Des morceaux de tissus noir et de précieux cadres dorés servent de présentoirs à des petits bouts de corps, fragments de visages et squelettes miniatures. Ici une bougie, là des rideaux, partout de petits bouts de mondes et d’objets anonymes. S’approcher et distinguer une mâchoire ou des yeux, se demander si le tout est aussi morbide que ça en a l’air. Il ne semble pas.
Objet composite, capable d’en contenir mille, la boîte est un système paradoxal, qui ôte à l’objet qu’elle contient sa fonction ordinaire mais qui, du même coup, le rend visible à des yeux trop habitués par le quotidien. Il y en a de toutes les formes et pour tous les contenants, en version profane ou sacrée, en format de poche ou de la taille d’une Sainte-Chapelle – construite pour abriter, il y a fort longtemps, les saintes reliques du monde chrétien –, pour cacher ou jeter, sauver ou trier, donner et garder, à qui veut de compléter.
Lucile Marsaux aime les boîtes parce qu’elle aime les objets. Elle entretient avec eux un rapport familier, intime et sensible. C’est donc tout naturellement qu’elle a fait de leur union le cœur de sa pratique. Dans son atelier-bureau-des-cœurs, elle prend soin de ces petites choses autrefois chéries par leur propriétaire, avant la rupture.
Quand une relation s’épuise-t-elle ? A partir de quand un objet cesse-t-il de servir ? Dans ses reliquaires, dioramas et autres installations minutieuses, l’artiste isole les objets pour ne pas répondre à la question. Entre quatre murs miniatures confectionnés par ses soins, elle suspend le temps et la vie de ces petits témoins qu’elle a récupérés en seconde main, qu’on lui a confiés – en avouant qu’on ne voulait pas vraiment les détruire – et en lui racontant leur histoire. L’artiste les installe tels quels, dans ses environnements, ou les recompose en miniature, pour faire durer l’histoire et en créer de nouvelles.
Un peu accumulatrice, un peu designer, un peu conservatrice de son petit musée du quotidien, elle les collectionne et les récupère, pour les sauver de l’oubli et du rebut, remettant leur obsolescence à plus tard, si ce n’est à jamais.
Texte écrit par Horya Makhlouf à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, janvier 2022