(c) Agathe Anquez, 2018
Do Disturb, Palais de Tokyo (Paris)
C’est étrange de vous faire attendre… pourquoi ?
Simplement parce que c’est indiqué 22h45 sur le programme ?
Je pense qu’en tant qu’artiste je peux décider du début.
C’est plus facile de commencer quand il y a du monde.
J’ai fait cette performance un peu plus tôt dans la soirée dans un autre lieu.
C’était très différent.
Il n’y avait pas autant de monde. Je trouve ça un peu impressionnant.
Pourtant, je n’ai jamais le trac.
Ça ne m’arrive pas. C’est tout .
Quand j’étais petite, je restais cachée derrière le décor. Sur scène. Pour ne pas être trop loin de ma maman.
Elle est danseuse.
Mais elle ne vient pas ce soir. Elle est à un autre vernissage.
C’est pas très grave, elle est venue me voir hier.
J’ai un micro. C’est drôle.
Je n’ai pas encore vu grand-chose de ce festival. Mais il paraît qu’il y a beaucoup de choses qui se passent. Dans tous les sens. Des performances très énergiques. On peut dire ça d’une performance ? Qu’elle est énergique ? est=ce qu’on ne dit pas plutôt dynamique ? je ne trouve pas le tiret. Ça fait un signe égal. C’est un peu perturbant.
J’ai un problème avec l’eau. Dès que j’en ai pas loin. Je ne peux pas m’empêcher de boire. Ça ne marche qu’avec l’eau. Mais quand je bois beaucoup d’eau pendant une performance, j’ai peur d’avoir envie de faire pipi.
Je ne sais pas où sont les toilettes les plus proches. Je sais qu’il y en a près des loges.
Mais c’est tout là haut.
C’était intimidant ces loges. Il y avait un groupe de femmes habillées toutes de la même couleur et qui chantaient. Deux autres se changeaient. Alors je suis allée voir du côté du catering. Le buffet était encore plein. Mais le cuisinier se préparait sa propre assiette pour la manger en terrasse. Alors je suis allée voir cette terrasse. C’est très beau. On voit la Tour Eiffel. J’ai pris une photo pour la mettre sur facebook.
Je l’ai mise d’ailleurs. C’est amusant de vous voir là silencieux. Avec le reflet de la lumière de la projection sur vos visages, on dirait que je vous regarde au cinéma.
J’ai croisé un ami qui fait une performance ce soir aussi. Antoine Proux. Il fait Pugnographie.
C’est très bien. Une sorte de combat de boxe avec des mots. Je n’ai pas vu s’il s’agissait d’onomatopées ou de mots complets. Et les performeurs se battent à coups de mots.
En octobre dernier, on participait à la même soirée pour la nuit blanche. Il avait construit un mur d’escalade qui reprenait la ponctuation d’un livre. Je ne sais plus lequel. Ah bah tiens, il est là. Il vient de s’asseoir avec Ida Simon.
C’est elle qui nous a présentés.
Merci.
Je suis contente qu’ils soient là. C’est toujours rassurant de voir des têtes connues.
Je crois.
Une fois, une amie m’avait dit qu’elle n’avait pas de problème a être modèle pour des cours de dessin parce qu’elle ne connaissait pas les gens.
J’ai trouvé ça étrange de pouvoir se dénuder devant des inconnus mais pas des gens proches.
Des gens proches… j’ai pensé des « gens bons » il y a cette blague qui dit des « jambons » ça sonne pareil ?
J’aime bien entendre des rires. J’ai entendu celui d’Antoine. Je ne sais pas si c’est pour me soutenir ou si c’est vraiment spontané.
Je lui demanderai.
Une fille avec une jupe métallisée vient d’entrer.
Elle n’est pas seule. J’aime bien ce genre de tissus. Mais je n’ose pas tellement porter des vêtements trop voyants.
C’est pas vrai. J’ai mis une chemise rouge exprès. J’y ai pensé en début de semaine. Que je mettrai des couleurs vives.
