breathing with heels, walking with eyes, 2023
breathing with heels, walking with eyes, 2023, installations-sculptures-performances
4 hours
Solo Exhibition at Temple Bar Galery+Studio, Dublin, IR
Curated by Michael Hill
Performers: Sarah Joan K, Ania Kudriavtseva, Makrià Midèn, Ellen Reidy
Images: © Louis Haugh
how far is it? how far is it now?, 2023, cast aluminium, sand, rock, paraffin, dimensions variable
body of work for aquaspace, 2023, glass, dimensions variable
a stone or a wave, 2023, glass 15 x 44 x 45 cm,14 x 44 x 44 cm, 14 x 39 x 40 cm, 18 x 36 x 38 cm
prendre corps, 2023, steel, paraffin, foam, fabric, 30 x 30 x 120 cm, 35 x 35 x 165 cm
rest to the bones, 2023, foam, fabric, zip, 5 x 12 x 40 cm
mouth was thinking about eyes, 2023, steel, glass, steel length: 200, 235 cm, glass: 21 x 21 x 47 cm
des astres, des outils, de la musique le jour comme la nuit, 2023, brass, 5 x 20 x 20 cm, 28 x 9 x 9 cm
sharing skysummer, 2023, cotton, thread, 98 x 150, 70 x 250 cm, 98 x 270 cm
breathing with heels, walking with eyes (respirer avec les talons, marcher avec les yeux) par Michael Hill, Commissaire d'exposition à Temple Bar Gallery + Studios (2023)
Ce texte a été traduit de l’anglais par Laura Touitou
Les environnements sculpturaux tactiles et évolutifs de Fanny Gicquel font écho à des formes intimes et naturelles. Leurs composants sont dépendants les uns des autres, offrant des points de repos là où des groupes sculpturaux s'harmonisent et interagissent. Les bandes d'aluminium sinueuses qui délimitent le sol de la galerie s’apparentent à la courbure d'un corps au repos ou à l'ondulation d'un rivage. Cet alignement entre les contours discrets d’un corps et les formations naturelles permet à Gicquel d'explorer le point de contact entre l'animé et l'inanimé, traçant un paysage mouvant et transitoire.
Le langage rencontre la matérialité tout au long de l'exposition. Son titre associe deux références de David Le Breton, sociologue et anthropologue qui écrit sur la marche en tant qu'expérience métaphysique. Dans son livre Marcher la vie : Un art tranquille du bonheur, Le Breton évoque l’acte de « respirer par les talons », une méthode taoïste qui consiste à interagir consciemment avec la terre sous nos pieds, son énergie et sa connectivité. « Marcher avec les yeux » est une expression d'Alexandra David-Néel (1868 - 1969), une exploratrice et spiritualiste qui préconisait de se déplacer dans le monde en se laissant guider par l'intuition, sans suivre un chemin prédéfini. De la même manière, l'approche de Gicquel pour l'installation de l'exposition a été déterminée par la réunion de nombreux éléments et matériaux disparates, et en composant de manière réactive leurs liens au sein de la galerie. Pour elle, cette approche transitoire fait se fusionner l'atelier et les espaces d'exposition, résultant en un flux de travail circulatoire.
Des surfaces composées de bandes en aluminium et de bancs de sable à la dérive ouvrent plusieurs parcours sinueux à travers l'exposition. how far is it ? how far is it now ? (2023) tire son titre des premières lignes du poème « Getting There » de Sylvia Plath, dans le recueil Ariel (1965), et rappelle également la manière dont les enfants peuvent exprimer leur impatience et leur anticipation pendant un trajet. Les parcours guidés sont réalisés par moulage directement sur la plage de Penmarch, dans la région d'origine de l'artiste, la Bretagne. Gicquel a inscrit des marques dans le sable en marchant, parfois avec intention, parfois sans but précis, pour créer des spirales, des sentiers et des lignes qui ont ensuite été remplis d'aluminium fondu, incorporant des traces de sable, des pierres et des défauts dus aux réactions entre le métal liquide et l'eau salée.
