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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Nicolas Rabant

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Poussière & Paillette, 2021

Vue partielle de l'exposition, Passerelle centre d'art contemporain, Brest. © Aurelien Mole.

  • CONO-CONO, liant acrylique pigments, 240X190cm, vue partielle de l'exposition Poussière & Paillette, 2021, Passerelle centre d'art contemporain,Brest © Nicolas Rabant

  • BASS-PLUG, liant acrylique pigments, 240X190cm, vue partielle de l'exposition Poussière & Paillette, 2021, Passerelle centre d'art contemporain,Brest

  • T-REX(detail), liant acrylique pigments, 240X190cm, vue partielle de l'exposition Poussière & Paillette, 2021, Passerelle centre d'art contemporain,Brest

  • Calamar, cuivre et zinc, 65x20cm, vue partielle de l'exposition Poussière & Paillette, Passerelle centre d'art contemporain, Brest. © Nicolas Rabant

  • Seiche, cuivre et zinc, 60x30cm, vue partielle de l'exposition Poussière & Paillette, Passerelle centre d'art contemporain, Brest. © Nicolas Rabant

  • Goéland, bronze, 45x25x16 cm, vue partielle de l'exposition Poussière & Paillette, Passerelle centre d'art contemporain, Brest. © Nicolas Rabant

Tour à tour peintre, sculpteur, organisateur d’expositions, pêcheur, Nicolas Rabant développe une pratique artistique atypique depuis plusieurs années. Né en 1988, il s’est installé à Brest afin de suivre les enseignements de l’école
des beaux-arts tout autant que pour vivre près de l’océan. Il a créé un projet collectif singulier « Fishing with John » dont le titre est emprunté à une émission de télévision où des stars de cinéma s’exercent à la pêche. Nicolas Rabant procède de manière similaire en invitant des artistes à l’accompagner, canne à pêche en main, à participer à des cueillettes ou encore à l’aider à la conception de repas et de mets. Il en résulte des moments conviviaux et originaux, des expositions, des productions d’œuvres collectives et des concerts. Cette initiative est symptomatique de la démarche participative de Rabant ; il conçoit l’art dans une collaboration de tous les instants et se passionne pour le territoire qui l’entoure.

Pour son exposition à Passerelle, il emprunte les noms de ses chats disparus : Poussière et Paillette. Au-delà de
toute référence kawaï, la genèse de ce titre témoigne de son attrait pour l’univers animalier et marque une sorte d’hommage entre révérence et second degré assumé. La fascination pour la faune se lit dans bon nombre de ses 
travaux dont ses sculptures. Se détachant de toute question morbide, cherchant davantage à figer une beauté éphémère, Nicolas Rabant congèle des animaux de consommation tels que des poissons qu’il a pêchés ou des bêtes sauvages qu’il a prélevées – déjà mortes – dans la nature, dans l’objectif de leur donner une nouvelle vie dans une œuvre. Tantôt méditation ou exercice physique, tantôt expérience collective généreuse, le moment de la récolte prend ainsi une place primordiale dans l’œuvre. À l’instar de certains artistes, notamment ceux du land art, l’action de se balader devient performance, acte créatif et, in fine, œuvre. Pour l’exposition de Passerelle, Rabant a choisi deprésenter une série de seiches et un goéland qui viennent habiter l’espace, devenant de simples motifs visuels mais également des éléments narratifs.

Poussière & Paillette, c’est aussi un slogan de peinture. Les toiles montrées sur la coursive supérieure du centre d’art manifestent un goût pour ces matières, pour un rendu coloré cosmique très particulier difficilement photographiable. Les œuvres de Nicolas Rabant peuvent être vues comme des ornements voire des scénographies – elles interrogent largement la notion de « qu’est-ce qui est décoratif ? » – mais elles existent surtout comme des paysages, champ principal de recherche et d’expertise de l’artiste. Dans ses larges formats abstraits, il rejoue les canons de la représentation de la mer ou du ciel. Les images sont digérées, recouvertes, repeintes, et reproduites de manière obsessionnelle jusqu’à l’épuisement du motif. Apparaissant comme un objectif vain, l’exploration de Nicolas Rabant de ces sujets infinis n’arrivera certainement jamais.

Communiqué de presse de l'exposition

As a painter, sculptor, exhibition organiser and fisherman, Nicolas Rabant has developed his unusual artistic practice over several years. He was born in 1988 and moved to Brest to attend the Ecole des Beaux-Artsut also so that he could live close to the ocean. He created a unique collective project, ‘Fishing with John’, whose name is taken from a television programme in which film stars try their hand at fishing. Nicolas Rabant undertakes a similar process by inviting artists to accompany him, fishing rod in hand, on a foraging excursion, or else to help him create meals and dishes. The results are seen in times spent together that are both convivial and unique, in exhibitions, and in the production of joint works and concerts. This approach is symptomatic of Rabant’s participatory approach; he designs art in a spirit of constant collaboration and is passionate about the area all around him.

