Des éclats[Sharps], 2020
installation/performance, dimensions variables, 2020, 45 mn
Exposition personnelle à Passerelle, Centre d'art Contemporain- Brest FR
Performance avec:
Sarah Bellaiche, Tiphaine Dambrin, Naomie Daviaud, Juliette Fanget, Charlotte Gourdin, Nina Krawczyk, Anna Larvor, Martin Routhe, Robin Sarty, Tabea Von-Vivis.
Photo : © Aurélien Mole.
Video: Documentation d'artiste Bretagne
Liste des œuvres présentées dans l'exposition :
-Je veux partir avec vous, partout ou vous êtes allés , 2019-2020, acier, peinture
-Le tissus de mes nerfs , 2019-2020, métal, coton, encre
-l'appel confus des eaux , 2019-2020,installation, acier, peinture, Plexiglas, miroir, papier, plâtre, résine, eau
-Embrassant subitement tout l'horizon maritime , 2019-2020, acier, peinture, feutrine
-L'immensité avec vous , 2020,film, 9'06''
Texte d'exposition par Loïc Le Gall (directeur du Centre d'Art Contemporain Passerelle) (2020)
L’exposition « Des éclats » se déploie dans deux salles à l’étage du centre d’art et mêle installations, sculptures et vidéo, envisagées comme un tout. Fanny Gicquel a souhaité répondre au contexte océanique de Brest en s’inspirant de l’ouvrage poétique Ode Maritime (1915) de Fernando Pessoa, écrivain portugais engagé du début du XXe siècle. De cette poésie en prose, elle a tiré une série de vers sondant le rapport de l’humain à la mer et projetant les notions de départ et de déplacement, tel que « Je veux partir avec vous, partout où vous êtes allés.». Cependant, les messages se retrouvent codés grâce à une technique particulière bien connue des marins : l’alphabet sémaphore, un moyen de communication qui, employant des drapeaux tenus à bout de bras, crypte l’alphabet latin. Les extraits de la poésie deviennent ainsi des « vers sémaphoriques » qui prennent la forme de sculptures, d’un film et de performances activées à des temps définis durant toute la durée de l’exposition. Fanny Gicquel conçoit les salles de Passerelle comme une scène, déroulant des filets semblables à des rideaux de théâtre, colorisant des murs devenant décors, et des sculptures de métal utilisées comme des accessoires par les acteurs. Avec « Des éclats », elle questionne la durabilité de l’événement de la performance et sa subsistance dans une exposition, tout autant que la dimension d’un langage codé qui perd de son sens.
L’âme de fond par Anne-Lou Vicente (2020)
« Sous sa forme simple, naturelle, primitive, loin de toute ambition esthétique et de toute métaphysique, la poésie est une joie du souffle, l'évident bonheur de respirer. Le souffle poétique, avant d’être une métaphore, est une réalité qu’on pourrait trouver dans la vie du poème si l’on voulait suivre les leçons de l’imagination matérielle aérienne. » (1)
Du paysage-état d’âme, le romantisme a fait un lieu commun, soumis respectivement à la variabilité des éléments et des sentiments. (É)mus par la force des vagues, paysage marin et âme humaine partagent sans doute une certaine intranquillité (2) et un même sens, in(dé)fini. Plus concrètement, la mer et le corps apparaissent tels des organismes vivants traversés, animés par l’air, élément dont il faut souligner l’essence et la puissance poétiques et cinématiques.
Ces trois entités que sont le corps, la mer et le souffle constituent les piliers de l’exposition de Fanny Gicquel présentée à Passerelle sous la forme d’une installation-vidéo-performance entièrement baignée de poésie. Et pour cause, son principal point d’ancrage n’est autre que le poème Ode maritime signé Álvaro de Campos (1890-1935). Cet ingénieur naval formé à Glasgow est en quelque sorte le dépositaire des impressions maritimes de celui qui a su manier l’art de l’hétéronymie comme personne : l’auteur portugais Fernando Pessoa (3). Jetant un pont entre Lisbonne et Brest, deux villes portuaires tournées vers le grand large, l’artiste s’est en particulier attachée à la première des trois parties de ce long poème en prose dans laquelle l’auteur, observant le Tage qui ouvre vers l’horizon océanique, bercé par le va-et-vient des embarcations et l’imaginaire fertile des départs et des arrivées, livre une approche sensorielle de l’élément marin.
