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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Fanny Gicquel

MÀJ 16-10-2023

L'immensité avec vous, 2020

film, 9'06''
Production: Centre d'Art Contemporain Passerelle
Assistance technique : Auriane Allaire

The immensity with you, 2020

film, 9'06 ''
Production: Centre d'Art Contemporain Passerelle
Technical assistance: Auriane Allaire

«Ces trois entités que sont le corps, la mer et le souffle constituent les piliers de la vidéo de Fanny Gicquel entièrement baignée de poésie. Et pour cause, son principal point d’ancrage n’est autre que le poème Ode maritime signé Álvaro de Campos, hétéronyme de l’auteur portugais Fernando Pessoa. En ont été extraits dix vers dont la présence ambiante se révèle n’être ni audible ni lisible, mais visible et sensible. Quoi de plus naturel en effet qu’un langage marin pour « traduire » ces vers aux reflets bleutés ? Tombé dans la même désuétude que les sémaphores, ces postes d’observation de la marine nationale surplombant mers et océans, ce langage codé consistait en des signaux émis au moyen des bras munis de drapeaux, chaque lettre de l’alphabet latin correspondant à une position spécifique.
À partir de ce langage corporel — et partant, non verbal — à la fois chthonien et aérien, Fanny Gicquel a ainsi composé une chorégraphie élémentaire consistant en une série de gestes minimalistes essentiellement articulés autour du souffle. Par son mouvement et son rythme binaires — inspiration / expiration —, la respiration rappelle le caractère dual de tant de rituels naturels (ressac et marées, lever et coucher du soleil, jour et nuit, etc.) en même temps qu’elle convoque, tout en l’incorporant, la dialectique du dedans et du dehors (9), tels deux vases communicants.
Tourné en extérieur-jour sur la presqu’île de Crozon, ( L’extrémité de la France à l’Ouest ) le film L’immensité avec vous consiste en une succession de plans fixes comme autant de tableaux vivants donnant à voir, immergée en pleine nature, la communauté d’interprètes déclamer secrètement les vers choisis d’Ode maritime1, manipuler et porter certains objets-accessoires, qui opèrent moins comme signes que comme traits d’union et points de contact entre les corps et le paysage. On oublie le réflexe du sens pour se laisser porter par la sensualité des images, des visages et des gestes, l’énergie communicative des corps et de la nature qui respirent à l’unisson. C’est le souffle qui parle, qui s’écoute, s’écoule et s’épanche au-delà de l’espace-temps du film lui-même. La respiration lente et profonde qui en constitue la bande-son apaisante et hypnotique donne son pouls à l’exposition composée sur un mode fragmentaire, voire indiciaire.»

Anne-Lou Vicente (extrait)