Quentin Hidrio est designer. A ce titre, et jusqu’à récemment, il concevait des objets se faisant l’écho de pratiques érogènes pour activer et invoquer un certain imaginaire, suggérant les interactions qu’ils pourraient susciter, plus que pour remplir une réelle fonction.
Puis les jeux de rôles et leurs vestiaires ont quitté les décors suggestifs de l’artiste. En 2021, ils font leur entrée dans l’espace d’exposition (Le combat n’aura pas lieu) : le cowboy masochiste, le loup en chien et le monstre aqueux interagissent à visages découverts au sein de l’atelier Brèche, reconverti en ring de boxe déserté où chacun a abandonné des reliques. Celles-ci, faites de cartons, de bouts de cordes et d’objets récupérés, matérialisent ces personnages et esquissent un possible récit, traçant les contours d’une pratique nouvelle dans laquelle le décor prend vie et l’accessoire devient véritable médium artistique. En 2022, ils se révèlent dans Hunter et Loulou, une série de masques canins empruntant au BDSM et au théâtre, figurant carlins, renards et loups de cuir, de néoprène ou de textiles plus domestique comme la tapisserie ou le molleton du survêtement. D’une pièce fonctionnelle, servant un but précis dans un cadre déterminé, l’artiste en étend les possibles, la décline pour ouvrir le récit, proposant à l’usagèr-xe potentiel-lxe une myriade de personnages qu’iel peut choisir d’incarner à sa guise.
Quentin Hidrio est designer mais plus tout à fait. Aujourd’hui, il imagine et fabrique des costumes, des perruques ou des masques destiné-es à aux performances d’AKA, son alter ego, et à celles d’autres artistes, également membres de la scène drag brestoise. Ces accessoires, faits de mousses de rembourrage, de matériaux d'ameublement, de cordages divers et de rebus plastiques, sont de véritables extensions des corps qui les portent, marquant la frontière entre les performeur-x-ses et les rôles qu’iels incarnent momentanément, le réel et la fiction. Ainsi, plus que des objets, Quentin Hidrio crée des contes, des histoires, qui se déploient dans la ville de Brest, du musée à la rue, de l’atelier au club, habité-es par des personnages, humains ou animaux, dont le costume peut être revêtus par cellui qui le veut.
Texte écrit par Flora Fettah à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, janvier 2023
Lieux de drague, lieux privés, lieux publics, dédiés ou détournés, jeux de rôles, accessoirisation du plaisir: mes recherches sur le développement des pratiques érogènes et sur la jouissance des lieux m’ont progessivement amené, à travers l’exploration des sexualités queer, à questionner les identités queer.
D’une transgression par l’acte de rencontre des corps, je vais vers une rencontre d’alter-ego pour expériementer les représentations des corps genrés à travers le drag. D’une démarche pratique, usuelle, mon travail d’accesoirisation embrasse désormais une dimension narrative, en développant un univers fait de décors, de masques et de costumerie qui s’échappent de leur carcan scénique pour contaminer le réel.
Genres masculin et féminin, espèces humaines et animales, d'un ici ou d'ailleurs indéfinis, je diversifie les alias sous le nom d’AKAx, alter drag et support de recherches plastiques que je mets à l’épreuve de l’espace public par l’irruption de personnages fantasmés.