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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Eva Hardy

Designer formée aux Beaux Arts de Rennes (EESAB), Eva Hardy prône une approche sensible et sensorielle du design. Son travail s'inscrit dans une démarche de design with Care, avec un intérêt marqué pour les questions du corps en situations de vulnérabilité et d'interactions sociales.

S'intéressant aux techniques artisanales, et la symbolique qu'elles véhiculent , elle complète sa formation en 2017-2018 auprès de la School of Art, University of Wolverhampton, en Angleterre. La même année, son projet « L'Équilibriste » (service à thé inclusif des personnes atteintes de tremblements) est récompensé par la Bourse Déclics Jeunes de la Fondation de France.

En 2018, elle entame un travail questionnant le lien entre soin du corps et estime de soi des personnes âgées, particulièrement lors d'une entrée en institution d'accueil type EHPAD. Ce travail est mené au CHU Pontchaillou, Rennes, où elle collabore aves les professionnels du milieu (gériatres, psychiatres, animateurs, socio-esthéticiennes, etc.)

 
Depuis octobre 2021, elle poursuit cette recherche au sein de l'École nationale supérieure des Arts Décoratifs Paris  (laboratoire EnsadLab, groupe de recherche Symbiose) dans l'optique d'intégrer la formation doctorale SACRe-PSL (Sciences, Arts, Création et Recherche de l'Université Paris Sciences & Lettres)

En 2020, elle cofonde avec Célia Guye le Studio Stimuli. Le studio mène diverses activités, majoritairement auprès d''établissement médico-sociaux : productions d'objets, scénographie,  projets de diffusion de la culture et ateliers de sensibilisation au design.



Vieillir est un luxe, qui n’est pas donné à tout le monde. Bien vieillir aussi. Avec ses objets, Eva Hardy s’attache à y aider celles et ceux qui arrivent au grand âge, mais aussi les personnes qui n’ont pas attendu d’y parvenir pour être déjà considérées comme « vulnérables ». La designer met à profit ses compétences, son empathie et sa curiosité pour identifier les failles d’un système général d’objets adressé d’abord aux valides, aux jeunes et aux bien portants. Pour développer la motricité, stimuler des sens défaillants, renforcer l’estime de soi et trouver d’autres manières de communiquer avec le monde que celles utilisées par les personnes qui se tiennent tranquillement du côté de la « norme », elle crée des objets inclusifs, manipulables par tous les corps, dans l’espoir qu’ils cessent, d’eux-mêmes, de se croire « empêchés ». L’ambition est aussi pieuse que tentaculaire, qui s’attache à proposer des alternatives physiques autant qu’à déconstruire des imaginaires mentaux. Car si la forme de certains objets stigmatise – toutes les mains ne peuvent pas saisir les anses de certaines tasses –, leurs matériaux eux-mêmes sont parfois moteurs de discrimination. Comment ne pas se sentir infantilisé·e lorsque l’on donne aux pensionnaires d’EHPAD les mêmes objets qu’à ceux des crèches ? Alors, au simple plastique des objets que l’on offre à qui est soupçonné de pouvoir les casser facilement, Eva Hardy oppose le verre borosilicate, tout aussi solide mais ô combien plus noble ; aux paravents d’aggloméré venus cacher qui fait sa toilette, des tentures rouges dignes du plus chic des théâtres. Avec ses objets et au sein du Studio Stimuli qu’elle a cofondé, Eva Hardy s’attache à construire une réparation des sens qui en est aussi une des esprits.

Texte écrit par Horya Makhlouf à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, janvier 2023