En ont été extraits dix vers dont la présence ambiante dans l’exposition se révèle n’être ni audible ni lisible (4), mais visible et sensible à travers différents médiums — vidéo, sculpture et performance (5) — qui en distillent la version sémaphorique. Quoi de plus naturel en effet qu’un langage marin pour « traduire » ces vers aux reflets bleutés ? Tombé dans la même désuétude que les sémaphores, ces postes d’observation de la marine nationale surplombant mers et océans, ce langage codé consistait en des signaux émis au moyen des bras munis de drapeaux, chaque lettre de l’alphabet latin correspondant à une position spécifique.
À partir de ce langage corporel — et partant, non verbal — à la fois chthonien et aérien (6), Fanny Gicquel a ainsi composé (7) une chorégraphie élémentaire consistant en une série de gestes minimalistes essentiellement articulés autour du souffle, interprétés par plusieurs étudiant.e.s de l’EESAB de Brest (8). Par son mouvement et son rythme binaires — inspiration / expiration —, la respiration rappelle le caractère dual de tant de rituels naturels (ressac et marées, lever et coucher du soleil, jour et nuit, etc.) en même temps qu’elle convoque, tout en l’incorporant, la dialectique du dedans et du dehors (9), tels deux vases communicants.
Tourné en extérieur-jour sur la presqu’île de Crozon, le film L’immensité avec vous consiste en une succession de plans fixes comme autant de tableaux vivants donnant à voir, immergée en pleine nature, la communauté d’interprètes déclamer secrètement les vers choisis d’Ode maritime, manipuler et porter certains objets-accessoires — que l’on (re)trouve dans l’exposition — qui opèrent moins comme signes que comme traits d’union et points de contact entre les corps et le paysage. On oublie le réflexe du sens pour se laisser porter par la sensualité des images, des visages et des gestes, l’énergie communicative des corps et de la nature qui respirent à l’unisson (10). C’est le souffle qui parle, qui s’écoute, s’écoule et s’épanche au-delà de l’espace-temps du film lui-même. La respiration lente et profonde qui en constitue la bande-son apaisante et hypnotique donne son pouls à l’exposition (11) composée sur un mode fragmentaire, voire indiciaire. Lentement, se déploie, pièce par pièce, plan par plan, séquence par séquence, le décor au sein duquel est rejoué — et relu — le paysage poétique, peuplé d’objets et de corps « interactifs ».
Les lignes agencées dans l’espace scénique dessinent un parcours libre, un scénario à voies multiples, un récit visuel diffracté. Face à nous s’étire un horizon trouble : la sculpture en acier Je veux partir avec vous, partout ou vous êtes allés reprend et matérialise le tracé en langage sémaphorique de ce même vers d’Ode maritime. À mesure que l’on s’en approche, on perçoit sur la surface blanche du mur d’infimes larmes bleutées qui viennent « trahir » la présence d’une ligne de pigment bleu dissimulée derrière le trait de métal qui nous rappelle qu’à l’horizon, ciel et mer s’épousent par inframince. Aussi ténues soient-elles, les coulures témoignent d’un geste, d’une action dont on peut remonter le fil : au sol gît une éponge encore humide de l’eau dont elle s’est gonflée, recueillie dans l’empreinte d’une main ayant creusé la matière poreuse d’un bloc de plâtre. Évoquant un élément végétal autant qu’un soleil levant / couchant, un frêle éventail taillé dans un Plexiglas cuivré utilisé dans la fabrication de hublots de bateaux pour protéger de l’éblouissement se dresse à hauteur d’œil, formant un filtre potentiel sur l’exposition-paysage. Arrimé au sol (terre) et au plafond (ciel/air), un miroir noir reflète en l’aplatissant l’espace et ce(ux) qui s’y (re)trouve(nt) : il opère ici tel un liant entre les différentes strates spatio-temporelles de l’exposition, tant du point de vue de sa construction que de son déroulement (12), en même temps qu’il apparaît comme l’interface-clé d’une réflexion sur les notions de présence et de représentation (13). Reprenant librement la technique des nœuds utilisée pour les filets de pêche, Le tissu de mes nerfs consiste en deux rideaux-écrans dont les mailles ondulantes et vibratoires, loin de nous enserrer, font office de seuil flottant. Passé de l’autre côté, devant un mur couleur sable / chair se détache une grille blanche comme dessinée dans l’espace sur laquelle viennent se suspendre quatre manches-drapeaux en feutrine aux couleurs de la presqu’île de Crozon, portées ponctuellement par les interprètes dans le film et lors des différentes activations de la performance au cours de l’exposition (14).
