À travers des sculptures, mais principalement des installations et performances développant une esthétique DIY, Jaulicoco explore la façon dont les nouvelles technologies numériques peuvent altérer les sens (et la conscience) et participer à la création de nouveaux modèles identitaires queer et cyborg. Entre la chambre, la capsule et l’espace de jeu, l’artiste construit des safe spaces - sortes de « bulles hors du monde, hors du temps, et capitonnés de douceur et de bienveillance » selon ses mots- et dans lesquels évoluent d’étranges créatures inspirées (entre autres) par l’univers des peep shows, les cam-girls et autres célébrités de YouTube. Alter-égos et avatars, ces créatures incarnées par l’artiste sont les messagers par lesquels les puissances occultes, les forces de l’imaginaire et de l’inconscient se révèlent et communiquent avec nous. Purs produits composites croisant une kyrielle de références à l’histoire de l’art, aux cultures visuelles post-internet et pop, ces êtres augmentés et ambigus se sont en fait affranchis de toute physicalité, de tout réalisme, de toutes structures normatives (de genre notamment). Depuis leur hétérotopies formée par le confort d’une chambre, iels s’adresse à nous, mais ce n’est pas leur voix qui traduit leur pensée, mais leurs mouvements, à savoir des suites de gestes étranges formant des chorégraphies psycho-thérapeutiques inspirées du yoga, de l’ASMR et du New Age. Souvent, ces êtres manipulent, déplacent et caressent des formes douces, en tissu satiné ou en terre, comme autant de talismans magiques et de doudous réconfortants, oeuvrant à entrer en symbiose avec l’espace terrestre et extra-terrestre, à réconcilier le corps et l’esprit, bref, à renouveler sa relation au monde. Jaulicoco explique vouloir créer des espaces à l’intérieur desquels les gens se sentent aussi bien que dans un rêve. L’écran (digital de la vidéo, ou défini par une vitre dans le cadre d’une performance) protège ainsi ses avatars des violences externes, et font office de hublots à travers lesquels les spectateurs peuvent entrevoir une dimension parallèle sensorielle, qui s’éprouve plus qu’elle ne se comprend. Nappes vaporeuses, craquement apaisants… Les aliens agenrés de Jaulicoco nous téléportent dans un ailleurs : ils nous apaisent, nous hypnotisent.
Texte écrit par Julie Ackermann à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, janvier 2021.