Un couple passe dehors ; avec deux chiens.
J'ai profité du début du clavecin pour commencer à écrire et le chat s'est remis à miauler.
Je suis allée voir les vaches juste avant. Il y a des vaches au bout du parc.
Anna est revenue. C'est elle qui allume le clavecin, par un jeu de tiges en plastique ?
Un homme arrive, c'est peut-être Yann. Je me demande... Non, c'est quelqu'un d'autre. Anna l'accueille. Elle a dit son prénom. Il est au courant qu'il y a une performance. Il s'appelle Etienne.
Je parlais des vaches, elles sont toutes blanches et beiges. Je suis restée à les regarder un moment et trois garçons, des ados, 13 ou 14 ans, marchaient dans l'allée, ou une route. Je ne sais pas trop.
L'un d'eux m'a lancé : « C'est beau la nature ! Hein ? », avec un ton un peu moqueur.
Je lui ai répondu « magnifique ». Alors il s'est arrêté et les deux autres ont continué à marcher sans lui.
Il m'a dit quelque chose que je n'ai pas compris et comme je lui avais déjà fait répéter deux fois, j'ai répondu « non ». Ça m'a eu l'air logique.
Il m'a demandé d'où j'étais et j'ai dit « de Paris, ça change du béton ». Il a dit « oui, bonne journée » et il est parti.
Mais je voulais parler de beaucoup de choses aujourd'hui.
D'autres personnes entrent. Anna a aussi l'air de les connaître. Je ne sais pas qui ils sont. Peut-être des collègues de travail. Tout le monde parle à voix basse. Comme pour ne pas trop déranger.
J'ai gardé mon manteau parce que j'ai souvent un peu froid. Mais j'ai aussi remarqué que beaucoup d'écrivains font leurs lectures avec leurs longs manteaux. Peut-être que c'est le signe qu'on appartient au clan.
Je pense au compagnons... peut-être qu'il pourrait y avoir une confrérie de l'écriture. Je ne sais pas à quoi elle servirait.
Non, on me demande si c'est stressant. Je suppose qu'Anna fait référence aux gens qui regardent.
On oublie souvent. Je dis souvent que c'est un peu comme être dans une bulle.
Le dernier épisode de cette performance, je crois que c'était il y a plus d'un mois. C'est très long sans écrire. J'ai pensé à tellement de sujets desquels il faudrait parler.
Peut-être parler des grand-mères, mais aussi des maisons, je voulais parler des maisons. Et aussi des voyages. Et je voulais parler d'un livre et d'une exposition et aussi du travail. Du travail qu'on fait pour gagner de l'argent, ce travail qu'on aime bien, mais qui n'est pas ce dans quoi on voudrait investir trop de temps.
Je vois de plus en plus de gens passer de l'autre côté de la vitre.
Un chien arrive. Il porte sa laisse dans sa gueule. Je n'aime pas dire gueule. Je préfère dire bouche. Mais je ne sais pas si on peut dire ça pour un chien.
Il porte sa laisse dans sa bouche. Il est resté dehors.
Parfois, on ne laisse pas entrer les autres espèces. Je me demande si c'est par crainte qu'il ne piétine les œuvres. Je ne vois pas d'autre contre-indication. Les allergies ? Non, ça ne peut pas être ça.
Je voulais parler de ce travail que je fais, qui me prends beaucoup de temps : faire des visites guidées. J'en fais tous les jours. Sauf aujourd'hui. Je croise beaucoup d'amis des Beaux-Arts dans les musées. Souvent, ils font l'accueil ou la surveillance des salles.
J'ai d'autres amis-collègues qui font comme moi, des visites guidées dans les expositions et monuments. J'aime bien les croiser. On se sent moins seul dans ce travail.
Le chat parle à nouveau.
J'ai un travail qui me nourrit aussi parce que j'en apprends tous les jours, je me renseigne sur les artistes, je vais voir des expositions. Et malgré tout, j'aimerais avoir le temps d'écrire plus, de réfléchir plus, un travail d'atelier. Et avoir le temps de ne rien faire d'autre qu'observer des choses, les trouver amusantes ou trouver des coïncidences.