Les personnes qui visitent l’exposition sont encouragées à imiter la « dérive » sur la plage entreprise par Gicquel, et à décider de leurs mouvements, de leur attention et de leur rythme dans la pièce, en écho aux mouvements de quatre performeur.euses qui habitent périodiquement l'exposition avec une combinaison d'actions individuelles et collectives. L'intégration d'activations chorégraphiées et improvisées, imaginées par l'artiste puis exécutées, avec soin mais de manière ludique, par les performeur.euses, crée un curieux sentiment de conscience de soi. Leurs gestes subtils, qui activent l'installation de Gicquel, incluent le contact, la réorganisation et l'interaction entre eux et avec des substances élémentaires telles que l'eau, l'air, la vapeur et la lumière réfléchie.
Lors de sa première visite à Temple Bar l'année dernière, Gicquel a observé les passants à l'extérieur de la galerie et la façon dont cette présence constante joue un rôle à part entière dans les expositions. L’allure pressée et déterminée des gens qui marchent dans la rue l'a incitée à ralentir et à se déplacer sans intention d'aller quelque part, à l'intérieur de l'exposition. Cette sensation fait partie intégrante de son travail à travers le symbolisme d'un point de rencontre ou d'un lieu de contact. Les grandes fenêtres en verre constituent un écran visuel et poreux à la lumière qui relie l'intérieur à l'extérieur, tout comme la plage est le point de rencontre entre la terre et la mer, constitué par la fusion de matériaux solides et liquides. Gicquel utilise la fenêtre de la galerie comme un espace où l'on voit et où l'on est vu. L'harmonie entre l'immobilité et le mouvement est également une caractéristique de ses installations, qui résonne particulièrement dans les performances lentes et méditatives, où une douce concentration suscite des relations étroites entre les objets et les corps.
L’environnement de la plage suscite une forme de tranquillité d'esprit, décuplée par les sons relaxants du roulement des vagues et des oiseaux marins. Vaste par nature, la plage permet à Gicquel de jouer avec les associations d'espace horizontal entre la terre et la mer, et les actions qui s'y déroulent, comme s'allonger et prendre un bain de soleil. sharing skysummer (2023), un ensemble de bannières en tissu bleu et violet, est suspendu au niveau du sol dans la galerie, créant ainsi un horizon. Cela ressemble également à un coupe-vent qui offre une protection contre les éléments ainsi qu’un espace intime et clos. Les bannières ont le potentiel d’être reconfigurées : elles peuvent être pliées, étirées et repositionnées comme des couvertures de pique-nique, des serviettes de plage ou des drapeaux sémaphores. Gicquel évoque la possibilité d'une « peinture vivante » qui pourrait déplacer l’arrière-plan de l'exposition, laissant l'installation ouverte au changement, grâce aux actions des performeur.euses.
Tout au long de l'installation, les sillons de sable incitent à s’arrêter à côté de récipients en verre, remplis d'eau (a stone or a wave, 2023), de fragments de miroir et d'éléments en verre soufflé (body of work for aquaspace, 2023). Les zones environnantes attirent également l'attention sur des particules de coquillages, du verre dépoli et des très petites sculptures en paraffine, façonnées à la main en forme de pierres ; des formes qui fusionnent le naturel et l'imaginaire. Pendant l'installation, notre réflexion s’est portée sur la nouvelle de Virginia Woolf « Solid Objects » (1920). L'un des nombreux fils conducteurs qui traversent le texte est l'obsession croissante du protagoniste pour la découverte de fragments matériels (verre dépoli par les vagues, tesson de céramique brisé), mais sa curiosité et son émerveillement enfantin pour le sable et son interaction avec l'eau, ainsi que la « rêverie à demi consciente » dans laquelle il fait de plus en plus l'expérience du monde, trouvent une résonance particulière avec l'exposition de Gicquel*.
Comme Woolf décrivant l’« incontestable vitalité » des personnages marchant sur une plage déserte, Gicquel relie l'intérieur et l'extérieur de la galerie, avec des œuvres qui exagèrent et répondent de manière ludique à l'activité extérieure et à leur distance dans le cadre protégé de la galerie. mouth was thinking about eyes (2023) est un trio de cônes de verre suspendus qui font référence à des porte-voix, des télescopes, ou des dispositifs d'écoute qui sont une réponse directe à la rue animée et chaotique de Temple Bar. Ils créent également un potentiel d'expériences sensorielles personnelles, comme écouter le son de la mer à l'intérieur d'un coquillage. L'utilisation du sable par Gicquel tout au long de l'exposition évite une configuration définitive des matériaux en raison de son positionnement indéterminé, tout en reconnaissant les liens avec les notions de soin et de préservation associées à la plage et à la baignade en mer dans le paysage urbain de Dublin.