Multipliant les points de vue et les lignes de fuite comme les sens et strates de lecture, traversée de long en large par un souffle commun, « Des éclats » fonctionne par « rebond », associant à la matérialité des objets-œuvres-corps en présence leurs « impressions fugitives » (15) comme pour mieux en amplifier le degré d’ancrage dans le présent et le réel, mais aussi, et surtout, la puissance de (rétro)projection — et de motion — imaginaire et poétique. Offerts à de multiples déplacements, transformations et autres translations spatiales et temporelles, corps, éléments, images, mots, matières, objets, flux et phénomènes (im)perceptibles communiquent silencieusement entre eux et s’animent indéfiniment au gré de leurs multiples correspondances.
(1) Gaston Bachelard, L’air et les songes, Essai sur l’imagination du mouvement, chap. XII « La déclamation muette », Paris, Librairie José Corti, p. 271.
(2) En référence à l’œuvre posthume de Fernando Pessoa (sous l’hétéronyme de Bernardo Soares), Le Livre de l’intranquillité. Les premiers mots de Jean-Christophe Bailly dans L’Élargissement du poème (Paris, Christian Bourgois, 2015) y font référence, ainsi qu’au paysage-état d’âme. Voir p. 13 : « Très tôt la leçon du romantisme allemand, tout entière nourrie de la Naturphilosophie de Schelling, a été oubliée, et à la mise en réseau de l’ensemble des existences, qu’elle illustrait par des ricochets et des échos, s’est substituée une version bourgeoise de l’épanchement, dont la célèbre question de Lamartine sur les objets ‘inanimés’ constitue sans doute le point culminant. »
(3) En portugais, « pessoa » signifie « personne ». Lire Iooss Filomena, « L'hétéronymie de Fernando Pessoa. Personne et tant d'êtres à la fois », Psychanalyse, 2009/1 (n° 14), p. 113-128 https://www.cairn.info/revue-psychanalyse-2009-1-page-113.htm Voir aussi Jean-Christophe Bailly, op. cit., p. 163 : « La scène pronominale ne met pas en face les unes des autres des ‘pronominalités’ fixes, elle se dispose comme l’espace d’une sorte de fondu enchaîné permanent où chaque position, tenue un instant par tel être, ne serait qu’une encoche, à la fois sur le chemin de ce qui le compose comme singularité, et sur celui de ce qui l’expose à croiser d’autres singularités, elles-mêmes pareillement engagées dans leur propre composition ».
(4) À noter toutefois que les dix vers en question sont renseignés sur l’un des cartels de l’exposition, chaque vers étant associé à l’interprète qui l’a sélectionné. Rappelons-les ici : Délavée par tant d’immensité déversée en ses yeux ; Avec la douceur douloureuse qui monte en moi comme une nausée ; Mes désirs enfiévrés crèvent en écume ; Le mystère de chaque départ et de chaque arrivée ; Et le tissu de mes nerfs un filet qui sèche sur la plage ; Ah n’importe comment n’importe où partir ; Vivre en tremblant l’instant des eaux éternelles ; De la peur ancestrale de s’éloigner et de partir ; Toute cette fine séduction s’insinue dans mon sang ; Et au fond de moi commence à tourner un volant lentement.
(5) Si la vidéo est une voie nouvelle empruntée par l’artiste à l’occasion de cette résidence-exposition à Passerelle, sculpture, installation et performance constituent les médiums de prédilection de sa pratique où entrent en jeu la mise en espace et en contact par l’intermédiaire du corps qui (s’)active et (se) déplace, mettant ainsi en relief des notions comme le mouvement, la circulation et l’échange.
(6) Les pieds sont au sol et les jambes restent immobiles. Seuls les bras bougent et brassent l’air. La position verticale souligne la « colonne d’air » qui traverse la partie supérieure du corps.
(7) Précisons que traduction et composition vont ici de pair avec une certaine marge d’interprétation et d’improvisation, tant sur le plan de l’écriture que de la performance.
