Ça tombe bien que cette édition sorte au moment du salon des microéditions à Marseille.
J'ai rêvé que j'allais à Marseille. Je faisais une erreur dans mon emploi du temps, j'avais mal compris. Je déplaçais un cours. Je pensais qu'une de mes élèves voulait faire un cours à Marseille. Alors je prenais des billets pour y aller en TGV.
Le paysage était très beau. Le train longeait la côte. D'un côté, le paysage vert et terre défilait, assez vite, comme des lignes horizontales. Et de l'autre, je voyais cet horizon, tout en bleus : le bleu du ciel, le bleu de la mer, une pointe de vert et d'ocre dedans.
Mais Marseille était différente à mon arrivée. Je veux dire, différente de celle que je connais dans mon expérience réelle.
Elle était divisée en deux hauteurs. Une sorte de canyon.
La gare était toujours située dans la partie haute de la ville, mais je pouvais rester sur le même niveau pour rejoindre Notre-Dame-de-la-Garde.
Mon rendez-vous était entre les deux points, encore surplombant le reste de la ville en contrebas.
(oui, parce que juste avant, je me rendais compte de ma confusion, et comprenais que je n'avais pas de cours à donner à Marseille).
Je ne sais pas comment j'atterrissais dans cet appartement. Un appartement assez sombre, aux murs du salon peints en violet, avec des coussins en velours vert, plusieurs canapés, un tapis classique. Des personnes étaient réunies, de manière informelle. Certains installés dans les canapés, d'autres assis à même le sol.
On m'expliquait que le robinet de la cuisine avait deux positions : l'une pour l'eau et la seconde pour le jus d'orange. Un système similaire à celui des filtres que l'on peut placer directement sur le robinet.
À un moment de mon rêve, j'allais aux toilettes. Des WC assez sombres, avec une fenêtre dans la partie haute de la porte, comme dans la maison d'enfance de mon amie Inès. L'ouverture était dissimulée sous un tissus à motif fleuri.
Un enfant attendait que je sorte des toilettes, je ne trouvais pas de lave-main.
Je traversais alors le couloir qui me séparait de la cuisine, où deux femmes discutaient, pour me laver les mains dans l'évier.
Je me souviens de m'être dit qu'il fallait que je fasse attention à bien régler le filtre sur la position eau pour ne pas me laver les mains au jus d'orange.
Et puis je me rendais compte qu'il était bientôt l'heure de mon train du retour, j'avais pris deux trains à trois heures d'intervalle.
Mon copain, Steve, était là, il discutait, j'essayais de le presser un peu. Il aime bien prendre son temps. Parfois, j'ai l'impression qu'on vit dans deux temporalités différentes.
On finissait par sortir de l'appartement, j'étais un peu irritée.
Comme je connais assez bien Marseille, je savais la direction à vol d'oiseau de la gare, qu'on apercevait de toutes manières entre les constructions.
Au détour d'une rue ensoleillée, nous croisions ma mère dans un marché à ciel ouvert.
C'est grâce à ma mère que je connais Marseille.
Quand j'étais petite, elle dansait dans la compagnie de Christophe Haleb et on allait régulièrement à Marseille, Toulon, Châteauvallon. Alors il n'était pas si surprenant de la trouver par là.
Je lui demandais le chemin de la gare, pour confirmer. Et elle me répondait : « oui, tu prends à gauche là. ».
Je pressais le pas, un peu. Je déteste avoir le temps trop juste, prendre le risque d'être en retard.
Quand j'étais petite, un instituteur avait dit que le seul moyen de ne pas être en retard, était d'être en avance. Je ne sais pas pourquoi ça m'a marquée. Pourtant, c'est une phrase banale.
Quand j'étais petite, j'avais tout le temps peur des figures d'autorité. J'étais très impressionnée. Beaucoup de phrases ou de situations en classe restent encore gravées.
À la maison, j'ai l'impression que c'était assez tranquille. Je m'ennuyais un peu, et comme je n'avais pas de frères et sœurs, je passais beaucoup de temps avec moi même. Je me souviens d'accompagner mon père dans son atelier parfois. Même si c'était davantage son espace secret.
Je me souviens de rester dans un coin, sur un tabouret, de dessiner. Ou de dessiner avec lui, en s'échangeant les feuilles à mi-parcours.
Je me souviens aussi des moments avec ma mère qui répétait au théâtre. M'assoupir dans les gradins, tester les meilleures places, essayer de me mettre juste derrière le chorégraphe pour tenter de voir ce qu'il voyait, ou alors rester dans un coin de la scène, ou dans les coulisses, Écouter Katia dire son texte.
