Le Purple Lahmajun au citron de Sam
Pour la pâte
700 ml de farine
2 c. à café de levure sèche instantanée
1 c. à soupe de sucre
1 c. à café de sel
Pour la garniture
300 g de betterave
1 poivron rouge et 1 poivron orange finement hachés
2 oignons rouges
2 tomates hachée
1/2 botte de persil hachée
concentré de tomate
1 citron
huile d’olive
sel, poivre noir, cumin et paprika
Les soirs chez Sam avaient un goût de betterave. Ils étaient doux et violets, comme les gros pompoms qu’elle suspendait à son vieux lustre en forme de fleur. Elle l’aimait bien, ce lustre démodé, car il qui diffusait une lumière chaude et enveloppante dans son petit studio.
Ces soirs-là, elle me faisait sa spécialité, son purple lahmajun au citron. Regarder Sam cuisiner, c’était un peu comme la regarder peindre; le jus de betterave coulait entre ses doigts, coloré et translucide comme de l’aquarelle, et finissait par se diluer dans le tissu du tablier bleu qu’elle mettait pour cuisiner. C’était le même qu’elle portait pour les cours de peinture. C’était dans ce tablier-là, qui sentait l’amende et la cigarette froide, que je l’avais rencontré la première fois.
Dans un grand saladier blanc en acrylique, elle mélangeait les minuscules morceaux de betterave haché, de poivron, d’oignon et de persil.
Il y avait souvent, sous les ongles roses de Sam, des petites paillettes vertes, des restes de menthes, de basilic et d’herbes fraîches.
Assise sur le rebord de sa fenêtre, jouant avec un des cendriers en pâte à sel qu’elle confectionnait avec des restes de mixtures ratées, je l’observais, silencieuse et concentrée, étaler la texture pourpre sur la surface blanche et moelleuse de la pâte.
Elle savait sculpter la farine Sam, comme du plâtre, en faire des cercles parfaitement fins et réguliers. Pendant que le lahmajun dormait dans le four, elle coupait les agrumes qui viendraient parfumer la farce.
C’était la touche finale de son plat. Sur la galette toute chaude, elle faisait pleurer un gros citron qui versait de petites larmes acides et sucrées.
Sous ce nouveau vernis frais et glossy, son lahmajun devenait aussi brillant que la toile cirée à carreaux encore toute dégoulinante de jus de betterave.
Sam en mettait partout quand elle cuisinait. Partout de la couleur liquide, des odeurs qui collent les murs pendant des jours, une atmosphère d’orange et de tomate qui pénètre la moquette, qui se glisse sous la peau et imprègne la mémoire. Partout des petits morceaux de Sam, des sticky memories pour que, quand elle serait reparti à Erevan, je pense à elle à chaque fois que je retrouverais un peu de menthe sous mes ongles.
Un texte d’Astrid Vandercamere sur le travail d’Emma Seferian