(c) Viviana Moin, 2018
La Mort de la Lecture, Grands Moulins (Paris)
Souvent, je ne sais pas très bien quand commence cette performance.
Je suppose que je suis la seule à pouvoir décider de ça...
En fait, je commence à écrire et c'est ça le début.
Parfois, il n'y a personne. Mais ça ne change rien, le public arrive peu à peu et le texte existe déjà.
Ce n'est pas comme un film, ce n'est pas grave si on loupe le début. C'est plutôt comme dans la vie, on fait irruption, et puis on peut repartir. Choper un moment.
Ce qui m'amuse dans cette performance, c'est de repasser au silence. Je veux dire... dans ma vie de conférencière, je ne fais que parler.
Je n'ai pas tellement la possibilité de laisser des silences. On me paye pour parler ! (d'art évidemment, pas de mon chat).
Ici, je peux dire ce que je veux. Mais seulement par écrit ?
Personne ne m'impose rien. Je me suis créé mon propre protocole.
J'ai entendu qu'il a des collectionneurs d'oeuvres protocolaires. Ça me paraît étrange de développer une passion pour des œuvres qui sont définies par des règles...
Est-ce que ces gens là, ces collectionneurs là ont eux-même une vie quotidienne définie par des règles strictes ? Des protocoles à respecter ? Ou alors peut-être qu'à l'inverse, ils aiment ces œuvres parce qu'elles leur semblent mystérieuses. Ils auraient une vie dissolue. Ils erraient. Ils dormiraient tantôt la nuit, parfois le jour. Ils petit-déjeuneraient à la place du dîner, et dîneraient au déjeuner. Ils prendraient l'apéro au réveil. Et le lendemain, ils remettraient tout en question, changeant à nouveau l'ordre des choses. Pour qu'il n'y en ait pas.
Peut-être que nous avons tous nos règles, notre œuvre protocolaire chaque jour. Ce qu'on appelle une routine ? La routine, j'ai entendu ça aussi pour des gymnastes ou les petites filles qui participent à des concours de beauté. Elles apprennent une routine.
Elle répètent ce qu'elles doivent faire, à quel moment sourire, à quel moment faire la roue, ou danser ou chanter, ou jongler... Elles font toutes sortes de choses.
C'est ça leur routine.
C'est drôle parce que ça me fait penser à un tableau de Foujita. Celui où il ne peint que des chiens. Et ils sont tous là, à faire des choses différentes. Chacun incarne un personnage de la société, une figure différente.
J'ai chaud. Ce matin, je me suis habillée en me disant que j'aurais certainement froid à être statique. Mais j'ai raté le bus, alors je me suis un peu pressée. Depuis, j'ai vraiment chaud. J'ai vu passer un ami de l'autre côté de la fenêtre. Peut-être qu'il vient. Je viens de le voir repasser, dans l'autre sens cette fois. Peut-être qu'il est perdu. C'est vrai que c'est un peu compliqué quand on ne connait pas.
J'ai l'impression d'être toujours là, dans cette bibliothèque à l'heure où les étudiants partent. Je suis toujours à contretemps.
J'aurais pu garder ma montre.
Il y a des gens qui prennent la pose de l'autre côté de la salle. Ils portent tous des choses sur la tête : couronnes en papier, chapeaux... et ils rient tous.
Il y a de la musique dehors. C'est dommage, on pourrait ouvrir les fenêtres pour en profiter un peu. Ça a l'air sympa. Une musique un peu salsa. On m'avait dit pendant une réunion qu'il y aurait une musique dehors.
Je ne sais pas pourquoi on essaie de garder autant de silence dans une bibliothèque. Quand j'étudie un sujet, je mets de la musique, très bas, mais ça me donne un rythme.
Je ne lis jamais mieux que dans le métro, alors que c'est un environnement bruyant.
Peut-être que c'est un espace où on ne fait que passer, pour emprunter ou déposer un livre. Ou alors peut-être qu'on se méfie des choix musicaux du bibliothécaire. C'est probablement ça. Ou alors, on attend tous que quelqu'un prenne l'initiative. Il faudrait laisser une enceinte à disposition... Est-ce que ça ferait partie d'un protocole ?
Ça fait longtemps que je n'ai pas dansé la salsa. Il y a quelques années, j'avais mes repères. Des lieux où j'allais toujours danser. Mais j'avais aussi un rythme de vie plus routinier. J'étais encore étudiante aux Beaux-Arts. Est-ce que j'avais cette routine parce que j'étais étudiante ou alors parce que j'étudiais justement les œuvres d'art protocolaires ?