Il me semble que je l'ai déjà dit dans un autre épisode. Ce qui me plaît dans cette performance, c'est justement ça. D'être à la fois sur scène et en dehors. D'être face au public, exposée, mais aussi protégée, en retrait.
J'écris réellement depuis la dernière année aux Beaux-Arts. Quand j'ai eu besoin de remplir davantage entre les pointillés de l'histoire de ma famille. Après ce dernier voyage en Argentine, il y a quatre ans, où certains pans de l'histoire on été confirmés et d'autres complètement revus.
Avant, je lisais beaucoup de science-fiction. Et je suis passée à l'autofiction avec Vila-Matas, Despentes et d'autres. J'en parlais hier avec David qui veut écrire un article sur mon travail.
Il me dit qu'il n'aime pas Despentes.
J'ai guidé toute la semaine dans la foire de Paris Photo. Il y avait cette jeune photographe d'origine grecque, Evangelia Kranioti qui présentait une docufiction sur des femmes adoptées par des familles puis démunies de leurs papiers. Sur une image, une femme vêtue d'une robe de soirée, se tient debout, dehors, dans un clair-obscur caravagesque, avec deux écharpes : Miss Cambodgia, et Miss without papers. Pas très loin dans la nef du Grand Palais, une autre artiste, Diana Markosian, a installé une série de photographies sur ce rite de passage qu'est la Quinceañera. Et on voit, de la même manière, ou dans les mêmes codes, les mêmes stéréotypes, la jeune fille, en robe rose à froufrous, un diadème sur la tête, comme les Miss.
La nuit dernière, j'ai aussi rêvé de jus d'orange. C'est étrange parce que ça ne fait pas tellement partie de mon régime quotidien.
Cette fois, j'étais dans une sorte de théâtre. La scène était au centre, circulaire, on y avait disposé une très longue table ovale avec des chaises tapissées de velours tout au tour. Les spots n'éclairaient que cet espace. Tout autour, la salle était bondée, là où dans un théâtre à l'italienne ou un opéra, les spectateurs se placent sur les balcons ou dans des cabines, nous étions tous assis serrés, collés les uns aux autres. J'étais dans une des parties plus resserrées des courbes de cet ovale de la salle, dans une petite cabine sans sièges, seulement avec des marches.
Un serveur passait nous apporter des flûtes en cristal avec du jus d'orange sur des plateaux en argent. Quand venait mon tour, il arrivait derrière moi, s'approchait et m'embrassait dans le cou intensément.
Dans la réalité, je n'aime pas ça. Je déteste les chatouilles et les surprises. Mais dans mon rêve, c'était super.
Je crois que c'est la première fois que je parle autant de mes rêves dans un épisode de Confessions Under Request. En général, j'essaie de les raconter à quelqu'un avant, pour ne pas parler que de ça. Mais cet épisode est un peu différent. Il répond à une demande un peu particulière d'une publication. Alors cette fois, au lieu d'écrire face au public qui me lit en simultané, j'écris chez moi, dans ma cuisine. J'ai attendu d'être seule pour commencer à écrire, d'une traite. Je ne sais même pas où est mon chat. J'ai entendu les voisins partir, je crois que je suis seule dans mon immeuble. Il commence à faire froid. Cette fois, je n'ai pas pensé à une tenue de représentation.
Quand j'ai rencontré Pauline, qui m'a proposé cette carte blanche, j'ai pensé écrire à partir de cette rencontre. On a discuté à côté de Beaubourg, aux Fontaines, un bar toujours bondé, mais pas cher. J'ai bus un jus de fruits et elle un punch assez corsé.
On a parlé de nos vies respectives, elle m'a parlé de son projet d'aller vivre en Roumanie, il me semble, de son copain qui habite à Bruxelles. C'est Alex qui lui a trouvé ce job au musée, il fait ça lui aussi. Mais elle n'aime pas particulièrement Paris.
Moi, je me sens bien ici. J'entends les voisins qui montent les escaliers. Je crois que ce sont les voisins du dessus. On est dimanche, les horaires sont moins réguliers que dans la semaine. Dehors, il pleut. Un collègue partageait son idéal hier : un jour de pluie, un jour de beau temps. D'après lui, ça nous permettrait d'anticiper.
Je suis assez d'accord sur cette idée d'anticipation. J'aime bien me préparer, un peu, à différentes possibilités, pas trop, mais quand même.