(c) Guillaume Lebrun, 2018
Do Disturb, Palais de Tokyo (Paris)
C’est souvent comme ça dans une conférence. On s’installe dans une salle et puis on attend que ça commence.
Le conférencier aussi attend que tout le monde soit prêt.
J’ai entendu « ah ».
Peut-être qu’on attend que je dise quelque chose. Mais je ne sais pas si tout le monde est prêt.
J’essaie de voir si je reconnais des têtes. J’ai entendu des « oui » au fond. Quelqu’un me salue.
Ça arrive souvent dans cette performance. Je ne sais pas si je connais ces gens là. C’est un peu gênant en fin de comptes, quand quelqu’un vous salue et que vous ne savez pas le situer.
Un téléphone sonne.
Je crois que c’est un téléphone. C’est peut-être une autre performance dans le Palais de Tokyo. Il se passe vraiment beaucoup de choses dans ce festival. C’est chouette.
J’aime bien dire « c’est chouette ». C’est un peu désuet je crois. Plus personne dans mon groupe d’amis ne dit « c’est chouette ». Ah ! j’ai vu Antoine qui me fait un clin d’œil.
Il a un pull rouge.
J’ai remarqué ça tout à l’heure : il y a toujours quelqu’un avec un haut rouge dans cette salle.
Je me demande si c’est un hasard. Je sais qu’Agathe n’est pas très loin. Elle avait perdu sa carte de guide conférencière dans la semaine. C’est embêtant. Elle pense l’avoir perdue au Louvre.
Antoine a perdu son ordinateur. Je ne sais pas s’il l’a retrouvé. Peut-être qu’on a tous perdu quelque chose cette semaine. C’est un peu bête de dire ça.
On a tous au moins perdu quelques cheveux.
C’est banal de dire ça.
J’ai un goût de café dans la bouche. J’essaie de faire passer ça. Mais je crois que c’est pire avec l’eau.
J’ai vu beaucoup de choses très différentes dans ce festival. Je l’ai déjà dit.
Il y a des performers avec toutes sortes de costumes.
J’aurais aimé penser à quelque chose d’autre. Peut-être que c’était l’opportunité de penser à quelque chose de plus fou. Des paillettes, une robe de soirée.
J’en ai quelques unes à la maison. Je ne les mets jamais.
Je n’y pense pas. Alors que j’aurais pu demander un lâcher de ballons, ou des lumières qui tournent.
Ça, j’en avais chez moi.
J’ai une lampe qui fait des lumières colorées. Un vendeur en proposait dans un restaurant.
Je suis toujours tentée par les lumières. Alors j’ai une collection d’objets lumineux. Une toupie, un
Des gens partent.
D’autres sont entrés.
Juste avant, j’ai vu qu’on distribuait des papiers avec un texte. Probablement pour expliquer la performance d’avant.
Je crois qu’il y a différents statuts au sein des artistes présents dans ce festival.
Hier, j’ai essayé de discuter avec ceux qui étaient dans les loges. Ce n’était peut-être pas le moment. Ou alors ils se connaissaient déjà.
Aujourd’hui, je ne suis pas retournée dans les loges. J’aurais peut-être dû. Pour voir s’il y a d’autres artistes.
Je vais demander à Antoine ce qu’il en pense tout à l’heure.
C’est drôle parce qu’il y a toujours quelqu’un qui reste debout.
Tout à l’heure
J’ai déjà dit « tout à l’heure ». Je vais essayer de varier un peu. C’est lassant quand on se répète trop.
Plus tôt dans l’après-midi, j’ai vu une performance dans un style futuriste des années 90.
Je me demande si c’est le genre de look qui ne va qu’à une morphologie.
D’autres personnes sont entrées. Je ne sais pas si le public choisit les performances qu’il va voir ou si c’est un peu par hasard.
Je ne suis pas encore très connue. Je préfère dire « encore ».
On ne sait jamais ce qui peut arriver. Une autre personne avec un haut rouge, par exemple.
C’est une couleur qu’on remarque beaucoup.
Quand j’ai fait cette performance en décembre dernier, toutes les personnes qui portaient du rouge discutaient entre elles.
