Morgan Azaroff

Nous avons créé en 2019 la série Solicitud qui met en scène à la manière des Télénovelas les relations et les tensions qui peuvent exister entre artistes, curateurs et autres acteur.ice.s du monde de l’art.
Nous sommes en couple, vivons ensemble et partageons le même atelier. Naturellement, nous nous nourrissons mutuellement de la pratique de l’autre et cultivons des intérêts communs. Nous développons ces intérêts assez différemment dans nos pratiques personnelles, mais nous avons eu envie de réaliser des pièces ensemble.
Avant d’entamer le projet Solicitud, nous avions un projet qui s’appelait idées noires qui mettait en scène l’histoire d’amour d’un couple en fin de vie. Nous voulions être dans une dynamique de production plus libre, avec un rythme plus spontané que l’on retrouve dans les querelles de couple, qui peut dépasser la pensée. Nous voulions vraiment faire un pas de côté vis-à-vis de nos pratiques respectives. Il y avait presque une forme d’exutoire de notre vie quotidienne. « Idées noires » n’a jamais vu le jour, mais a glissé naturellement vers Solicitud qui s’est construit très simplement autour d’éléments réels.
Solicitud vient d’une envie de dédramatiser notre vie de jeunes artistes dans le champ de l’art contemporain en rendant l’histoire encore plus dramatique. Et rien de plus dramatique que la télénovela.
Après avoir reçu essentiellement des réponses négatives à toutes nos candidatures et dans une volonté de ne pas rendre notre travail de faiseurs de dossier stérile, nous avons décidé de le mettre en scène dans une série. La série se construit d’éléments que nous avons vécus dans notre vie d’artiste. Nous nous attachons vraiment à respecter des faits réels dans l’écriture, quitte à reprendre des lettres de refus que nous avons vraiment reçus. Le titre Solicitud vient de la traduction du mot « dossier » en espagnol. Il est lié au monde administratif auquel les artistes sont confrontés plus de 50 % de leur temps dans la confection de réponses à des appels. C’est aussi un jeu de mot avec « solliciter » (c’est-à-dire demander quelque chose.) et « solitude ». Bien que le ton soit léger, il s’agit de mettre en scène toutes les difficultés que l’on rencontre lorsqu’on travaille dans le monde de la culture, et de l’art contemporain plus spécifiquement. En tant que jeunes artistes, nous sommes aussi les plus précaires et nous retrouvons face à des situations qu’on pourrait trouver surréaliste comme le fait de n’être jamais payé pour une exposition, ou qu’une femme aura plus de difficulté à faire perdurer sa pratique et à évoluer dans ce monde, ou encore d’une hyper concurrence pour des honoraires ridicules...
Dans ce contexte actuel très trouble à plusieurs échelles, nous redoublons d’envie de nous faire voir et entendre afin de révéler le quotidien du travail d’artiste et ses dérives. Il commence à y avoir une vraie volonté des artistes à exprimer ces abus et à revendiquer le fait que notre activité est un vrai travail et comme tout travail, il se doit d’être décent. Nous revendiquons un besoin de mieux reconnaître notre travail, comme un métier et non comme une simple passion qui justifierait une vie de précarité et de doute.

Vues de l'exposition Jeune Création 71 à la fondation Fiminco, Romainville, juin 2021.

Vue de l'installation Solicitud pour l'exposition Art au Centre, Liège. 2021.

Vue de l'installation Solicitud pour l'exposition House of Crystal de Claire Guetta, Glassbox sud, Montpellier.  

Vue de l'installation Solicitud dans la vitrine de l'atelier Flamme pour l'exposition Burn Out, Montreuil, octobre 2019.