C'est le cas de beaucoup de mes amis sortis des Beaux-Arts. Quand ils travaillent, c'est trop d'attention, d'énergie, consacrée à gagner de l'argent. Ça ne laisse pas suffisamment de place dans l'esprit pour créer.
J'ai entendu dire qu'artiste c'était pour les riches.
Il n'y a pas si longtemps, j'ai vu passer sur facebook, le projet d'une amie qui s'intitulait quelque chose comme « les artistes vivent d'amour et d'eau fraîches ». Ma mémoire est approximative. Je ne me souviens plus très bien.
J'ai l'impression de faire des phrases toutes faites parfois.
Le chien regarde quelque chose. Je ne sais pas quoi, sa tête est pile derrière le cadre de la porte.
Il s'est couché. Il a l'air d'attendre quelque chose.
La semaine dernière, en accompagnant un groupe à Versailles, le chauffeur du car me montre son chat. Un petit chat gris aux longs poils. Il m'a raconté, ce chat, l'histoire de ce chat et de son frère qui habite chez sa copine. Il a dit « ma copine » et j'ai trouvé que ça ne collait pas avec son âge. Il m'a parlé de sa retraite.
Comme on attendait que tout le groupe monte dans le car, il m'a dit « je suis raciste ». Ou plutôt, « moi, je suis raciste ». Comme ça. Je n'ai pas su quoi dire. Je ne voulais pas m'engager dans un conflit juste avant de commencer la visite guidée sur Marie Antoinette.
Une visite guidée, ça demande d'être de bonne humeur. Ou au moins de feindre la bonne humeur. Alors j'ai évité le sujet.
Un ami me disait récemment qu'il faut choisir ses batailles dans la vie et les mener. Qu'on les rencontre au hasard, au détour d'une rue, dans le métro, et qu'il faut y aller.
Je lui disais que c'était peut-être fatiguant. Qu'il faudrait aussi décider de ce qui vaut la peine, les petites ou les grandes causes, je ne sais plus très bien.
Quelqu'un d'autre est entré. C'est une femme avec un manteau à carreaux. Il est rouge, surtout, et aussi un peu noir et blanc. Peut-être pas noir, mais une couleur foncée.
Il y a toujours quelqu'un avec un vêtement rouge.
J'aime bien retrouver ces tendances d'un jour à un autre.
Le chauffeur, finalement... non, j'ai terminé cette histoire.
Et puis, je voulais parler des voyages. Parce que je parle souvent de ma famille.
En ce moment, je fais visiter Paris à des familles américaines. Le plus souvent. Hier, c'était un couple très sympa, avec deux garçons. Ils avaient attendu que leur plus jeune fils soit suffisamment âgé pour qu'il puisse profiter des voyages comme ils l'espéraient.
Quelques jours plus tôt, j'avais reçu une autre famille avec deux filles et comme la mère expliquait la même chose à son aînée, qu'ils avaient attendu que la plus jeune fusse en âge de voyager et de profiter du séjour, la plus grande s'est indignée. Répliquant qu'ils auraient pu voyager sans la petite, la laisser, comme ils le faisaient quand ils voyageaient pour rendre visite à leur famille au Vénézuela. Et à la mère d'expliquer alors que c'était une distance différente.
Je vois souvent ces conflits, même pendant les quelques heures que je passe avec eux. Je relativise aussi sur ma vie, et parfois je me demande comment font-ils, tous, ceux-là du moins, pour payer si cher ces visites guidées ? Je me demande leur budget de voyage. On imagine souvent qu'il y a une élite de riches, pas autant de personnes, tous les jours, qui ont l'air si normaux.
Ce matin, on parlait avec Anna de Vernon Subutex, du dernier tomme.
On a toutes les deux été déçues. Le dernier nous a paru moins consistant.
Un vélo jaune fluo et un casque assorti, dehors. Un enfant tape sur sa selle. Un autre le suit de près. Pareil, mais en vert. Il le laisse et l'autre attend.
