Le projet laques & laqués prend racine en 2015, à l’occasion d’un voyage d’étude au Vietnam pendant lequel je reçois un apprentissage de la peinture laquée vietnamienne. Suite à la découverte de cette technique ancestrale, je multiplie les expérimentations à la recherche de matériaux et de vernis imitant les qualités similaires de la laque naturelle et des supports utilisés traditionnellement.
Composée d’ajout de matières diverses (coquilles d’oeufs martelées, couches de couleurs, feuilles d’or et d’argent...), la laque vietnamienne tend vers une «cuisine» méticuleuse riche qui fluctue en rythme et en minutie. Les couches de couleurs superposées qui sont ensuite poncées, dévoilent la première et la dernière strates sur un seul et même plan. Ces strates mélangées et générées par l’action du ponçage offrent une profondeur visuelle.
Les images qui résultent de ces réalisations sont souvent intuitives. Elles peuvent être en lien avec leurs supports, ou bien sans aucun lien apparent. Ces travaux ne prétendent pas traduire une pensée de la peinture qui serait maîtrisée ou contrôlée. Sans désir de transcender, d’incarner ou de s’inscrire dans un genre ou un courant en particulier, les tableaux racontent des histoires d’intimité, de mondes intérieurs sans précisément les nommer puisque cela ne présente pas de réel intérêt. Plus simplement, les tableaux laqués sont la rencontre entre des matières et des états de perceptions.
J’utilise la laque au profit d’une revalorisation d’objets ou de supports obsolètes. De cette manière, la matière, telle que le bois glané ça et là, est découpée, poncée et recouverte d’une épaisse couche de laque. Des skateboards usagés, plus assez rigides pour la pratique du skate, sont usinés et leurs formes retravaillées grâce à des collaborations prolifiques. La réappropriation de ces supports, par des tiers ou par moi-même, constitue un caractère essentiel à l’élaboration des laques.
La technique au centre de ces expérimentations encourage mon désir à la raconter tant elle est ponctuée d’infinis possibles. Présente en Asie depuis des millénaires, la laque a connu au fil du temps, nombre de mutations. La Chine, le Japon, ou encore le Vietnam n’ont cessé de réinventer leur rapport à la laque en créant pour chacun d’entre eux, un art national unique en constant mouvement. Impossible donc, après une initiation de quatre mois, d’affirmer imiter les gestes de ces maîtres laqueurs qui ont élaboré et enrichi au cours du temps le processus de la laque.
À mon échelle, il est toutefois possible de présenter cet art si singulier encore méconnu du grand public. Faire se rencontrer des cultures par le biais d’un voyage pictural, le voir, le sentir, révêler une pratique, fondent quelques uns des enjeux de ma pratique.