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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Maude Mandart

MÀJ 07-06-2019

Projection sonore, 2016

En Co-création avec Florence Jou,
Commissariat : L'île d'en face, Jardin C, Nantes.

À propos de notre processus de création

Conversation entre Maude Mandart et Florence Jou.

Louis Blanc, Nantes, Juin 2016.

F./

Après avoir regardé ton film sur Morfondé, j’ai pensé immédiatement à la figure de l’enquëteur ou du « détective amateur » pour reprendre une expression de Walter B.. Une sorte de double de l’artiste, occupé à marcher, attentif quant à la saisie et l’exposition des traces de l’histoire, et tentant de se tenir entre passé et futur, quasiment au seuil.

 Je m’intéresse à cette figure dans ma pratique, au travers des performances (enquëtes) que je réalise ; et à rebours, je dirai que c’est autour d’elle que nos désirs se sont rejoints, peut-être dès le début, sans que nous ayons eu besoin de le formuler.

 

M./

Nous avons mené une double enquëte, ou peut-être une enquëte dans l’enquëte. Ce fut le cas quand j’ai commencé à travailler sur Morfondé et tout au long de cette expérience qui m’a conduite à réaliser initialement ce film. Un ami M. me tend un dvd sur un village de cabanes, je suis touchée par cette histoire, je commence à engager des pistes de recherches (par lettres et mails à André F.), je me retrouve à manipuler les archives de ce centre de formation, où les jeunes y étaient placés par l’assistance publique, je rencontre les témoins, anciens jeunes ou éducateurs…

Puis nos conversations viennent, tu enquëtes sur mon « cas », nous établissons intuitivement une procédure par séances. Je reprends alors le fil de mon cheminement personnel, je plonge dans mon histoire individuelle tout en te transmettant une expérience pédagogique particulière, un pan d’histoire collective, qui eut lieu de 1950 à 1970.

 

F./

 Lors de ces séances, nous apprenons à nous parler, à nous rencontrer, à libérer la parole. Se dessine une géographie de la parole : nous commençons à rendre visible un territoire commun, qui prend aujourd’hui la forme d’une installation. Celle-ci relève d’une « architexture », avec des jeux de textures différentes ( images d’archives, montage sonore, boîtes en plexiglass, performance) où s’y mêlent nos pratiques, nos corps, nos choix respectifs. Sans que les tâches soient fixées ou figées dans ce travail de co-création, mais plutôt comme si nous essayions d’inventer une forme de langage en commun. Et il me semble que ce terme d’architexture, sur lequel je réfléchis dans mon travail de thèse sur la constellation, entre en résonance avec tes préoccupations sur le travail et l’habitat.

 

M./

Morfondé c’est l’histoire d’un centre de formation, où des jeunes, en réinsertion sociale, fabriquent eux-mêmes des cabanes durant leur temps libre. Le projet part du rudimentaire, la paille des marais, et de la nécessité, ils travaillent avec les moyens disponibles et avec ce que l’environnement offre : un sol, des surfaces et des possibilités de faire. Dans les années 50 et 70, les conditions de travail sont différentes des conditions actuelles, en terme de normes pour bâtir, de règles de sécurité, de souci d’émancipation de l’individu ...

 Et c’est cela que j’ai voulu montrer dans mon film et ensuite par le biais de cette installation : comment parler de cette expérience à vocation pédagogique, depuis ma place d’artiste, soit en conservant une tension esthétique et en produisant des formes ouvertes. L’histoire de Morfondé peut être abordée par des angles et des points de vue différents (sociologie, histoire, architecture, art, etc.) qui devraient pouvoir se combiner aujourd’hui.