L’une avait des cheveux rouges, un autre, une écharpe rouge, une autre un collant rouge et la dernière un manteau rouge. Je m’en souviens très bien.
Ils étaient juste devant moi.
Hier, en revanche, les gens qui portaient du bleu discutaient entre eux.
Quelqu’un a dit « oui, allô ».
Ah, un pantalon jaune.
J’ai eu un pantalon jaune une fois. C’était sympa mais pas facile à associer.
C’est l’anniversaire de mon amie d’enfance aujourd’hui. D’ailleurs, ses parents sont là.
Je ne l’ai pas encore appelée… Mais je me dis que si je l’écris ici, c’est déjà une façon de célébrer ça.
Je ne sais pas comment on peut célébrer un anniversaire. Je veux dire, est-ce qu’on devrait faire une fête ?
J’allais à nouveau dire « tout à l’heure ». Il faut vraiment que j’arrête avec ça.
Peut-être et avec les « peut-être » aussi.
C’est compliqué quand on commence à se dire qu’il faut éviter telle ou telle formule.
Ou alors, il faut les penser, et puis ne pas les écrire. Peut-être ?
Il y a beaucoup de personnes qui s’habillent de la même manière ici.
Ah ! j’ai vu Agathe au fond.
Deux personnes s’enlacent de l’autre côté.
C’est chouette.
Ce matin, il y avait une personne qui buvait quelque chose dans une brique noire. J’ai compris après, quand on m’a proposé cette même brique d’eau.
C’est un hôtel, qui est invité au Palais de Tokyo. J’ai trouvé ça étrange qu’un hôtel propose quelque chose au même titre que les autres artistes.
Est-ce qu’un hôtel peut être artiste ? ou avoir une proposition artistique ?
Ou alors… je suppose que ça peut arriver qu’une œuvre ressemble à un hôtel.
Il y a bien un sauna-techno aussi dans ce festival.
J’aimerais bien le tester. J’avais reçu une invitation au moment où l’installation était au 40m3 à Rennes.
Il fallait s’inscrire et surtout aller à Rennes. Ça m’a paru un peu compliqué.
Pourtant, il m’est arrivé d’aller exprès dans une ville pour voir un musée.
C’est sûr qu’avec les grèves en ce moment, c’est plus difficile d’arriver à un rendez-vous.
Antoine part.
Il salue.
Je bois toujours trop d’eau. Mais jusqu’ici, ça ne m’est pas arrivé d’avoir à sortir en courant pour aller aux toilettes.
Je ne suis pas certaine que ça puisse arriver à quelqu’un qui performe ou qui est sur scène en train de travailler.
On n’y pense pas à priori.
Mais je me rends bien compte que j’ai un peu trop chaud alors que j’ai le bout des doigts froids.
Deux personnes se sont levées simultanément.
Le monsieur au pantalon jaune a l’air perplexe.
Deux personnes saluent. L’une de la main droite, l’autre de la main gauche.
Ce matin, j’ai vécu la même situation. Et je me suis demandée s’il fallait que je l’écrive. Si le public commençait à agir pour voir si leurs gestes allaient être écrits. Rester pour la postérité.
C’est un mot que j’utilise dans des circonstances particulières.
« postérité »
Je l’ai entendu de ma grand-mère. Une photo pour la postérité.
Elle avait peur de l’image qu’elle laisserait. Ou alors, peut-être qu’elle voulait laisser une image de star « pour la postérité ».
Il y a certains mots comme ça qui me reviennent. Des mots en français, alors qu’elle est argentine.
« Tu vas te calmer toi, oh » Je ne sais pas si c’était pour moi.
Je me semble tout à fait calme.
Hier, le vigile a mis fin à ma performance en disant « évacuation »
je me demande si je produis ce genre de réaction.
Un homme est monté sur la scène ce matin, il voulait que je lui cède la place.
Comme je lui ai écrit « non », il a écrit sur son portable et est parti.
Il a réellement quitté la salle.
Je me suis demandée si j’avais mal agi.
Mais Fred Seguette me dit le contraire. Qu’on ne sait pas ce qu’il peut se passer si on laisse sa place comme ça. Il est danseur, il sait.