(8) Au sujet de cette collaboration avec les étudiant.e.s et plus largement, le déroulement de la résidence, lire l’entretien http://www.leschantiers-residence.com/fanny-gicquel/
(9) Une dialectique déjà à l’œuvre dans la notion de paysage-état d’âme. Lire Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, 1957, Paris, Quadrige PUF (6e édition, 1994), chap. IX, p. 191-207. « L’en-deçà et l’au-delà répètent sourdement la dialectique du dedans et du dehors : tout se dessine, même l’infini », p. 192.
(10) Notons ici l’importance du toucher. L’analogie entre corps et paysage/nature confine ici à leur « fusion » qu’illustre symboliquement le collage visible au verso du miroir présent dans l’espace d’exposition, qui combine les contours d’une masse de corps solidaires (visible dans la vidéo et répétée lors de la performance) à la matière des roches de la pointe de Pen-Hir, dans la presqu’île de Crozon.
(11) Il convient de préciser que le film, s’il est partiellement visible et audible par le visiteur dès son arrivée — de manière directe bien que lointaine, mais aussi par « ricochet » via son reflet dans le miroir présent dans la première salle —, est présenté au fond de la deuxième salle.
(12) Ces strates, poreuses voire entremêlées, pourraient être celles que forment, sans ordre arrêté, le film, l’exposition et la performance. Activée tous les mardi à 19h et le troisième samedi du mois à 15h30, la performance réintroduit physiquement dans l’espace d’exposition les corps (re)présent(é)s en continu via/dans le film. En les reflétant, le miroir les embrasse en une même image-temps dans laquelle notre propre corps peut se faire une place.
(13) Les différents sens connus de représentation incluent ici celui, littéral, de remettre au présent.
(14) On pense immanquablement à l’œuvre conçu par l’artiste allemand Franz Erhard Walther dès les années 1960, entre soft sculpture post-minimaliste, vêtement et rituel performatif. http://i-ac.eu/fr/artistes/1241_franz-erhard-walther
(15) Voir Clément Rosset, Impressions fugitives. L’ombre, le reflet, l’écho, Paris, Minuit, 2004
Détails des oeuvres présentées:
Je veux partir avec vous, partout ou vous êtes allés , 2019-2020, acier, peinture
Je veux partir avec vous, partout ou vous êtes allés est à la fois une sculpture et une partition qui transpose de manière graphique le langage sémaphorique. Ce langage est connu des marins qui codaient l’alphabet avec des drapeaux. Ligne d’horizon dans l’espace, cette sculpture est un appel à la projection et au lointain. Derrière elle, une ligne de pigment bleu humidifié lors de performances s’écoule au rythme de ces dernières.
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l’appel confus des eaux, 2019-2020, installation, acier, peinture, Plexiglas, miroir, papier, plâtre, résine, eau
l’appel confus des eaux est une installation composé de plusieurs éléments inspirés par des phénomènes naturels : levé du soleil, réverbération de l’eau et traces de main dans le sable. Semblant en lévitation, les deux sculptures principales produisent des effets de lumières et de reflets. Le Plexiglas cuivré, utilisé dans la fabrication de hublot de navire, permet de voir l’exposition par ce prisme coloré. Par la réflexion de la vidéo dans le recto du miroir noir, les corps et les paysages s’étendent d’un espace à l’autre. Au verso, un collage combine un élément chorégraphique de la vidéo, une agrégation de corps, à des masses rocheuses de Pen-Hir.
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La performance, composée de plusieurs éléments chorégraphiques, s’articule principalement autour de la traduction de vers extraits du poème Ode Maritime de Fernando Pessoa en langage sémaphorique. Ce langage devient une matière corporelle à même de traduire des vers portant sur le rapport entre le corps et la mer. Un ensemble de mouvements, de gestes et d’actions sont directement inspirés par le poème. Certaines sculptures, comportant un potentiel performatif, sont activées à travers de courts scénario : port de costumes « peintures textiles », mouvements de rotations et placement spécifique.
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Le tissus de mes nerfs , 2019-2020, métal, coton, encre
Le tissus de mes nerfs utilise la technique de nœuds propre à la réalisation de filet de pêche. En s’émancipant de la rigidité du procédé, ces deux objets deviennent des écrans brodés, fragiles et aériens.
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Embrassant subitement tout l’horizon maritime , 2019-2020, acier, peinture, feutrine
Embrassant subitement tout l’horizon maritime est une installation composée de deux structures géométriques en acier sur lesquelles reposent « peintures textiles» inspirées des paysages Crozonnais. Ces peintures sont portées comme des costumes lors des performances. L’ensemble est réagencé à chaque activation. La peinture murale tisse un lien entre la couleur de la peau et celle du sable.
