et
art se rencontrent en mêlée chez Reda Boussella. Si le corps est au
centre, c’est celui de l’outsider, du sacrifié, du perdant. La mise en
scène de la blessure marque un temps d’arrêt : la chute des
champions. Rocky Balboa en larmes hurle « Adrian » pendant qu’Yves
Klein boîte après son saut dans le vide. Le corps des hommes est
exposé dans sa vulnérabilité et tourné en dérision pour mieux
mettre à mal les rapports de domination. L’obsession pour l’e chec
est également au cœur de l’écriture de Reda Boussella. Il raconte
dans ses textes, au rythme entraînant et au style à vif, le vertige de
nos grotesques finitudes. En écho, ses installations sont emplies
d’indices, de signes et de doubles-sens, laissant apparaître la figure
du « pharmakos » : le bouc émissaire « qu'on immole en expiation
des fautes d'un autre ». Poison et remède, cette victime innocente
porte les maux de la cité. À propos du boxeur Prince Nasseem, il
écrit : « Tapis volant direction soleil, anastylose du mythe d’Icare.
Prince Nasseem au sol, aplati par la douleur, ses cent trente kilos
s’aplatissent sur le goudron humide, un plan vu du ciel montre
Nasseem Hamed couché au milieu de l’accident qu’il vient de créer,
ses ailes désormais fossilisées dans la route de la campagne de
Sheffield. » La pratique de Reda Boussella incarne à coups de
mélanges pop, de références philosophiques et de métonymies - une
partie meurtrie pour tout le corps social - l’art de la chute, de la
splendeur au néant.
Marie Bechetoille