Je me souviens d'avoir été à un vernissage à Eindhoven où il s'agissait en grande partie d'oeuvres-consignes. Mais peu se prêtaient au jeu.
Une fois, on m'a demandé de faire une visite-performance pour des enfants. Mais on m'avait un peu déjà dit ce qu'on attendait de moi.
Il fallait que je parle des œuvres, et à chaque changement de thématique, que je leur fasse faire quelque chose. Pour qu'ils soient actifs.
Evidemment, ça marchait plus ou moins selon l'âge des enfants.
J'ai vu Ida arriver. C'est avec elle que j'ai fait cette performance pour la première fois.
Enfin... dans l'espace d'exposition qu'elle proposait. Depuis, elle m'a mise en contact avec d'autres lieux. Je pense que ça lui a plu.
Christopher m'a prévenue qu'il était difficile d'entrer dans l'espace. On a un ami en commun qui n'a pas pu entrer. Je ne sais pas pourquoi.
Sur Facebook, j'ai vu passer un mot qui disait qu'il était souhaitable de se munir d'une carte d'identité pour entrer... C'est plus contrôlé qu'une boîte de nuit.
C'est drôle « se munir ». Je ne dis jamais ça. C'est très solennel... Non ? Qui dit « se munir » ? ou « munissez-vous » ? Ce matin, j'ai aussi entendu « prenez garde ».
L'été dernier, je suis allée danser avec mon amie Anna. Heureusement que je m'étais munie de ma carte d'identité parce qu'on me l'a demandée.
C'est rare ce genre de situation. Il y a quelques années déjà, une vendeuse chez Sephora, m'avait conseillé une crème contour des yeux. « Parce qu'à partir de 25 ans... »
Je n'avais pas encore 25 ans. Ça m'a marquée. Mais peut-être qu'elle a réussi son coup marketing, parce que depuis, j'utilise une crème contour des yeux antirides tous les soirs.
J'en ai testé plusieurs. Ce sont souvent des petits tubes. On dirait des échantillons.
Mais le prix n'est pas le même.
Il y en a en flacon-pompe. On appelle ça comme ça. Un autre mot qu'on n'utilise que rarement.
Il y a des dentifrices en flacons-pompe. J'aime bien ceux-là, pour la crème antirides. Je trouve ça plus hygiénique. Mais peut-être que c'est parce qu'on me l'a dit.
Une vendeuse a dû me dire ça.
Il n'y a plus de musique. Je me demande si c'était
J'ai perdu le fil. On m'a dit que ce n'était pas lisible. J'ai répondu que cette performance avait quelque chose de confidentiel. Je ne sais pas si j'ai envie que tout le monde soit au courant de tout ce que je pense ! Pour quelques-uns, ça va. Vous deux en face, qui lisez.
C'est bien déjà.
D'autres personnes continuent de mettre des choses sur leurs têtes et de prendre des poses étranges de l'autre côté de la salle. Ils sont de plus en plus nombreux et semblent perplexes.
La musique a recommencé. C'est très différent de la salsa du début.
J'entends une voix, une batterie... J'ai un peu de mal à distinguer...
Il y a un peu plus de monde, et moins de passage pourtant.
Je me demande qui sont les personnes ici présentes. Ça aussi c'est une formule qu'on ne dit pas tellement au quotidien : « les personnes ici présentes ». Sauf dans un cadre officiel.
Je crois.
Eric Marty vient de dire « oui, m'enfin bon ». Je ne sais pas à quoi il faisait référence.
Je suppose qu'il est bientôt 19h. Il y a plus d'activité par ici.
J'ai reçu plusieurs messages d'amis qui m'informaient qu'ils « essaieraient de passer » à mes performances ce mois-ci.
Je ne sais ce que c'est que cette histoire d'essayer de passer. Et surtout, est-ce que j'ai vraiment besoin de savoir que la personne va « essayer » de « passer » ?
Est-ce qu'elle va faire de son mieux pour « passer « par là ? Est-ce que c'est pour me dire que c'est un effort ?
Souvent, je fais des visites guidées à des personnes âgées. On ne dit plus vieux maintenant.
C'est comme pour les handicapés. On dit plutôt « personnes à mobilité réduite » ou alors « mal voyants » plutôt qu'aveugles. C'est mal vu.
Bon... et quand j'ai des groupes de vieux, ils cherchent à s'asseoir dans toutes les salles. Parfois sur les socles des sculptures.