Exhibition text by Loïc Le Gall (director Center for Contemporary art Passerelle) (2020)
The exhibition entitled ‟Des éclats” [Shards] fills two first-floor rooms in the art centre, combining installations, sculptures and video, and designed to form a whole. Fanny Gicquel wanted to respond to the ocean setting of Brest by taking inspiration from the work of poetry Ode Maritime (1915) by Fernando Pessoa, a Portuguese political writer of the early twentieth century. She has taken from this prose poetry a series of verses imagining the notions of departure and movement, such as ‟I want to go with you, wherever you have been”.But the messages are coded using a technique that is particularly familiar to sailors: the semaphore alphabet, a means of communication using flags held at arm’s length to cipher the Roman alphabet. So the poetry extracts become ‘semaphore verses’ taking the form of sculptures, a film and performances given at predetermined times throughout the duration of the exhibition. Fanny Gicquel imagines the rooms in the Passerelle as a stage, unfurling nets like curtains in a theatre, colouring the walls to create scenery, and with metal sculptures used as props by the actors. With Des éclats, she questions the durability of the performance event and its survival in an exhibition, as much as the dimension of a coded language losing its meaning.
L’âme de fond by Anne-Lou Vicente (2020)
«In its simple, natural, primitive form, far from any aesthetic ambition and any metaphysics, poetry is a joy of the breath, the obvious happiness of breathing. The poetic breath, before being a metaphor, is a reality that one could find in the life of the poem if one wanted to follow the lessons of the aerial material imagination.»(1)
Romanticism has made a common place out of the landscape-state of mind, subject respectively to the variability of elements and feelings. (É) moved by the force of the waves, seascape and human soul undoubtedly share a certain uneasiness (2) and the same meaning, in (de) finite. More concretely, the sea and the body appear as living organisms traversed, animated by the air, an element whose poetic and cinematic essence and power must be emphasized.
These three entities of the body, the sea and the breath constitute the pillars of Fanny Gicquel’s exhibition presented at Passerelle in the form of an installation-video-performance entirely bathed in poetry. And for good reason, its main anchor point is none other than the poem Ode maritime signed Álvaro de Campos (1890-1935). This Glasgow-trained naval engineer is in a way the repository of the maritime impressions of one who knew how to handle the art of heteronymy like no one else: the Portuguese author Fernando Pessoa (3). Building a bridge between Lisbon and Brest, two port cities facing the open sea, the artist focused in particular on the first of three parts of this long prose poem in which the author, observing the Tagus which opens towards the oceanic horizon, rocked by the comings and goings of boats and the fertile imagination of departures and arrivals, delivers a sensory approach to the marine element.
Ten verses were extracted from it, the ambient presence of which in the exhibition turns out to be neither audible nor readable (4), but visible and sensitive through different mediums - video, sculpture and performance (5) - which distill the version. semaphoric. What could be more natural than a marine language to «translate» these lines with bluish reflections? Falling into the same obsolescence as semaphores, these observation posts of the French Navy overlooking seas and oceans, this coded language consisted of signals emitted by means of arms equipped with flags, each letter of the Latin alphabet corresponding to a position specific.
From this body language - and therefore, non-verbal - both chthonic and aerial (6), Fanny Gicquel has thus composed (7) an elementary choreography consisting of a series of minimalist gestures essentially articulated around the breath, interpreted by several students of the EESAB in Brest (8). By its binary movement and rhythm - inspiration / expiration -, breathing recalls the dual character of so many natural rituals (surf and tides, sunrise and sunset, day and night, etc.) at the same time as it summons, while incorporating it, the dialectic of the inside and the outside (9), like two communicating vessels.
Shot outdoors during the day on the Crozon peninsula, the film Immensity with you consists of a succession of still shots like so many living tableaux giving to see, immersed in nature, the community of performers secretly declaiming the verses. chosen from Maritime Ode, to handle and wear certain accessory objects - which we (re) find in the exhibition - which operate less as signs than as hyphens and points of contact between bodies and the landscape. We forget the reflex of sense to let ourselves be carried away by the sensuality of images, faces and gestures, the communicative energy of bodies and of nature which breathe in unison (10). It is the breath that speaks, that listens, flows and exudes beyond the space-time of the film itself. The slow and deep breathing that constitutes its soothing and hypnotic soundtrack gives its pulse to the exhibition (11) composed in a fragmentary, even indicative fashion. Slowly, piece by piece, shot by shot, sequence by sequence, unfolds the setting within which is replayed - and re-read - the poetic landscape, populated by «interactive» objects and bodies.
