L’été
Je suis posé sur le bitume,
devant un champ,
le soleil frappe fort sur la carrosserie de mon âme.
Je fume et je fume et je pense parce que je stresse un peu.
Je pense à l’été qui s’annonce
je dois charbonner
J’ai pris un job,
je dois servir des bières dans un PMU,
ça sent la cacahuète.
J’aime bien quand même,
quand je m’ennuie trop je regarde les courses et
j’imagine que je m’envole jockey sur pur-sang.
Sinon je sors mon smartphone et je regarde Instagram,
en ce moment je suis le compte de @tndrjoj.
je regarde un post de l’hiver dernier c’est une vidéo,
ça me fait du bien, des glaçons dans mon cerveau.
Sur la vidéo on peut voir une collection de paire de de baskets nike modèle tn.
disposé en coeur sur la glace, je contemple toutes les couleurs,
J’harnache mes désirs sur des objets accessibles.
De temps en temps je parie une partie de mon salaire sur une course,
on sait jamais si je peux arrêter de taffer.
Mais là c’est chaud, j’attends ma Jeanne d’arc,
survet adidas tn nike motocrossée.
J’ai les poils qui s’hérissent sur mon avant-bras.
Elle arrive, pas tout à fait comme je l’imaginais,
elle a pas mis le survet que je préfère, tant pis.
J’ai quand même des papillons tatoués dans le ventre.
On parle à peine, je me blottis derrière elle, elle accélère dans les virages et je me sens
bien. On va là ou on peut, on le fait comme on le peut maladroit comme pas deux. Le désir le
désir le désir. Dans mon nez l’odeur du foin mélangé à celle de l’essence remplace celle de la
cacahuète. Je me sens tour à tour moto et cavalier, cheval et motarde.
Quand on a fini je pense aux chevaux qui ne s’arrêtent pas de courir,
j’ai envie de les arrêter en tirant leur crinière,
de leur chuchoter à l’intérieur de leurs grandes oreilles,
ça va plus besoin de te muscler on peut faire des courses de cross à la place,
pour le turfu’ on verra, mais là je connais la pilote de mon cœur.
Vroum, vroum.
Théo Robine-Langlois, été 2021.
Turfur, 2021
Vues de l'exposition personnelle
Passerelle Centre d'art contemporain, Brest
© photos : Aurélien Mole et Johanna Cartier
Dans la brume ils apparaissent,
leur longues robes au vent se confondent
des pieds d’une rudesse,
lourds et vernis, ils s’ancrent dans le sol comme frondes
l’herbe vient tout juste de finir de pleurer,
ses larmes sont immobiles,en lévitation
attendent le soleil pour oser s’effacer,
pudiques mais si effrontées
L’approche du lourd sabot ne les effraye qu’à peine,
d’un petit regard égaré
l’affrontent et le font glisser
les chevaux s’approchent, dociles et luisants,
gâtés par une longue préparation
un coup de sabot, à 20 km, les hommes sortent de leur pesanteur
le 51 qui coule depuis pas d’heure,
il n’est plus une affaire de sud et de soleil,
seulement un prétexte à la chaleur
Le PMU ne suinte pas encore mais les vitres se couvrent d’argent,
le comptoir baise l’éponge et l’éponge répends à son tour ses larmes
grâce au fissures du temps sur le plastique,
elles arrivent à hauteur des cacahuètes qu’elles finissent par tremper,
au plus grand bonheur des clients qui de leurs gros doigts se barbouillent
les lèvres se réjouissent du sel qui les recouvre
Y en a un qui regarde son pote squatter encore 1 jour de plus
S’il avait des thunes tu crois vraiment qu’il zonerait à Vincennes?
J’pense que c’est le bizz qui l’a scotché aux machines et à la tireuse
Avec elle, il fait plus qu’un,
De 6h à 6h du matin
Ça gratte, encore et encore
Le reçu du pari en guise de mouchoir
Belle métaphore qu’offre la scène
L’odeur de défaite qui resurgi de l’urinoir
On retrouve aujourd’hui une herbe bien verte
Le printemps est arrivé il y a peu
On le voit au crottin qui fume,
délicatement posé entre les jonquilles et tulipes
Kenza Turbo se prépare à léguer la couronne
Elle fait le deuil
Couronnée et essoufflée,
Elle ne sait pas qui lui succédera pour le moment
C’est vrai qu’elle a toujours été seule
On raconte qu’elle se laisse mourir
Maintenant on appelle le numéro 2
Les gobelets en plastique contiennent le café
Les mains poilues les tickets
Ils déteignent
Toute l’encre se déplace,
Elle cerne le sabot
Remplit le verre à ras bord
Et laisse déborder la misère, urbaine, rurale, humaine en somme
On retrouve Diva, Kenza et Lady Dick sur le terrain
Elles sont alignées,
Les queues ébouriffées
Les cheveux démêlés
Le jockey n’est pas prêt, on n’sait pas trop où il est
Certains disent qu’il est au Brigantin entrain de finir sa binouze
D’ailleurs
Le dopage se fait plus à coup de piquouzes
Les nanas transpirent au soleil
On approche de l’heure du départ
à l’autre bout de la ville
devant les écrans poisseux
les gars attendent le coup de grâce
encore des SMICS qui partiront en fumée
encore des bagarres sur la faute du sifflet
ça rode en terrasse, 1 café pour passer la journée
Valoche en a marre
Elle aussi s’en mettrait bien plein les poches
Certains du quartier osent plus rentrer
Ils veulent pas perdre la vie pour un café askiparait
Poèmes sans titres, 2021
3 textes écrits pour l'exposition, lus et interprétés par Laurent Vilboux, commentateur sportif professionnel et diffusés dans l'espace comme installation sonore.