Ça a pu lui arriver, je suppose.
Je crois que je suppose beaucoup trop de choses.
J’ai trop vu de spectacles et de performances aujourd’hui. C’est une sorte de condensé. Je ne me souviens que de quelques images. Je ne sais pas si j’ai vu quelque chose en entier.
Un peu comme certains ici, qui entrent et qui sortent.
Mais ça ne me dérange pas.
J’aime bien ça.
J’ai toujours eu un problème avec le fait d’imposer quelque chose.
A l’école des Beaux-Arts, un professeur m’a demandé pourquoi je ne bifurquais pas plutôt vers le théâtre.
Alors, je lui ai écrit que je me sentais entre les deux.
Ça vous fait rire que je lui écrive ?
Ce n’est pas la seule façon que j’ai de m’exprimer. Parfois je parle. Je pourrais le faire maintenant. J’ai un micro, vous m’entendriez.
C’était top les conditions au Palais de Tokyo. Chaque technicien a une fonction bien précise.
Ça change des autres lieux, où il faut tout apporter et installer, désinstaller seul.
L’homme au pantalon jaune part, il est passé tout près de l’autre personne qui porte du jaune.
Une des techniciennes au fond me fait signe. Un pouce en l’air.
Et elle salue.
C’est sympa. Une façon d’encourager.
Ah ! en fait, il y a un autre haut jaune.
Je me demande si je pourrais vous proposer de vous associer par couleurs.
Mais comme je n’aime pas être trop directive…
Je ne serai probablement pas metteur en scène tout de suite.
Il y a un grand sac en papier devant moi. Pas juste devant mais pile dans mon axe.
Ça me rend plus curieuse.
Je crois qu’il y a une plume dessinée dessus. Je ne connais pas ce logo.
Ah non, c’était un reflet.
Il y a deux sacs de part et d’autre d’un couple. Je dis couple, mais au sens de paire.
Je ne les connais pas.
Beaucoup portent des lunettes. C’est drôle parce que j’ai parlé de ma myopie ce matin.
On reconnait ceux qui ont choisi l’option filtre bleu.
Les reflets sont différents.
Et puis il y a les « anti-reflets » aussi.
Deux autres personnes sont entrées.
Certains préfèrent s’asseoir sur les marches. C’est un peu difficile de trouver une bonne position.
Comme un siège confortable. Celui-ci ne l’est pas tellement.
Je ne pense pas que le jeune homme du couple entre les sacs soit dans une position très confortable.
Il est allongé mais la pente n’est pas suffisante pour qu’il puisse complètement relâcher la nuque.
Il faut penser à tout ça.
Pendant la performance qui m’a précédée dans cet espace, il y avait un danseur, qui se laissait manipuler (je veux dire, physiquement, comme de la pâte à modeler) par les spectateurs-acteurs qui le souhaitaient.
Je me suis dit qu’il valait mieux penser aux contorsions qu’on lui faisait faire.
A la fin, j’ai compris que la plupart de ceux qui l’avaient manipulé (c’est vraiment étrange d’utiliser « manipuler ») étaient ses amis (encore plus étrange) (ou inquiétant).
L’homme au centre a fini par changer de position. Il est appuyé sur ses mains en arrière.
Mon coach m’a dit que c’était une position qui sollicitait beaucoup les épaules.
J’ai souvent des problèmes aux épaules.
Agathe part, elle salue.
Il ne reste qu’une seule personne avec du jaune.
Certains parmi vous essaient de le trouver.
C’est drôle vous faire regarder là où j’ai envie.
Ça me fait penser à ces vidéos sur youtube, où plein de chatons regardent dans le même sens.
On ne sait pas très bien pourquoi.
Je crois que je passe bien trop de temps sur internet. A regarder des vidéos. J’allais écrire « stupides » mais je ne les trouve pas inutiles et c’est un mot qui peut sonner péjoratif.
Deux autres personnes sont entrées, elles ont l’air d’hésiter.
On a réglé le vidéoprojecteur juste avant, pour qu’il soit plus net quand on est au fond.