The lines arranged in the scenic space draw a free course, a multi-lane scenario, a diffracted visual narrative. In front of us, a cloudy horizon stretches out: the steel sculpture I want to leave with you, wherever you have been takes up and materializes the outline in semaphoric language of this same line of maritime Ode. As we approach it, we perceive on the white surface of the wall tiny bluish tears which “betray” the presence of a line of blue pigment hidden behind the metal line which reminds us that the horizon, sky and sea merge by infra-thin.
As slight as they are, the drips testify to a gesture, to an action whose thread can be traced: on the ground lies a sponge still wet with the water with which it has swelled, collected in the imprint of a hand having hollowed out the porous material of a block of plaster. Evoking a plant element as much as a rising / setting sun, a frail fan carved from a copper-colored Plexiglas used in the manufacture of boat portholes to protect from glare rises at eye level, forming a potential filter on the landscape-exhibition. Tied to the ground (earth) and to the ceiling (sky / air), a black mirror reflects by flattening the space and what (ow) that is (re) there (s): it operates here like a binder between the different spatio-temporal strata of the exhibition, both from the point of view of its construction and of its unfolding (12), at the same time that it appears as the key interface of a reflection on the notions of presence and representation (13). Freely resuming the knot technique used for fishing nets, The fabric of my nerves consists of two screen curtains whose undulating and vibrating meshes, far from enclosing us, act as a floating threshold. Passed on the other side, in front of a sand / flesh-colored wall, a white grid stands out as if drawn in space on which hang four felt flag sleeves in the colors of the Crozon peninsula, occasionally worn by the performers in the film and during the various activations of the performance during the exhibition (14).
Multiplying points of view and lines of flight like the senses and strata of reading, traversed back and forth by a common breath, “Des éclats” works by “rebound”, associating the materiality of the objects-works-bodies in the presence. their “fleeting impressions” (15) as if to better amplify their degree of anchoring in the present and the real, but also, and above all, the power of (retro) projection - and motion - imaginary and poetic. Available in multiple displacements, transformations and other spatial and temporal translations, bodies, elements, images, words, materials, objects, flows and (im) perceptible phenomena communicate silently with each other and come alive indefinitely according to their multiple correspondences.
(1) Gaston Bachelard, L’air et les songes, Essay on the imagination of movement, chap. XII “La déclamation muette”, Paris, Librairie José Corti, p. 271.
(2) In reference to the posthumous work of Fernando Pessoa (under the heteronym of Bernardo Soares), The Book of Tranquility. The first words of Jean-Christophe Bailly in L’Élargissement du poème (Paris, Christian Bourgois, 2015) refer to it, as well as to the landscape-state of soul. See p. 13: “Very early on, the lesson of German romanticism, entirely nourished by Schelling’s Naturphilosophy, was forgotten, and by the networking of all existences, which it illustrated by ricochets and echoes, s’ a bourgeois version of effusion is substituted, of which Lamartine’s famous question on ‘inanimate’ objects undoubtedly constitutes the culmination. «
(3) In Portuguese, “pessoa” means “person”. Read Iooss Filomena, “The heteronymy of Fernando Pessoa. No one and so many beings at the same time «, Psychoanalysis, 2009/1 (n ° 14), p. 113-128 https://www.cairn.info/revue-psychanalyse-2009-1-page-113.htm See also Jean-Christophe Bailly, op. cit., p. 163: “The pronominal scene does not put fixed ‘pronominalities’ opposite one another, it is arranged like the space of a sort of permanent crossfade where each position, held for a moment by such and such a being, would only be ‘a notch, both on the path of what composes it as a singularity, and on that of what exposes it to encounter other singularities, themselves similarly engaged in their own composition ”.
(4) Note, however, that the ten lines in question are recorded on one of the labels in the exhibition, each line being associated with the performer who selected it. Let’s remember them here: Washed out by so much immensity poured into her eyes; With the painful sweetness that rises in me like nausea; My feverish desires burst into foam; The mystery of each departure and each arrival; And the tissue of my nerves a net that dries on the beach; Ah anyway, anywhere to go; Live trembling in the instant of eternal waters; From the ancestral fear of straying and leaving; All this fine seduction creeps into my blood; And deep inside me slowly begins to turn a steering wheel.