Je voulais aussi parler de voyage parce que j'ai pris la décision d'aller en Argentine voir mon père.
Je suis un peu désorganisée dans ma pensée aujourd'hui.
Mais je sais que je voulais en parler.
Parce que c'est un grand moment, ça fait plusieurs années que je n'y vais pas. J'ai perdu le compte. C'était avant mon entrée en dernière année de Beaux-Arts.
Et puis, au téléphone, mon père m'a rappelé qu'on s'était vus il y a 4 ans, il y a moins longtemps que ce que je pensais. Il était venu une semaine en France pour récupérer quelques affaires et il avait passé 3 jours chez moi. Il m'avait acheté deux tapis chez Habitat. Je les ai encore mais dans un autre appartement. J'ai déménagé depuis.
Beaucoup de choses on changé. Et lui aussi, je crois. Je l'ai vu plus gros et plus blanc dans les photos où il est tagué sur facebook. J'ai espionné le compte de sa nouvelle femme. Parce que mon père ne communique pas trop. Et j'ai découvert une vie que je ne connaissais pas. Evidemment, je ne l'ai pas connu comme ça.
Je suis si anxieuse que je me suis trompée deux fois en prenant les billets d'avion.
La première fois, je me suis trompée de date, j'ai pris l'aller et le retour avec plus d'un mois d'écart alors que je ne veux y passer qu'une semaine. Et puis après, je m'étais trompée dans le nom de mon copain pour qui j'ai pris un billet aussi.
J'ai eu l'air bête en disant au téléphone que je m'étais trompée dans le nom de copain...
Je ne sais pas comment est-ce que ça peut se passer. Ma mère dit que j'ai au moins la chance d'avoir un copain qui est gentil et un père qui saura accepter.
J'ai souvent l'impression qu'il s'en fiche. Mon père, pas Steve. Steve est un peu angoissé. Il en attend trop à mon sens. Mon père ne fera rien. Il jouera les indifférents.
C'est ma mère celle qui est plus joueuse et plus critique.
Mais ils s'entendent bien, tous. Je veux dire, mon père et ma mère, Steve et ma mère.
Moi, je n'aime pas tellement être dans ces situations, celles qui ressemblent à une famille avec plusieurs générations réunies. Je ne me sens pas à l'aise.
Et puis aussi, par rapport à ce voyage, il y a la question du logement. Je suis contente de ne pas y aller seule parce que mon père me prête son studio, mais qui est assez lugubre.
Anna était partie et elle revient.
L'avantage de ce studio, c'est qu'il est juste au dessus d'une boutique diététique et bio.
Et puis, pas très loin de l'appartement de mon père.
Yann est entré, avec une brioche. Il porte des lunettes. Je ne me souviens pas de l'avoir déjà vu avec des lunettes.
Ma grand-mère maternelle portait des lunettes de son mari, ou de son père pour se donner un genre en lisant le journal.
Elle préparait tout la mise en scène quand elle m'entendait me lever. Dans sa grande maison, elle préparait une grande casserole d'eau pour que je me lave, et puis elle se mettait toujours stratégiquement non pas face au patio, mais dans l'axe de l'entrée de la salle à manger, devant le buffet, avec un journal entre les mains. Dès qu'elle me voyait, elle se levait et allait me chercher la casserole d'eau bouillante pour que je la mélange à l'eau froide. J'en gardais suffisamment pour le dernier grand seau d'eau versé sur la tête. J'ai appris récemment que Marie Antoinette aimait qu'on lui verse de l'eau sur la tête dans le Petit Trianon.
Ma grand-mère est décédée. Je l'ai appris récemment, mais ça fait un moment que c'est arrivé.
J'avais commencé à écrire quand je m'étais disputée avec elle. Ou plutôt quand les complications, quand la situation a dégénéré. Je me suis demandée si je devais arrêter ce projet à ce moment là. Si ça ne devait pas rester lié à ce temps là, celui de cette réflexion, ma recherche, quête d'explications.
Mais j'ai vite pensé que je pouvais continuer à écrire et aussi parce que ma mère m'a proposé de continuer, avec elle. Elle danse et j'écris.