Il faut un peu choisir ici, si on veut la netteté en haut de l’écran ou sur le bas de l’écran.
Jusqu’ici, c’était plutôt vers le bas.
J’ai encore les doigts froids.
Je ne sais pas si remettre mes manches correctement y changera quelque chose.
En général, j’essaie d’avoir une tasse de thé chaude, la tasse chaude ? le thé chaud ? une tasse de thé chaud ?
Mais le catering est tout en haut. Et je n’ai trouvé que du café ou de la tisane.
Une personne s’est levée et a pris un des sacs.
Dehors j’entends encore la même vidéo depuis ce matin. C’est une vidéo que je recommande.
Mais pas toute la journée.
Il y a une des actrices-catcheuses qui est très intrigante. (J’essaie de varier les adjectifs)
Il y en a une que je n’aime pas en revanche. Elle dit qu’elle veut manger les vegan.
Il se trouve que je suis végane moi-même.
C’est un mot que l’ordinateur ne reconnaît pas.
Je me demande pourquoi.
J’entends un talkie walkie.
Il paraît qu’il y a une performance qui vaut la peine juste après.
Très tonique.
Avec des lumières stroboscopiques. Je précise parce qu’il peut y avoir des personnes sensibles.
C’est précisé à l’entrée d’une salle à Beaubourg. Au centre Pompidou.
Mais je n’ai jamais vu d’accident.
Je suppose que ça peut arriver.
Mais parfois les musées préfèrent prévenir. Etre encore plus prudents.
Il y a eu beaucoup de réformes de l’orthographe. Je m’en rends compte parce que, quand j’étais petite, on nous faisait mettre les accents sur les majuscules et ça n’a pas l’air possible sur un ordinateur aujourd’hui.
Il n’y a plus qu’une seule personne debout, au fond.
J’ai vu passer un fauteuil roulant au loin.
Le Palais de Tokyo n’est pas très adapté à ça.
En 2012, des visiteurs s’étaient plaints de l’inaccessibilité de certaines œuvres pour les personnes à mobilité réduite.
Elle est arrivée en haut des escaliers. Heureusement que je n’ai pas dit « handicapé » parce qu’il parait que c’est vexant.
Moi je ne trouve pas ça vexant.
Je n’ai pas voulu vexer (au cas où).
Il y a d’autres musées qui vont fermer pour rendre accessibles d’autres salles.
Avec toutes les rampes dans un sens et dans l’autre, j’ai vu des personnes se prendre les pieds.
Ici, au Palais de Tokyo.
La personne en fauteuil est repartie. Je me demande ce qu’elle a pensé de ne lire que ce passage…
J’aurais peut-être pu tenter quelque chose de plus gai, parler des œuvres où il y a de la musique.
Ce soir, il y a une fête au Yoyo. Mais c’est en plus du pass 3 jours.
On se disait avec Steve que ça revient cher pour une famille de sortir dans les lieux culturels.
Mais j’imagine qu’ils n’emmènent pas leurs enfants en bas âge au Yoyo faire la fête toute la nuit ensuite.
Certains se lèvent.
D’autres arrivent.
J’ai eu un pantalon avec des motifs comme ça, mais je trouve qu’il me grossit.
J’ai souvent peur de ça, d’avoir l’air grosse.
Une fois, ma grand-mère m’a dit que j’avais l’air grosse. J’avais un pantalon rose.
Quand j’ai mis un pantalon rouge, elle a pleuré.
Depuis, je ne mets que des couleurs sombres en bas.
Je devrais y penser, à essayer d’autres choses.
Je ne sais pas ce qu’en dit ma maman qui est là assise et qui lit.
Je sais qu’elle aime bien les motifs et les chaussettes colorées.
Elle a des chaussures vertes aujourd’hui.
Moi, j’en ai de toutes les couleurs, mais pour le travail, on m’a dit de m’habiller en noir, blanc ou gris.
Je ne sais pas qui est « erwan » mais j’ai entendu son nom.
C’est un nom Breton.
On reconnait bien les noms bretons.
Moi, on me demande souvent si je suis italienne. Pourtant, Paloma, ça n’est pas Italien.