Trois sculptures de plus grande taille prenant la forme de membres désincarnés sont placées sur le sol ou contre le mur. Leur titre, prendre corps, établit un parallèle entre la fabrication à la main de l'œuvre, sa visualisation en tant que parties du corps sculpturales, et son activation par des performeur.euses. Gicquel a pris en compte la vulnérabilité implicite des genoux, des coudes et des talons en plaçant des coussins rembourrés (rest to the bones, 2023) entre les articulations squelettiques et les surfaces dures du bâtiment ; un autre point de contact, qui a été réfléchi dans une démarche de soin et d’intimité.
* « Contemplé sans cesse, semi-consciemment, par un cerveau qui pense à autre chose, un objet, n’importe lequel, se mêle si profondément à la trame de la pensée, qu’il perd sa véritable forme et qu’il se recompose un peu différemment sous une forme idéale qui hante l’esprit aux moments les plus inattendus.1 » Solid Objects a été porté à notre attention par l'artiste Niamh O'Malley, qui nous a fait part d'un article de Margaret Iverson sur le travail des artistes Becky Beasley et Lucy Skaer.
1 NdT: Le présent extrait tiré de la nouvelle “Objets Massifs” de Virginia Woolf est traduit de l’anglais par Hélène Bokanowski dans le recueil de nouvelles La Mort de la Phalène. © 1968, Éditions du Seuil pour la traduction française.
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Le Prix du Frac Bretagne - Art Norac a pour objectif de soutenir les artistes basés en Bretagne par le biais de partenariats annuels avec des structures internationales, qui réalisent une exposition individuelle avec l'artiste lauréat. Les artistes sélectionné.e.s en 2022 étaient Reda Boussella, Clémence Estève, Fanny Gicquel, Valérian Goalec.
breathing with heels, walking with eyes by Michael Hill, Programme Curator, Temple Bar Gallery + Studios (2023)
Fanny Gicquel’s tactile and adaptive sculptural environments refer to intimate and natural forms. Their components are dependent on one another, providing resting points where groups of objects and materials harmonise and perform. The serpentine aluminium stripes that delineate the gallery floor share likenesses with the curvature of a body in repose or an undulating shoreline. This alignment between discreet bodily outlines and formations in nature allows Gicquel to explore the touching point between the animate and the inanimate, tracing a moving and transitory landscape.
Language meets materiality throughout the exhibition. Its title pairs two references by David Le Breton, a sociologist and anthropologist who writes about walking as a metaphysical experience. In his book, Walking Life: A Quiet Art of Happiness, Breton discusses ‘breathing with heels’, a Taoist method of consciously engaging with the earth beneath our feet, its energy and connectivity; ‘walking with eyes’ is an expression by Alexandra David-Néel (1868-1969), an explorer and spiritualist who advocated moving through the world by intuition, without following a predetermined path. Comparably, Gicquel’s approach to the installation of the exhibition was determined by bringing together many disparate components and materials, and responsively composing their relationships in the gallery itself. For her this transitional approach is an amalgamation between studio and exhibition spaces, and the flow of work is circulatory.
A terrain of aluminium tracks and drifting sandbanks opens up several circuitous routes through the exhibition. how far is it? how far is it now? (2023) takes its title from the opening lines of ‘Getting There' by Sylvia Plath, Ariel (1965), and also recalls a child’s excited anticipation on a day trip. The guiding pathways are made by casting directly from the beach itself, Penmarch in the artist’s home region of Bretagne. Gicquel inscribed marks in the sand, at times with intent and others more aimlessly, to create spirals, trails and accents that were then filled with molten aluminium, incorporating traces of sand, stones, and flaws from reactions between the liquid metal with saltwater in the ground.
Visitors are encouraged to mimic Gicquel’s beach ‘drifting’ and make decisions about their movements, attentiveness and pace in the room, echoing the motions of four performers who periodically inhabit the exhibition with a combination of individual and collective actions. The integration of choreographed and improvised activations, imagined by the artist and then carefully, yet playfully, enacted by the performers, create a curious sense of self-awareness. Their subtle gestures, which activate Gicquel’s installation, include contact, rearrangement and interaction with each other and elemental substances like water, air, vapour, and reflected light.
