Je suis à une soirée, par la fenêtre, je vois qu’il fait nuit. Seul le salon est éclairé et dans l’entrebâillement d’une porte, je vois mes
amis discuter et rire sur un fond de musique électro. Je me promène dans la pénombre du reste de l’appartement, les objets
hors de l’attention semblent millénaires.
J’habite loin du bourg d’une commune de moins de mille habitants dans un petit village de trois familles. Tout autour de
nous il n’y a que des champs en jachère, d’autre partiellement cultivés, des bois, des ruines, des poteau électriques sans fils, des
bruits de détonation faisant fuir les oiseaux des arbres fruitier et des aboiement des chiens de chasse.
Ce sont là deux exemples de ce que j’appelle les « bords ». Des lieux hors de l’attention et de la frénésie du monde et délaissés
pour un instant ou depuis des années. Dans mon travail, j’essaye de donner à voir ces lieux et ces instants où le temps semble
couler comme de la mélasse et où chaque élément présent est une possibilité supplémentaire de comprendre le passé et le
présent de ces territoires.
Mon travail est actuellement tourné vers les territoires ruraux où j’ai grandi et l’état de semi-abandon dans lequel ils sont.
Récemment, j’ai vu ma maison d’enfance être entourée de résidences secondaires et de chambres d’hôtes.
Je conçois mes pièces comme un ensemble de volumes dépendants les uns des autres pour exister, à la manière d’un film ou d’un court-métrage, chaque pièce étant une scène remplis de décors et d’acteurs différents. Je prête une grande attention aux matériaux
que j’utilise, car je les considère comme des partenaires de travail, il n’est pas rare que le nœud d’une essence me fasse
totalement bifurquer dans le résultat imaginé. Ce rapport aux matériaux a pour résultat une certaine douceur dans mes pièces
qui contraste avec la rugosité des matériaux et la violence des sujets choisis.