On ne l'a fait qu'une fois depuis.
Je pense que c'est une bonne continuité, un prolongement dans cette performance. Avec une nouvelle voix. Une double voix qui permet au public de faire un choix. Celui de lire ou de regarder la danse.
Il impose un choix plutôt qu'il ne le permet.
J'ai toujours eu peur d'imposer un choix. J'ai souvent voulu laisser une porte ouverte, une issue pour la personne en face de moi ou de ce que je montrais.
Je ne sais pas si imposer un choix est aussi quelque chose qu'on impose. Peut-être dans une forme amoindrie.
Trois personnes sont en face de moi.
A gauche, au centre et à droite. Quand je suis face à la Joconde, au Louvre, je recommande aux visiteurs de prendre différents points de vues. Ils ne le font jamais. Il y a trop de monde, c'est inaccessible.
Maintenant, il n'y a plus que Mona Lisa dans cette salle. Elle est toute seule.
Même les Noces de Cana sont recouvertes.
Je n'ai pas vu Yann partir. Il fait certainement un tour dans l'exposition ou dehors. J'imagine.
J'aimerais encore dire beaucoup de choses et je sens que j'ai du mal à réorganiser les différents sujets. Ils sont tous là, mais je ne sais plus comment les arranger, arranger mes idées.
Je voulais aussi parler de la vieille dame. Elle est décédée. Je voulais aller voir son fils à Rennes, et le temps a passé, je me suis dit que je pouvais encore y aller, même plus tard.
Ça m'a fait de la peine. J'ai hérité son métier à tisser. Non, la machine qui sert à faire les broderies. Un métier à broder ? Je ne sais plus le nom.
Elle m'avait appris à faire du crochet.
J'ai passé beaucoup de temps avec elle. Souvent, on chantait en playback. Ou alors en karaoké avec l'émission « N'oubliez pas les paroles ».
Et puis, son fils m'avait dit qu'il fallait lui servir un verre de vin rouge avec son repas parce qu'elle aimait bien. Mais souvent, elle oubliait qu'elle venait de finir son verre et elle en voulait davantage. En disant qu'avec de l'eau, elle pourrait se noyer.
Je lui resservais. Comme j'avais l'habitude déjà, je ne servais que de petits verres, mais plusieurs.
Elle sentait que c'était une fête alors, que le vin coulait à flots.
Parfois, elle était plus mélancolique. Et de plus en plus, au fur et à mesure qu'elle vieillissait.
Elle parlait avec beaucoup d'amour de son fils, mais aussi un peu de tristesse, qu'il n'ait pas pu connaître son père davantage.
Je me demande ce que ressent ce fils aujourd'hui, qui a vécu avec sa mère, ou alors avec sa présence jusqu'à aujourd'hui. Une telle proximité, pendant 70 ans.
Je me demande ce que ça fait. Et je vois mon père qui est retourné en Argentine pour s'occuper de son père, mon grand-père qui a 93 ans.
Et je les voix vieux tous les deux. Le père et le fils.
Je crois qu'on conçoit moins les relations parents-enfants à un âge avancé. Ou souvent seulement à partir de cette perspective, celle de l'aide de l'enfant à son père ou sa mère.
C'est peut être un peu brutal.
Je me questionne parce que je le vois vieillir, mon père. Alors qu'il a toujours été svelte et sans âge. Avec les mêmes cheveux, les mêmes vêtements, la même attitude. Une attitude de jeune-vieux qui lui a tenu longtemps. J'ai un peu peur de ce que j'ai découvrir maintenant que le temps a passé.
J'ai beaucoup de questions en ce moment. Mon horoscope m'a dit que c'était une période de changement. La fin d'une étape et le début d'un nouveau cycle.
Il paraît qu'il faudrait tout résoudre maintenant pour ne pas emporter les soucis et problèmes dans le nouveau cycle. C'est beaucoup de pression.
Anna a l'air perplexe. Je sais qu'on lui a tiré les cartes récemment.