On dit plutôt porter un vêtement que mettre. C’est pas joli « mettre ».
J’ai souvent trop chaud pendant ces performances. Je ne sais pas comment y remédier. J’allais dire « trouver une solution ». Enfin… écrire.
Un remède… trouver un remède ? ce n’est pas ce que je voulais dire/écrire
J’entends beaucoup de bruit au loin. Je ne sais pas très bien d’où ça provient.
Pendant la répétition, il y avait une vidéo de quelqu’un qui chantait juste dehors. Je me suis imaginée qu’il y aurait ça un peu ce soir, en toile de fond.
La fille a la jupe métallisée est partie. Ça n’a pas dû lui plaire. Ou alors, elle reviendra.
C’est vrai qu’on peut faire ça aussi, entrer, sortir.
Il y a tellement de choses à voir. Le texte n’est pas continu.
C’est la première fois que j’ai un public qui reste aussi longtemps sans sortir.
J’ai vu quelqu’un qui faisait un signe de la main en sortant de la salle. Je ne sais pas si c’était pour moi. C’est un peu difficile à dire d’ici.
Je suppose qu’elle m’enverra un message si c’est pour moi.
Je me dis que je devrais vous parler de choses consistantes puisque j’en ai l’opportunité. Mais rien d’intelligent ne me vient.
C’est souvent comme ça. Tout vient après. Le soir, quand on est prêt à dormir.
Non ? on commence à se repasser des scènes dans la tête et on revit des choses, en se disant : « ah, j’aurais dû dire ça »
Je dis ça, mais ça m’arrive de moins en moins.
En général, je m’allonge et je m’endors.
Avant, il y a quelques années, j’aimais bien m’asseoir et observer les gens. Peut être que maintenant, je suis observée. Mais je me racontais des histoires, des hypothèses sur les personnages qui étaient face à moi. Et puis le soir, j’imaginais comment j’aurais pu m’intégrer à la scène.
Deux personnes sortent et deux autres sont entrées. Une autre entre.
La plupart sont assis. Mais certains sont assis. Je ne sais vraiment pas pourquoi il y a ce problème de ponctuation avec ce clavier.
On a eu quelques soucis techniques pendant la répétition. Il paraît qu’on ne peut plus connecter de mac sur les vidéoprojecteurs. Alors on m’a prêté un PC mais comme l’espacement des touches est différent, j’ai connecté un autre clavier mac.
On me dit qu’il faut un adaptateur spécifique.
J’en ai 5 différents à la maison. Il paraît que c’est la dernière mise à jour d’OS (je ne comprends pas bien ce que je dis, je répète) qui ne passe pas sur les vidéoprojecteurs des musées.
Ça marche bien avec mon vidéoprojecteur, mais je ne pouvais pas l’amener ici.
Il est bien celui là, il fait une grande image.
Souvent, on me dit qu’on n’arrive pas bien à lire ce que j’écris, que c’est trop petit.
Alors j’ai aussi changé de police.
On m’a dit que l’Arial était la plus lisible.
Je n’en suis pas tout à fait convaincue.
J’aime bien les polices à empattement. Ida et Antoine sont partis. D’autres aussi, mais je ne les connais pas.
Une personne est entrée.
Je me demande encore ce que préparaient toutes ces femmes dans les loges qui chantaient. Je les ai trouvées impressionnantes.
Il y a deux personnes qui épient au loin. Elles se sont un peu approchées.
J’entends une voix aussi. Deux voix. Celle d’un enregistrement et une autre.
Ça aussi ça me rappelle quand j’étais petite.
Un talkie walkie.
Je n’ai pas réussi à entendre le message.
Ah oui, c’est vrai que selon les langues on peut dire walkie talkie ou talkie walkie…
Je donne des cours particuliers à des enfants dans la semaine. Il y a quelques temps, mon élève Clara avait un problème de maths à résoudre. Il y avait une histoire de talkie walkie / walkie talkie.
Non, c’était un problème de physique, sur les ondes radiophoniques.