Parfois, je fais des blagues, mais tout le monde ne rit pas. Je crois qu'il y a un registre de blagues qui fonctionnent pour les vieux.
En ce moment, il y a plusieurs expositions qui traitent des années 30. Alors je leur dis qu'ils sont tous trop jeunes pour avoir connu ça et que je vais tenter de leur raconter un peu, pour leur faire vivre un bout de l'époque ou qu'ils en perçoivent l'atmosphère.
Et ils rient.
Quand je dis vieux, je parle de gens qui ont besoin de s'asseoir régulièrement. Je ne voudrais offenser personne. On ne sait plus très bien maintenant qui est vieux et qui ne l'est pas. Ou alors, à quel âge est-ce qu'on commence à être vieux.
Je crois que j'ai déjà parlé du sentiment de vieillesse dans une autre performance.
Il y a plusieurs artistes pour lesquels c'est une préoccupation majeure.
Je remarque aussi de plus en plus de femmes liftées dans le métro.
Je ne sais pas si je le remarque plus, ou si c'est une pratique plus répandue, ou alors si elles prennent davantage le métro.
La rencontre avec Eric Marty a l'air de démarrer. J'ai essayé de me renseigner sur lui sur internet. Il y a beaucoup d'extraits sonores. Mais ce n'était pas reconnu par mon ordinateur. J'étais déçue parce que les sujets avaient l'air intéressants.
Il paraît qu'on partage la même bouteille d'eau, qui nous a été distribuée dans deux gobelets en plastique. On partage ça déjà. On est composés presque essentiellement d'eau. C'est relevant donc.
Un jeune homme vient de me dire que c'était très drôle. En faisant un signe de la main.
C'est gentil.
Je trouve qu'Eric Marty a une voix très radiophonique.
Souvent, ces voix radiophoniques sont très reposantes, claires, et pourtant, j'aime bien aussi cesser de prêter attention. C'est presque une berceuse.
Peut-être que j'ai réellement besoin de bruit.
Entre la musique pour étudier, et la voix radiophonique comme berceuse... Mais j'ai grandi en ville. Il y a toujours du bruit. Des voisins...
J'habite seule pourtant, mais j'aime bien savoir ce que font mes voisins, les entendre un peu.
J'ai réécouté une création radiophonique samedi dernier. Une série de Sebastian Dicenaire qui est intitulée Pamela. Je crois. Il a lu tous les romans à l'eau de rose qu'il pouvait, jusqu'à s'imprégner du style. Et puis, il invente une histoire, d'une Pamela et son petit ami, dont j'ai oublié le nom, et qui se posent des questions métaphysiques.
Eric Marty parle de l'ennui. La première fois que j'ai pris la parole en public, c'était pour un concours d'éloquence. Je n'avais pas l'habitude des micros, j'étais très traquée (on dit ça quand on a le trac, mais je n'utilise jamais cette expression), et mon discours parlait de l'ennui. Je n'ai pas bien compris comment on en était arrivé à parler d'ennui ici.
Le titre de la soirée c'est La Mort de la Lecture. Je ne sais pas si on peut s'ennuyer en lisant. Je dis ça mais, en même temps, j'ai plein de titres qui me reviennent de livres que je
n'arrivais pas à terminer parce qu'ils m'ennuyaient. Je crois que je m'ennuyais à partir du moment où c'était un livre que j'étais obligée, ou contrainte de lire. Pour l'école par exemple.
Alors qu'après ça, même quand un livre m'a moins plu, je ne me suis plus ennuyée.
Pourtant, dans ce fameux discours du concours d'éloquence, je vantais les bienfaits de l'ennui. Comme une pratique essentielle au développement personnel.
J'ai entendu « un texte sulfureux ». Je me souviens d'un texte qui m'a paru particulièrement osé : Hic & Hec. C'était presque difficile à lire. Un tout petit livre, mais que j'ai mis presque un mois à lire. Je lisais une page par jour, pas plus. Dans mon souvenir du moins.
Et puis je l'ai prêté et je ne l'ai plus jamais retrouvé.
Il y a une alarme qui sonne parfois. Je ne sais pas à quoi elle correspond.
« un rapport de rejet » ? comment est-ce qu'un écrivain pourrait rejeter le lecteur ?
Ah... il dit « l'écrivain n'appelle pas le lecteur ». C'est différent de ne pas appeler et rejeter.