During her first visit to Temple Bar last year, Gicquel observed the passersby outside the gallery, and how this constant presence plays an intrinsic role in the exhibitions. Her observations of hurried purposeful movement in the street prompted a response to slow down and move without intention of getting somewhere, within the exhibition. This sensation is integrated into her work through the symbolism of a meeting point, or place of connection. The large glass windows are a visual and light-porous screen connecting inside and outside, just as the beach is the meeting point between land and sea, constituted by the merging of solid and liquid material. Gicquel utilises the window of the gallery as a site of seeing and being seen. The harmony between stillness and movement is also a feature of her installations, particularly resonant in the slow and meditative performances, where gentle concentration prompts close relationships between objects and bodies.
The setting of the beach is bound to leisurely mindfulness, activated by the relaxing sounds of rolling waves and seabirds. It is expansive by its own nature, and Gicquel plays with the associations of horizontal space between land and sea, and the actions that typically take place there, such as lying down and sunbathing. sharing skysummer (2023), a grouping of blue and purple fabric banners, hangs at floor level in the gallery creating a horizon. It also resembles a windbreaker that offers protection from the elements and the privacy of enclosure. The banners signify potential for reconfiguration and can be folded, stretched and repositioned like picnic blankets, beach towels or semaphore flags. Gicquel hints at the possibility of a ‘living painting’ that could shift the backdrop of the exhibition, leaving the installation open to change, through the actions of the performers.
Throughout the installation, the channels of sand indicate moments to pause beside glass rock pools, filled with water (a stone or a wave, 2023), fragments of mirror and blown-glass implements (body of work for aquaspace, 2023). The surrounding areas also draw attention to particles of shell, weathered glass, and hand-formed, coloured paraffin balls; shapes that coalesce the natural and imaginary. During the installation, we reflected on Virginia Woolf’s short story ‘Solid Objects’ (1920). One of its many entwined threads is the protagonist’s increasing obsession with the discovery of material fragments (glass worn smooth by the waves, a broken shard of ceramic), however his inquisitiveness and childlike wonder about the sand, and its interaction with water, as well as the “half-conscious reverie” in which he increasingly experiences the world, is particularly resonant with Gicquel’s exhibition.*
As Woolf describes the ‘unmistakable vitality’ of figures walking on a deserted beach, Gicquel links the interior and exterior of the gallery, with works that exaggerate and playfully respond to the activity outside and their distance within the protected gallery setting. mouth was thinking about eyes (2023), is a trio of suspended glass cones, that reference loudhailers, telescopes, or listening devices that are a direct response to the vibrant and chaotic Temple Bar street, which also create the potential for personal sensory experiences like listening to the sound of the sea inside a shell. Gicquel’s use of sand throughout the exhibition avoids a definitive configuration for materials due to its indeterminate positioning, while also acknowledging the links to care and restoration with the beach and sea swimming in the Dublin cityscape.
Three larger sculptures that take the form of disembodied limbs are placed on the floor, or against the wall, their title, prendre corps, meaning ‘to take shape’, draws parallels between the hand-wrought fabrication of the work, its visualisation as sculptural body parts, and activation by performers. Gicquel has considered the implied vulnerability of the objects’ exposed knees, elbows and heels by placing upholstered cushions (rest to the bones, 2023) between the skeletal joints and the hard surfaces of the building; another point of connection, which has been considered with care and intimacy.
* “Looked at again and again half consciously by a mind thinking of something else, any object mixes itself so profoundly with the stuff of thought that it loses its actual form and recomposes itself a little differently in an ideal shape which haunts the brain when we least expect it”. ‘Solid Objects’ was brought to our attention by artist Niamh O’Malley, who shared an article by Margaret Iverson on the work of artists Becky Beasley and Lucy Skaer.
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The Prix du Frac Bretagne–Art Norac aims to support Bretagne-based artists through annual partnerships with international organisations, which realise a solo exhibition for the awarded artist. The shortlisted artists 2022 were Reda Boussella, Clémence Estève, Fanny Gicquel, Valérian Goalec.