Elle est en sixième.
Parfois, sa maman me demande de lui faire ses devoir d’arts plastiques. Je suis un peu contre l’idée de le faire toute seule. J’ai l’impression que la note est pour moi après.
Je n’ai jamais tellement aimé cette histoire de notes.
Ce matin, j’ai reçu un message de la maman de Clara qui disait qu’elle avait besoin de beaucoup d’heures ce week end pour préparer cinq contrôles à venir.
Qu’ils allaient passer un très mauvais week end.
Ça m’a rappelé des angoisses quand j’étais petite.
Je détestais l’école. Ma mère m’avait prévenue : « avant 18 ans, c’est la prison. Tu finis l’école le plus vite possible, après tu fais ce que tu veux. »
Alors j’ai essayé d’aller le plus vite possible pour avoir le bac.
Mais après, elle voulait que je fasse des études supérieures.
Là, au moins, je pouvais choisir.
C’est très drôle parce que les trois personnes qui viennent de s’asseoir étaient très synchro.
Maintenant, ils rient.
Je ne sais pas si cette chaise est très confortable… Je me rends compte que c’est rare de trouver une chaise confortable.
J’avais été étonnée quand un ami designer avait passé un an à étudier l’assise. Il a finalement fabriqué une chaise dans un seul morceau de tôle.
J’ai trouvé que ce n’était pas si confortable.
Joli, mais pas confortable.
Il a fabriqué tous les meubles de son appartement. C’est beau. Tout a une place. Je suis incapable de faire ça. Ou alors si, quand j’emménage quelque part. Ensuite, il n’y a plus de place pour rien.
Peut être qu’il me faudrait plus d’espace.
Un peu comme ici. Mais le sol est en pente.
Parfois, j’essaie de me projeter dans les espaces d’exposition que je visite. Ils sont souvent très bien placés.
Je me suis demandée si tous les gens qui venaient aujourd’hui connaissaient quelqu’un qui participait au festival.
On a tous eu des invitations à donner.
J’ai hésité à lancer un concours sur ma page pour donner ces invitations. Mais je ne trouvais pas l’objet du concours.
Et puis, ça demande un peu d’organisation. Il aurait fallu que je retrouve cette personne ensuite, que je lui donne rendez=vous. Encore ce tiret qui est remplacé par le signe égal.
Est=ce que quelqu’un sait s’il y a une façon de retrouver le bon tiret ?
J’ai entendu « pt » une onomatopée très française.
Quand mon oncle est venu s’installer à Paris, il s’est exercé à ce son. Il répondait toujours en commençant par ça et il riait.
Après, il s’est disputé avec ma mère et il est parti.
Je ne sais pas si c’était lié.
Je ne crois pas.
J’avais prévu de dire quelque chose. Mais maintenant, ça ne me paraît pas si important.
Dans la vie de tous les jours, hors performance, je ne fais que de parler.
Je crois que je suis très peu en silence.
Mais il n’y a qu’une personne ici pour en témoigner.
Je ne connais pas les autres. Je crois.
On pourra faire connaissance après. Si vous voulez.
Une fois, un type est venu courir après moi dans la rue en me disant « eh mademoiselle »
Ça commence souvent comme ça.
« tu veux faire connaissance ? »
J’ai trouvé ça étrange comme formule.
Alors, je lui ai dit « non ».
Et il m’a répondu que lui, avait très envie de faire connaissance. Il insistait sur cette phrase.
Peut être qu’il avait entendu ça ailleurs.
Faire connaissance. Comment « fait=on » connaissance ?
Ça n’a pas tellement à voir avec la connaissance le « faire ». J’associe plutôt « faire » à « fabriquer ».
En même temps, rencontrer quelqu’un, ça peut être fabriquer quelque chose aussi.
Ou créer un moment.
Ici, c’est un peu unilatéral. Mais j’ai l’habitude parce que je suis aussi conférencière. Je fais des visites guidées dans les musées. Et j’ai souvent un micro pour que les groupes m’entendent. J’ai l’impression de murmurer à leur oreille.