Ma grand tante tirait les cartes et elle racontait des histoires. Elle ne le fait plus.
On m'a tiré les cartes il y a quelques années et je n'ai pas aimé. J'ai trouvé que la personne en face de moi sur-interprétait. Je sais qu'il donne des cours de tarot. C'est aussi un dessinateur.
En revanche, quand j'avais vingt ans, on m'a lu les lignes de la main. Dans un parc à Madrid.
J'ai été très touchée par cette femme.
On profite souvent de mon anniversaire pour faire un voyage avec ma mère et raconter l'histoire familiale. Alors cette histoire de l'ancêtre arrivé en Argentine revient souvent.
Il est parti de Russie sans sa femme et ses enfants pour tâter le terrain, mais rien de fonctionnait alors il s'est rendu sur le port pour retourner en Russie. Seulement une femme lui a lu les lignes de la main et lui a dit que sa femme était en route avec les enfants et qu'il fallait qu'il reste et attende.
Je me dis qu'il y a des choses qu'on nous dit parfois et qui font sens. Mais je ne pense pas que la diseuse-liseuse de mains ait été aussi précise.
Dans ma famille, les gens racontent beaucoup d'histoires. Tout le monde embellit les choses, ou les dramatise. Du côté de ma mère.
Du côté de mon père, ils livrent quelques indices, des bribes d'information, sans explications, et personne ne pose de questions.
Je vois ça dans la famille de Steve aussi. Son père ne dit rien, il reste dans le garage où il a caché le vin, et il boit en silence, ou en bricolant.
Je ne le connais pas très bien.
Sa maman parle beaucoup plus. Parfois, j'ai l'impression qu'elle essaie d'occuper l'espace pour éviter une gêne.
Yann est revenu avec du thé, plusieurs tasses, petites cuillers, et la brioche.
Ils sont ressortis. Presque tous. Il ne reste que cet homme qui prend des photos. Anna m'avait dit qu'elle dirait à quelqu'un d'apporter son appareil.
Yann essaie de lire à travers la vitre. Il porte une veste étrange. Il a un look étrange, pour lui.
Je ne sais pas ce qu'il en pense. Il me dira.
Je me souviens que je voulais parler d'autre chose. Mais je ne me souviens plus. Je vais certainement être très frustrée dans la semaine.
Parfois, je prends des notes, de ce que je veux dire, des grands sujets. Et puis très vite, ça me paraît absurde. Je veux tout changer, dire autre chose, parler d'une autre chose qui m'est arrivée.
Et puis, ça ne paraît plus pertinent ensuite, le moment venu.
On dit qu'il y a un timing. Et c'est vrai, il y a une question de timing sur scène, dans la vie. Il y a des moments où certaines données, certaines choses tombent comme un cheveu dans la soupe. Yann a pris un carnet. Je me demande s'il va écrire lui aussi.
Ce serait amusant, ce contraste entre lui qui écrirait dans un petit carnet confidentiel, et moi à la vue de tous. Il le fait, il écrit. J'aimerais bien savoir ce qu'il écrit.
Je crois qu'il est lui aussi entré dans une bulle d'écriture. Je crois que j'ai de plus en plus envie de travailler avec d'autres personnes.
C'est rassurant d'être derrière l'ordinateur, de ne pas parler. Il m'est arrivé d'avoir un micro en face de moi. Pour d'autres épisodes de cette performance. Simuler la conférence. Et ne jamais parler.
J'ai proposé cette forme à mon père qui enseigne dans une école d'art à Buenos Aires et qui m'a suggéré de faire quelque chose là-bas. Il a dit ça comme ça, faire quelque chose.
Anna et Yann portent des lunettes. C'est un couple à lunettes. J'ai l'impression que les lunettes de Yann sont celles que portait Anna auparavant.
Mon chat ne miaule pas autant. Pas comme ça.
J'était à Niort en début de semaine et mon chat me manquait. C'est une phrase banale que de dire que chez soi c'est là où est son partenaire, son conjoint. Peut-être que ça marche aussi avec son chat. Je veux dire, le chat avec qui on cohabite. Je suis toujours un peu gênée par ce possessif, mon chat.
