Norah Cottencin a une pratique à la frontière du design et des arts - visuels, performatifs. A chaque objet qu’elle crée, une action pour l’activer lors de moments collectifs et ritualisés. La rencontre est au cœur de son intention et chacune de ses pièces a pour but de la susciter : entre objets et usager-ères, matières et formes. Aussi le repas et la table sont son terrain de jeu idéal, un nouvel environnement où rassembler le fruit de ses collectes, formes et récits qu’elle recueille lors de ses promenades.
Pour preuve, FAIRE AVEC, son projet de diplôme, est fait de tout cela : c'est un dîner pensé à trois têtes, celles de l’artiste et des deux chef-fes à la tête du restaurant Bercail, à Rennes. Chaque étape est un territoire voisin où les ingrédients qui composent les plats ont été récoltés : Baie du Mont St Michel (entrée), Pointe des Meinga, chemin de halage de Dinan et potager de Pacé. Ces plats, ensemble, forment une géographie potagère. Norah Cottencin fait aussi sa propre collecte de matériaux et de récit : à partir d’eux, elle crée supports, couverts et contenants, en verre, faïence et bois, d’abord bleus comme les eaux froides de la mer toute proche, puis rouges à l’instar de la terre retournée et ensemmensée du potager. Ensemble, nourritures et objets, chacun essaimant des indices - saveurs, couleurs, textures, rassemblent les convives et les mettent sur la piste
de multiples histoires.
Texte écrit par Flora Fettah à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, décembre 2022
"Norah Cottencin, designeuse plasticienne" Interview faite par Berdrand D. parue sur le site L'Architiste.com, mars 2023
Vous êtes designeuse plasticienne, comment s’articule votre travail
Mon travail se dessine autour de la collecte de matériaux, des formes et de la confrontation des matières et du rapport au récit. Je prélève des éléments dans mon environnement en milieu urbain ou naturel. Ça peut être aussi une trace sur support, un bois flotté, etc. À partir de ces formes, je vais créer un vocabulaire pour produire des objets.
Quelle est votre formation
J’ai suivi un enseignement à l’EESAB, l’école européenne supérieure d’Art de Bretagne, avec une spécialité de design. Ce qui m’intéresse c’est de penser un objet par un rapport aux matières naturelles, comme la terre, le bois, les végétaux, le textile, le verre. Mais surtout je développe une pratique qui part d’un territoire et de la collecte.
C’est votre projet de fin d’études qui vous a lancé
Mon projet de fin d’études je l’ai fait en collaboration avec le restaurant Bercail rue St-Melaine à Rennes avec les deux chefs cuisiniers Sibylle Sellam et Grégoire Foucher . « Faire avec » c’est un ensemble d’objets conçus pour un repas-territoire.On a imaginé un repas à partir de cueillette sauvage dans des sites autour de Rennes, qui vont de la côte à l’intérieur des terres, du salé au sucré. Pour ce travail j’associe aussi la collecte de matériaux et j’ai prélevé des éléments (matériaux, formes) qui m’ont permis de réaliser les objets pour le repas, des assiettes/plats (vocabulaire organique), carafes/contenants (vocabulaire géométrique), ustensiles/couverts… en analogie à ces territoires, en travaillant la faïence, le bois et le verre. Ces différents objets s’assemblent, se confrontent, se croisent.
Bon mais la forme de l’assiette est assez entendue depuis le temps
Oui et non, inventer des objets, c’est aussi inventer des situations, des récits. Pour « Faire avec », mon diplôme est devenu aussi un repas à partager en lien avec les objets inventés. Cette dimension m’intéresse, penser des objets et des actions qui puissent les activer de façon particulière. Ce qui m’intéresse aussi c’est comment d’une même forme peut se transformer et se décliner comme par exemple que le contour d’une assiette puisse devenir en volume une carafe.
Vous n’avez que 26 ans, vous n’avez pas envie de poursuivre votre formation
J’ai envie de produire des pièces et continuer de cette manière ma formation aux travers des expériences à venir. Je postule aussi à des résidences d’artistes/designer pour avoir des temps de recherche associés à un endroit spécifique. Je suis arrivée finaliste d’un concours pour une résidence dans la ville de Saïda au Liban, le projet était de travailler sur une série d’objets dédiés au repas qui seraient en lien avec les éléments de la ville que je prélève autour de moi ou dans les récits qui sont en lien avec l’histoire du lieu, une phase d’arpentage des lieux et de rencontres qui permet de développer un premier vocabulaire de formes.
Vous avez déjà des contacts professionnels
Je commence à avoir quelques contacts avec des professionnels en architecture d’intérieur et Sibylle Sellam et Grégoire Foucher viennent de fermer leur restaurant Bercail, pour démarrer un autre projet. Ils développent un terrain de maraichage, et une production de pain. En parallèle ils ont rejoint leur équipe partenaire, au restaurant Pénates. Sibylle m’a proposé de réaliser un ensemble de plats à partager. J’expérimente le grès pour sa résistance à un environnement de restaurant et commence à imaginer ce que pourrait être cet ensemble.
Lien vers l'article : https://www.larchitiste.com/norah-cottencin-designer-plasticienne
Mon travail se dessine autour de la collecte de matériaux, de formes, de la confrontation des matières, et aussi du rapport au récit. Je prélève des détails dans mon environnement, que ce soit en milieu urbain ou en milieu naturel (une trace au sol, sur un mur, des bois flottés...) Ces formes créent un vocabulaire qui me donne matière à réinterpréter pour produire des objets.
Je pars d’un matériau, je le modifie, je le transforme. Ma pratique de design c’est une pratique de territoire, une pratique de la collecte. Le rapport direct à la matière et sa manipulation est pour moi une source d’invention et de création.
Mon travail s’ancre à la fois dans une pratique de la matière, donc une certaine tradition des savoirs-faire, mais aussi dans une expérimentation permanente tant dans les formes que dans les hybridations que j’essaye de produire.