(5) If video is a new path taken by the artist on the occasion of this residency-exhibition at Passerelle, sculpture, installation and performance constitute the preferred mediums of his practice where the setting in space and in contact through the body which activates and moves, thus highlighting notions such as movement, circulation and exchange.
(6) The feet are on the ground and the legs remain stationary. Only the arms move and stir the air. The upright position emphasizes the «air column» that runs through the upper body.
(7) Note that translation and composition go hand in hand here with a certain margin of interpretation and improvisation, both in terms of writing and performance.
(8) About this collaboration with students and more broadly, the course of the residency, read the interview http://www.leschantiers-residence.com/fanny-gicquel/
(9) A dialectic already at work in the notion of landscape-state of mind. Read Gaston Bachelard, The poetics of space, 1957, Paris, Quadrige PUF (6th edition, 1994), chap. IX, p. 191-207. «The below and the beyond silently repeat the dialectic of the inside and the outside: everything takes shape, even the infinite», p. 192.
(10) Note here the importance of touch. The analogy between body and landscape / nature here borders on their «fusion» symbolically illustrated by the collage visible on the back of the mirror in the exhibition space, which combines the outlines of a mass of united bodies (visible in the video and repeated during the performance) to the material of the rocks of the tip of Pen-Hir, in the Crozon peninsula.
(11) It should be noted that the film, if it is partially visible and audible by the visitor upon arrival - directly although from a distance, but also by «ricochet» via its reflection in the mirror in the first room -, is presented at the back of the second room.
(12) These layers, porous or even intertwined, could be those that form, without any fixed order, the film, the exhibition and the performance. Activated every Tuesday at 7 p.m. and on the third Saturday of the month at 3:30 p.m., the performance physically reintroduces the bodies (re) present continuously into the exhibition space via / in the film. By reflecting them, the mirror embraces them in the same time-image in which our own body can find its place.
(13) The different known meanings of representation here include the literal one of putting back in the present tense.
(14) We inevitably think of the work designed by German artist Franz Erhard Walther in the 1960s, between post-minimalist soft sculpture, clothing and performative ritual. http://i-ac.eu/fr/artistes/1241_franz-erhard-walther
(15) See Clément Rosset, Impressions fugitives. The shadow, the reflection, the echo, Paris, Minuit, 2004.
Details of the works showed:
I want to go with you, wherever you have gone, 2019-2020 steel, paint
I want to go with you, wherever you have gone is both a sculpture and a score which graphically transposes the semaphore language. This language is known to sailors who coded the alphabet with flags. Line of the horizon in space, this sculpture is an invitation to projection and to the distance. Behind it, a line of blue pigment moistened during performances flows to the rhythm of the activatings.
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the confused call of the waters, 2019-2020, installation, steel, paint, Plexiglas, mirror, paper, plaster, resin, water
the confused call of the waters is an installation made up of several elements inspired by natural phenomena: sunrise, reverberation of the water and traces of hands in the sand. Seeming in levitation, the two main sculptures produce effects of lights and reflections. The copper Plexiglas, used in the production of ship portholes, allows you to see the exhibition through this colored prism. Through the reflection of the video in the front of the black mirror, bodies and landscapes stretch from one space to another. On the back, a collage combines a choreographic element of the video, an aggregation of bodies, with rocky masses from Pen-Hir’s cap.
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The performance, composed of several choreographic elements, revolves mainly around the translation of verses extracted from the poem Ode Maritime by Fernando Pessoa in semaphore language. This language becomes a bodily matter capable of translating verses evoking the relationship between the body and the sea. A set of movements, gestures and actions are directly inspired by the poem. Some sculptures, with performance potential, are activated through short scenarios: wearing of “textile painting” costumes, rotational movements and specific placement .
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The tissue of my nerves, 2019-2020,metal, cotton, ink
The tissue of my nerves uses the knot technique specific to making fishing nets. By freeing themselves from the rigidity of the process, these two objects become embroidered, fragile and aerial screens.
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Suddenly embracing the entire maritime horizon, 2019-2020 , steel, paint, felt
Suddenly embracing the entire maritime horizon is an installation composed of two geometric steel structures on which «textile paintings» inspired by Crozon’s landscapes are hanged. These paintings are worn as costumes during performances. The set is rearranged at each activation. The mural paint creates a link between the color of the skin and that of the sand.