J'ai une tasse dont le dessin est un peu effacé. J'y vois un dauphin et un paysage. Peut-être un paysage marin.
J'aime beaucoup cet espace. Je ne le connaissais pas. Il est divisé en plusieurs salles dans différents niveaux. Comme des recoins dissimulés. Et quand on les découvre, ils ont tous cette grande lumière, une grande fenêtre.
La hauteur aussi, grande hauteur sous plafond. Le sol est très basique : béton.
On entre par une bibliothèque. Je crois que ça met à l'aise.
On se sent toujours plus en confiance entouré de livres, non ?
Une maison sans livres a l'air d'être inhabitée, une maison de présentation, IKEA.
On dit qu'on peut cerner quelqu'un à ses lectures. Mais il y a les lectures imposées, les livres qu'on nous offre, les livres dont on a eu besoin pour quelque chose, pour étudier... et enfin, les livres qu'on a choisi. Je ne sais pas dans quelle mesure on peut connaître quelqu'un à travers sa bibliothèque.
Une personne marche dehors, avec un chien. C'est probablement le rendez-vous ou le grand parc à proximité, celui où tout le monde va parce qu'il est agréable peut-être.
J'ai vu ça aux Tuileries aussi, des groupes qui se réunissent pour se balader avec leurs chiens respectifs. Je me suis demandée si quelqu'un décidait du chemin, si c'était aussi l'occasion d'une visite guidée, ou alors d'une narration. Ils ont contourné l'Orangerie.
J'aimerais bien faire des visites pour chiens. Il faudrait que je réfléchisse à un parcours autorisé.
Il me semble qu'il y a un chien demain. Mais c'est un parcours pour humains, avec un chien.
Un chien passe.
J'avais vu Yann Sérandour dans une conférence il y a quelques années. Mais pas d'exposition.
Sa femme, Julie Fortier, était mon professeur de sculpture en première année. Je ne pense pas qu'elle se souvienne de moi.
J'étais plus emballée par la photographie.
Je me demande comment est-ce que cette bibliothèque a été constituée. Est-ce qu'il s'agissait de la donation de quelqu'un qui a été augmentée ?
Une enfant passe avec une balle, et puis un chien tenu en laisse par un jeune homme, casquette et cigarette. Il a des styles reconnaissables à quelques accessoires.
À Paris, on peut reconnaître certains lycées aux marques de sac à mains des jeunes filles. Parfois.
Je dis beaucoup « je me demande ».
Je n'ai jamais essayé de raconter une histoire, avec des personnages, d'une autre manière qu'à la première personne.
Il y a des personnages qui reviennent, ils sont là, mais je ne leur fait pas faire des choses organisées, pensées, dans une direction qui servirait à raconter une histoire avec un début et une fin. Je crois que cette histoire n'a ni début ni fin.
C'est peut-être celle de ma famille, un peu, et puis la mienne, comme elle vient.
Je ne me souviens pas du début et je ne connais pas encore la fin.
Je voulais parler de ça justement, du dernier épisode, la fois précédente. Quelqu'un m'a dit que je pourrais trouver un moyen d'enregistrer ces mots qui apparaissent, suggérés parce que je les utilise très souvent.
Et puis aussi, je voulais parler de ces deux messages que j'avais reçus qui me demandaient, les auteurs des messages, s'ils pouvaient faire eux aussi à leur tour cette performance. Ça m'a posé question. Je me suis demandée comment dire non, comment refuser, alors j'ai demandé à ce qu'ils ne reproduisent pas exactement le dispositif.
Un enfant essaie d'entrer, il veut utiliser les toilettes. Le père reste dehors avec le chien. Ce sont les personnes que j'avais vues avant. Un peu plus tôt. Cet homme à la casquette.
C'est bientôt la fin, je le sais parce que ça arrive souvent de cette manière là, quand je parle de la fin, d'une fin, des fins. Parfois, je me tourne et je vois, ces indices, ces indications de la fin. Et je demande, comment est-ce que ça va finir ?