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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Julie Le Toquin

MÀJ 01-12-2022

Sur les traces d'Elie Lefebvre, sa mairie, 2022

Broderie
© ADAGP - Julie Le Toquin 2022

En 2021, un homme me contact via les réseaux sociaux. Je ne le connais pas mais nous avons le même nom de famille. En échangeant nous constatons que nos ancêtres ont vécus à quelques kilomètres les uns des autres sur plusieurs générations. Nous partageons tous les deux les mêmes passions : la mémoire, l’archivage, la transmission.

 

Il me raconte que son père avait trouvé en 1967 dans une déchetterie, un carnet de poilu, tenu chaque jour par Elie Lefebvre, de 1914 à 1918. Ce carnet absolument unique a été victime ou bénéficiaire d’un traitement très particulier de la part de son créateur : il a été retouché après coup. Elie a eu une sorte de complexe du survivant. Le carnet est raturé, rayant les différentes phrases « belle journée », afin d’effacer la mémoire et surtout la douleur liée à la mort de son frère Paul.

Je travaille actuellement sur ce carnet. Il donne lieu à différentes productions explorées par des médiums variés.

 

Par ce projet nous créons des liens, l'homme de ma famille et moi-même. Nous apprenons à nous connaître tout en cherchant les traces d'Elie, son histoire, ce qu'il a pu laisser derrière lui. Ce carnet donne lieu à une série d'oeuvres où je tente de recréer un lien entre ce poilu et notre histoire personnelle.

 

En 2022, j'ai brodé Sur les traces d'Elie Lefebvre, sa mairie. Pour moi le travail avec le fil est important. Le fil est dans mon imaginaire personnelle, un symbole de vie, que l'on tisse, qui peut se briser d'un moment à l'autre, avec lequel nous allons créer du lien, coudre. J'ai donc exécuté ce portrait de sa mairie, celle de Saint Maure les Fossés, où il c'était marié. A ce portrait d'institution, symbole de la République française, je voulais ajouter la trace, le fantôme de notre passage avec Jean-Christophe : notre ombre. Dans un premier temps, comme de coutume en broderie, j'ai d'abord dessiné mon motif sur le tissu. Le crayon que j'ai utilisé disparaît avec la chaleur. Cet été-là, la canicule a frappé Paris. Au fur et à mesure des jours, mon dessin s'effaçait. J'ai essayé à de multiples reprises de le récupérer. Impossible. J'ai alors accepté ce que j'ai pris pour une coïncidence intéressante. Malgré tous les livres que nous pourrons lire sur la 1ere Guerre Mondiale, tous les témoignages que nous pourrons écouter, les années de recherches, il manquera toujours quelque chose : l'expérience, le fait d'avoir participé réellement. Il faut accepter qu'une part nous échappera toujours.