For his exhibition at Passerelle, he has used the names of his former cats: Poussière (Dust) and Paillette (Speck). The genesis of this title goes far beyond a cutesy reference, as it reveals his attraction to the world of animals and acts as
a sort of homage somewhere between reverence and taking figurative ownership. His fascination for fauna is seen
in many of his works including his sculptures. Without any morbid intent, but rather from a desire to preserve an ephemeral beauty, Nicolas Rabant freezes creatures destined to be eaten such as fish he has caught or wild animals he has found – already dead – in the countryside, with the aim of giving them new life in his work. Harvest time therefore holds a prime place in the work, whether as a meditation or physical exercise, or as a bountiful collective experience. As with certain artists, especially those working in land art, the act of walking becomes a performance, a creative act, and, in the end, a work. For the Passerelle exhibition, Rabant has chosen to show a series of cuttlefish and a gull which come to inhabit the space, becoming simple visual motifs, but also narrative elements.

Press release.

                                                                                 Direction la Voie lactée



-  Allô John, c’est Nicolas. Je me demande quel est le programme...

-  Faire un art d’ambiance.

-  Avec des sculptures d’ameublement ?

-  Oui ou autre chose. Ce qu’il faut, c’est de l’espace.

J’imagine souvent des peintres dialoguer entre eux. Ça me prend dans la rue, au réveil, à l’heure du déjeuner. Ce n’est jamais calculé et toujours imprévisible. Les voix d’Andy et Jean-Michel s’entremêlent, les gestes de Francis, Joan et Willem se superposent, le rire d’Helen s’immisce. Il n’y a pas de hiérarchie dans ces fulgurances. Les phrases jouent en surimpression. Vous pouvez vous trouver dans n’importe quelle circonstance et tout d’un coup, les voix proposent une musique particulière. Ça parle de gamme, d’équilibre. C’est une méthode joyeuse, faites le test.

Un art d’ambiance, propose John Armleder et j’ai l’impression que Nicolas Rabant a entendu le message. Un art d’ambiance ? Vous voulez rire. Pourquoi
pas du divertissement pendant que vous y êtes ? Hé ho, c’est un centre d’art contemporain ici, passez votre chemin avec vos idées d’ambiance. C’est dommage que les mots d’ambiance et d’atmosphère soient parfois écartés par l’esprit conceptuel. L’esprit, même le plus âpre, ne va pas sans tonalité. Sinon la peinture est morte, désincarnée, sans aura. Donc les peintres prennent la parole, s’engueulent et jouent leur partition. Un point les rassemble : la couleur a besoin de chaleur. Regardez ce bleu, cet ocre, ce mauve, ces touches microscopiques, ces galaxies. Vous voyez des tableaux ? Et si les toiles dévoilaient un monde différent ? En apesanteur. Une sphère. Quatrième, cinquième, sixième dimension où les pigments correspondent à des scintillements. Un bain de lumière. Une immersion au contact d’un espace sans limites. Ici les peintures ressemblent au Cosmos. Les planètes ne s’achètent pas, merci d’en informer les milliardaires “lancés à la conquête de l’espace” avec leur sens perpétuel du tourisme avilissant. 
Heureusement les galaxies picturales sont proches, il suffit de se laisser envelopper. Comme un manteau de nuit. Couleurs, couverture de survie, étoffe enfantine des cosmonautes. L’art s’installe ailleurs. Les murs blancs deviennent une nuit étoilée. Question de coup d’oeil.

- Allô Nicolas, c’est John. Où en êtes-vous avec l’espace ?
- J’avance. Lentement.
- À quoi ressemble votre atmosphère ?
- Un nuage. Quelque chose de doux. Léger. De plus en plus.


Pigments violets
myriades
éclats
périmètre vaporeux jaune orange rouge clair et

projection de vert rose
— moucheté.

La couleur ne sépare pas, elle devient l’ombilic des limbes. Un ciel où l’on
peut flotter sans disparaître. Les humains détruisent la nature, continuellement, férocement, mais l’espace gagnera. Les vivants finiront éparpillés, façon puzzle comme dit l’autre. Alors, observons encore quelques apparitions : des seiches sculptées en bronze et pêchées en solitaire, des herbes hautes, un chat, une méduse qui flotte, un morse, des vaches, une étoile de mer, les pinces d’un tourteau, les branches d’un arbre ployant sous la tempête, du corail, un goéland qui traverse un ciel saturé, et les vagues, ces rouleaux d’écriture sans fin. La couleur englobe les mondes miniatures, elle les condense. Exacerbation ? Dissolution ? Au contraire: effet catalyseur.

Puis les voix des peintres reviennent. Ça scande, ça fuse. Et le rire d’Helen Frankenthaler s’immisce en prenant le pouls de la situation :

“ La couleur ne fonctionne pas si elle ne fonctionne pas dans l’espace. La couleur seule n’est que de la décoration — vous pourriez tout aussi bien fabriquer un rideau de douche. ”

Théoriciens et fabricants de rideaux de douche en forme de psychose, votre heure a sonné. Qu’enfin la couleur se propage. Direction la Voie lactée.

   

                                                                                     Jean-Philippe Rossignol

               

                                                                                                     Septembre 2021