" Les performances et les installations de Margaux Germain créent des expériences perceptives par le corps, placé dans une situation inhabituelle. Ces expériences prises en charge par le corps de l’artiste, ou impliquant celui du spectateur mettent en question nos manières d’habiter un espace-temps ou de s’y projeter. L’artiste influencée par la danse contemporaine met en exergue ces infimes surfaces sensorielles, ces instants de déstabilisation. Car sa poétique délicate se situe dans l’écart entre la posture réelle et la projection mentale du corps dans une autre condition, aux moyens de l’empathie ou de l’anticipation. Cette capacité des sens à s’émanciper des limites physiques de l’espace temps, qu’elle nomme « divagation », serait une promesse de liberté.
Une vidéo datant de 1972, montre Charles Duke qui tente en vain de ramasser son marteau tombé sur le sol lunaire durant la mission Apollo 16. Apollo Marteau rejoue cet échec historique, dans une interprétation sous l’eau. Deep Everest est une carte en 3D qui relie dans un objet à taille humaine une hauteur et une profondeur inconcevables, soit le sommet de l’Everest et le fond de la fosse Challenger. L’objet aux formes indéfinissables est activé par un performeur. Météo est une installation sonore composée d’un décor évoquant un écran d’incrustation encerclé par l’histoire, diffusée en boucle, d’un jeune garçon se projetant dans un autre lieu grâce à des données météo captés sur son téléphone portable."
Julie Portier, journaliste, critique d’art et commissaire d’exposition.
Texte issu du catalogue des expositions Mettre à jour & Extension au Frac Bretagne et à la galerie de l'école des Beaux-arts Saint-Brieuc.
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L’esthétique de Margaux Germain est épurée, les géométries sont simples et les couleurs sobres et claires. Imbriquant sculpture et performance, ses œuvres sont le fruit d’une impression immédiate : une rencontre, un vertige, un choc esthétique.
Deep Everest (2013) est une sculpture qui réunit un relief et une cavité en contre-forme : sa partie supérieure représente l’Everest - point le plus haut - et sa partie inférieure la fosse Challenger - point le plus profond. L’incommensurable se trouve ici réduit à une échelle humaine.
Arrière-plan et Madame Gil sont deux vidéos tournées à l’occasion de cette exposition. La première prend la forme d’un inventaire de bribes d’architectures de Grand-Quevilly - sélectionnées pour leurs lignes- et de Brest - sélectionnées pour leurs couleurs. Devenant abstraites au contact de la structure sur laquelle elles sont projetées, ces façades créent une troisième ville aux contours étranges. La seconde vidéo est une correspondance romancée entre Margaux Germain et une habitante d’un immeuble querellais appelé Pic du midi, qui fascine l’artiste. Elle se projette à l’intérieur et en imagine l’aménagement. Enfin, la série de photographies Les trois se demandent où est la quatrième personnifie ces immeubles en pics. Amenuisés à l’échelle d’un visage, ils deviennent personnages d’une histoire que laisse supposer le titre.
L’artiste a déconstruit le récit et en a attribué les éléments à chacune de ses pièces. Enchevêtrées finement, il en devient délicat de distinguer la réalité de la fiction. Les surfaces minérales forment la ligne continue qui les relie entre elles, suscitent une impression d’ascension vers les sommets.
Adèle Hermier
Commissaire de l’exposition Topos, quatre aperçus, à la Maison des Arts de Grand-Quevilly, 2019