Les lézards
Dans le travail de Reda Boussella il n’y a pas de hiérarchie entre peinture, sculpture, vidéo et performance. Il passe aisément d’un médium à l’autre pour donner forme à un univers foisonnant aux tons burlesques et pop, puisant son imaginaire dans la culture populaire. L’artiste joue avec la juxtaposition d’éléments disparates issus de son quotidien, de codes et symboles sociaux pour questionner le regard qu’on porte sur le corps, la représentation de la virilité et du machisme.
Les œuvres présentées au Frac Bretagne explorent l’univers formel des objets d'entraînement des sports de combat afin de pointer, derrière une esthétique teintée d’humour et de joie, les enjeux politiques sous-jacents à leur conception. Que ce soit un punching ball, un makiwara ou une poire, ces objets véhiculent une idée du corps très moderne, invulnérable et dans la plupart des cas masculine. Ce constat a amené Reda Boussella à s'intéresser à des sports de combat qui ne répondent pas à ce modèle comme par exemple le wing chun qui remplace la force, la stature et la résistance par la vitesse, la répétition et la souplesse. C’est le cas par exemple de RAJA/WYDAD, une grande sculpture murale en tissu inspirée de la technique de frappe de sac muraux du wing chun. Sa forme représente deux corps entrelacés dans une lutte, ou peut-être un combat amoureux, et puise son inspiration dans les bas-reliefs de la grèce antique, les fresques de Beni Hassan en Egypte antique ou encore les dessins de sumotori dans la manga d’Hokusai. Au centre de la sculpture, on trouve un petit écran diffusant un dessin animé à l’encre de Chine dans lequel la morsure d’un chien malinois, historiquement lié à la menace et à l’ordre policier, se transforme en une danse tendre et poétique.
Influencées par la pratique de la danse contemporaine de William Forsythe et de Steve Paxton, les sculptures de Reda Boussella font appel au langage visuel des arts martiaux pour en révéler le potentiel de résistance politique.
Elena Cardin
credit photo @Aurélien Mole