Il y a des vidéos sur youtube comme ça. Où des gens font des choses diverses et variées en chuchotant. Il parait que c’est relaxant.
Mais moi j’ai souvent des groupes de vieux. Alors ils mettent très fort le volume.
Je leur fais des blagues parfois.
Je n’aime pas ces petits zigs=zags qui soulignent le texte.
Ça fait ça à cause du tiret aussi.
Ou alors des mots comme youtube et facebook.
L’ordinateur ne connait pas ces mots. Pourtant, ils font partie de notre quotidien depuis des années.
La semaine dernière, facebook m’a annoncé que j’étais sur le site depuis 2008.
J’ai réalisé que c’était avant la naissance de certains de mes élèves.
J’ai trouvé ça étonnant. Pas tout à fait effrayant, mais remarquable.
Je ne sais plus comment j’ai atterri sur facebook.
Ni qui m’en a parlé en premier. Comme whatsapp. Non, ça je crois que c’était parce que ma mère voyageait et elle voulait rester en contact. C’est très important pour elle qu’on se parle tous les jours.
Elle m’a acheté un portable dès que j’ai pris le métro seule.
Avant, j’avais une carte téléphonique, et je l’appelais de la cabine du coin du collège pour lui dire que j’étais bien arrivée.
Une autre amie, Inès, aussi faisait ça. On se retrouvait toujours dans la même rame du métro.
Je l’appelais du fixe en partant de chez moi, pour qu’elle se prépare parce qu’elle habitait deux stations plus loin.
Souvent, il y avait des problèmes sur les lignes et on arrivait en retard.
Des problèmes SUR les lignes ? sur les voies ? je ne sais pas. Les annonces sont souvent mystérieuses.
J’ai des amis qui essaient de décoder les messages de la ratp. Ils disent qu’incident grave voyageur, ça veut dire que quelqu’un a tenté de se jeter sur les voies.
Je n’en suis pas sure parce que ça ferait beaucoup de monde, dans cette situation.
Une fois, j’ai perdu une chaussure sur les voies. J’étais avec Inès justement. Elle est allée chercher un agent de la ratp qui m’a dit « mais qu’ont les gens à vouloir jeter leurs chaussures sur les voies ? »
J’étais morte de trouille.
Je ne dis jamais ça non plus « morte de trouille ». Mais je l’ai lu quelque part.
Ah tiens, ça doit faire un moment que je suis concentrée sur le clavier parce que je n’ai pas vu que la salle s’était un peu vidée.
C’est sympa que vous soyez là.
Souvent, on n’a pas tellement l’opportunité de parler comme ça, de tout ce qui passe par la tête.
Il m’a fallu faire une performance pour ça.
D’autres vont chez un psy. On peut faire les deux, je suppose.
Hier, on m’a demandé si c’était une sorte de thérapie pour moi. Mais je crois qu’on dit plutôt art=thérapie pour soigner d’autres personnes que soi.
Alors ce n’est pas tout à fait ça pour moi.
J’aime bien cette musique.
Mehdi m’a dit haha
Mehdi m’a dit
Il a participé à Do Disturb l’année dernière. Il dit qu’on fait la fête tous les soirs après les performances.
Mais je ne suis au courant de rien encore.
Peut être que ce sont des fêtes spontanées.
Je crois que j’utilise beaucoup ce mot en ce moment.
On entend ça aussi, à la radio « la spontanéité » ou quelqu’un de « spontané ». Je ne sais pas si je sais très bien ce que ça veut dire.
Peut être qu’il faudrait que je regarde plus près. Un dictionnaire étymologique. J’aime beaucoup les dictionnaires.
J’en ai de toutes sortes.
Je vais regarder avant la performance de demain.
J’ai entendu « évacuation »
Ça aussi c’est un mot que je n’entends jamais.
Seulement dans la bouche d’agents de sécurité.
Ou alors sur des panneaux.
« évacuation ».