Si l'écrivain rejetait, il n'avait qu'à pas publier... Des écrivains sans lecteurs... peut-être un peu comme moi maintenant. Je continue à écrire, mais personne ne lit. Il paraît que ceux du fond ne peuvent pas lire parce que c'est trop petit, alors l'audience se limiterait à tous ceux qui sont le plus près de moi. Ils sont tous retournés vers l'espace qui constitue la rencontre avec Eric Marty. Ah non, pas tout à fait. Certains jettent un coup d'oeil par dessus l'épaule.
J'ai vu le frère d'Anna, de l'autre côté de la fenêtre. Christopher est allé vers lui. Peut-être qu'il n'arrive pas non plus à entrer. C'est peut-être pour ça que je ne reconnais pas grand monde ici.
Ou alors peut-être que tous mes amis ont choisi d'autres dates, d'autres lieux pour me voir.
En venant, ma mère disait qu'elle avait souvent considéré ce coin, le 13ème, comme le bout du monde. Maintenant que j'habite dans le 12ème, pour moi, c'est de l'autre côté de la Seine. Pour elle, c'est vrai que ça fait loin.
Je crois que j'ai raté une bonne partie de ce que dit Eric Marty. Je me suis abstraite...
Je parle beaucoup d'abstraction en ce moment dans les musées. Il y a l'expo Kupka, et puis j'en parle même avec Rodin. Tout à l'heure, j'ai fait une visite du musée Belmondo. C'est le père de Jean-Paul Belmondo. Le frère d'Anna a réussi a entrer. Il est venu avec sa femme que j'aime beaucoup. Je ne sais pas pourquoi je la trouve si sympathique. C'est un peu gênant parce que je sais qu'ils lisent.
Eux, ils ont pu entrer.
Pour revenir à ce musée Belmondo, c'est à Boulogne, et personne n'y va jamais. C'est presque un musée pour ses enfants.
J'ai entendu parler de Barthes. Je crois que je ne peux plus dissocier Barthes du début de La Chambre Claire. Ce moment où il définit la photographie, l'objet photographie presque comme une mort. Ou alors comme le souvenir de quelque chose qui est déjà passé. Il dit ça ? Je ne sais plus. Je crois que je commence à mélanger avec ce que je voulais dire dans mon mémoire aux Beaux-Arts.
L'auteur tue le lecteur ? J'ai l'impression d'entendre des phrases, par bouts, dites en face de moi.
La semaine dernière, le père d'une de mes élèves, m'a envoyé un lien vers un article qui s'intitulait « une végane tue un boucher et l'accuse de meurtre ». Il m'a envoyé ça parce que je suis végane. J'ai pensé que c'était une boucle : on tue quelqu'un parce qu'il tue d'autres personnes/êtres vivants... on deviendrait soi-même meurtrier aussi...
Dans le film Rrrr il y a quelqu'un qui invente le mot « crime » et ça sonne faux parce que c'est la première fois que quelqu'un invente ce mot.
C'est amusant la façon de nommer les choses.
À l'Institut du Monde Arabe, il y a une petite tablette d'argile où, pour désigner le commerce de perles, on parle d'oeil de poisson. C'était trop ambigu, de représenter un petit rond.
Le micro ne fonctionne plus. Et la musique dehors s'est arrêtée au même moment.
C'est très différent sans micro. Je crois qu'en fin de comptes, on fait plus d'effort pour entendre, se concentrer. Le micro fonctionne à nouveau.
Je pensais qu'en parlant de la mort de la lecture, on évoquerait peut-être des problèmes que rencontrent les maisons d'éditions, ou alors les enfants, qui lisent apparemment moins qu'avant, ou alors la lecture sur tablette...
J'ai vu passer un test sur facebook, sur notre rapidité pour lire des mots, par minute.
C'était en espagnol. Le test consistait à lire un texte qui apparaissait mot par mot, de plus en plus vite. Je me suis arrêtée à la troisième étape. Il paraît que c'est pas mal.
« Lectrice aguerrie »
Il y a toutes sortes de tests sur facebook, je ne les fais que rarement parce que j'ai toujours peur que le résultat apparaisse sur mon mur.
Quand j'étais petite, j'étais abonnée à toutes sortes de magazines qui proposaient des tests. C'était la première chose que je faisais : le test.
Je me demande pourquoi. Est-ce que j'avais besoin d'une approbation quelconque ?
Il y a un homme au premier rang, tout près d'Eric Marty, qui a les yeux fermés.
Je me demande s'il dort. Il a réouvert les yeux. Il les a refermés.
