Mon geste de production démarre toujours par des balades, pérégrinations dans des lieux urbains ou naturels. Je porte sur l’environnement un regard qui me laisse réceptif à toutes ses suggestions ; d’une pratique instinctive, « rien n’est figé, tout peut se révéler, toute forme est en mouvement », visant constamment à redéfinir ce qui nous entoure. Mon environnement s’apparente à un vaste jardin où sont cartographiés différents lieux de récolte. J’adopte un comportement identique à celui du chasseur-cueilleur en quête permanente, voire obsessionnelle, de ce qui me servira de matériaux. J’établis ensuite une carte mentale des zones d’approvisionnement pour chaque saison. Cette unique contrainte, d’une temporalité étirée où il faut parfois attendre une nouvelle année avant de remettre la main sur un matériau, m’apprend à vivre au rythme du vivant, dans l’attente et l’espérance d’une belle récolte. Chaque nouvelle année marque également l’opportunité d’expérimenter de nouvelles méthodes innovantes quant à la récolte ; faisant appelle au travail collectif et à différents corps de métier. Les matières une fois récoltées peuvent hiberner plusieurs années avant de faire germer une idée. La sélection de la matière se fait pour ses capacités plastiques, puis celle-ci m’amène à une observation plus globale dans un questionnement à l’échelle du paysage, de l’environnement, ce qui favorise la rencontre de spécialistes (ONF, INRAE, botanistes). Il n’est alors plus seulement question de botanique, mais aussi d’écologie et du lien de l’homme avec son environnement — l’environnement façonne les êtres humains, qui à leur tour construisent des paysages. En mimétisme aux capacités des végétaux, je tends vers une autonomie où mes outils sont la matière elle-même. Mes constructions sont de l’ordre du bricolage et du système D avec lesquels j’expérimente des techniques de matelotage. Elles sont un assemblage organique où chaque élément a sa fonction et participe à l’équilibre global ; toujours dans un traitement respectueux et valorisant de la matière, qui est mélangée le moins possible. La notion de cycle est omniprésente : de la balade à la récolte, mais aussi du transport jusqu’à la mise en place. Toutes ces étapes font de mes réalisations des propositions éphémères, livrées au temps et aux cycles de transformations qu’il engendre — définissant toutes interventions ou formes de vie comme des états transitoires. Le terme d’œuvre me sert à définir l’entièreté de toutes ces étapes qui définissent une proposition comme vitale et en évolution permanente. Se rapprocher du vivant c’est activer une décélération ; s’ouvrir vers un monde qu’il faut observer pour le saisir, et toucher pour le comprendre. Le progrès technique peut aussi se trouver dans ces formes de vie qui nous entourent et qui sont présentes depuis bien plus longtemps que nous. Dans une logique de progression, c’est vers ces formes qui traversent le temps, les époques, les frontières que je compte approfondir mes recherches botaniques pour la connaissance et la préservation. À la poursuite de ces plantes venues des quatre coins du globe, je veux continuer cette exploration de l’ailleurs, à l’écoute de ces autres cultures et traditions. Cela, dans l’objectif de poursuivre un dialogue interdisciplinaire et collectif qui nous me permet de nouvelles formes de narrations — un langage symbiotique entre espèces.