À nouveau l'alarme.
La musique a repris, mais elle est plus discrète. Les ambiances changent très rapidement ici. Je pensais que cette rencontre commençait par un échange sur les impressions, expériences du public. Ça c'est présenté davantage comme une conférence finalement.
Christopher dit quelque chose. Je suppose qu'il propose que chacun s'exprime.
La première personne qui a parlé a posé une question, et a passé directement le micro a sa voisine, sans attendre de réponse. La deuxième a l'air un peu agressive. Ou alors vraiment déçue. Elle s'attendait à autre chose. Le troisième pareil, s'attendait à autre chose que ce qu'il a vu.
C'est assez inhabituel d'entendre des gens prendre la parole pour contester ce qui vient d'être dit. En général, peu de personnes prennent la parole. Il peut y avoir quelques questions, mais qui vont souvent dans le sens de l'intervention.
Je suis étonnée de ce public contestataire.
On est en train de parler de consommation de la lecture... je n'ai pas compris le lien direct entre capitalisme et lecture. Mais je n'ai pas tout suivi.
Je crois que j'ai déjà entendu cette histoire d'auteur qui déteste ses lecteurs. Je ne sais plus où, mais c'était l'objet même du livre : de préciser que ceux qui constituaient en réalité les lecteurs de cet auteur, n'étaient que des « ménagères » (je me souviens de ce terme dans le roman) et il était déçu.
Ça ressemble à un film avec Bacri. Peut-être que c'était un film alors.
Il se produit un débat étrange entre une personne au micro et une autre à la voix sans micro. Ça crée un déséquilibre un peu agaçant. Christopher a retiré le micro des mains d'Eric Marty. C'est plus naturel comme ça. Une jeune fille attend, le micro a la main, elle a l'air d'avoir noté des questions dans un calepin.
C'est vrai qu'il a un côté didactique. Je le vois bien dans cette position de professeur.
Il a l'air de maîtriser ce rôle.
Parfois, je m'amuse a essayer de deviner la vie des gens. À une époque, je le faisais fréquemment. Je contemplais ce qu'il se passait en face de moi, et j'imaginais, je voyais ça comme une pièce de théâtre.
Je rejoins un peu cette expérience dans cette performance. Je contemple, et je commente. Je divague aussi.
Je ne sais pas si on peut dire à quelqu'un « C'est n'importe quoi, vous dites n'importe quoi ». Est-ce que ça peut faire partie d'un débat ? Christopher a l'air de vouloir revenir à une parole plus fluide, où chacun parlerait de son expérience. Celle qui prenait des notes dit qu'elle est éditrice. Je n'ai jamais réussi a prendre des notes. J'ai essayé plusieurs fois, mais je ne sais pas me relire.
Eric Marty vient de dire que de ne pas faire ce que l'on attend de lui, c'est la moindre des choses dans une conférence. C'est amusant. J'aime bien ce côté provocateur.
Celui qui disait que ce que j'écrivais était drôle parle du fait de lire dans les transports.
Un homme a pris la défense de la femme qui était impliquée dans le débat. Ça a l'air de finir comme ça.
Quelques personnes partent, d'autres s'approchent. Seulement des personnes que je connais.
Ah non, d'autres aussi. Je ne sais jamais trop comment ça finit cette performance. Je suppose que c'est à l'heure que j'avais prévue au départ.
J'étais là avant, et je reste après. Avant le public, après lui, et aussi avant la rencontre et après.
C'est intéressant... je n'aime pas dire « c'est intéressant ».
Eric vient de dire qu'on ne peut pas dire « bien sûr ». Une fois, j'ai passé une soirée avec le fils d'un philosophe. Lui-même philosophe. Et il m'interrompait constamment pour me dire que j'utilisais mal des mots. On ne pouvait plus rien dire. Il n'y avait plus aucune conversation.
Pourtant, j'essaie de faire attention aux mots que j'emploie. « employer un mot » est-ce que ce serait comme lui donner un travail ? C'est drôle.
Quelqu'un parle de Gilgamesh. C'est vrai qu'on n'évoque pas tellement ce récit.
Je crois que je ne m'y suis intéressée qu'à partir de certains tableaux. Peut-être que c'était aussi une façon d'entrer dans la lecture... par un tableau.
Est-ce que ce rapport d'image et récit... c'est nul de dire ça.
Maintenant je ne sais plus si je dis des banalités. Et j'aime bien l'anodin.
Ça m'énerve.