Issue d’une famille de paysannes et de bâtisseurs, Elouen Bernard explore dans son travail artistique le potentiel narratif d’un milieu et d’un contexte. Sa sensibilité à la plasticité du paysage se traduit dans un soin apporté aux matériaux qu’elle collecte minutieusement pour alimenter ses œuvres sculptées, tissées et tressées.
Au cœur de sa pratique réside la transmission des savoir-faire entre les générations valorisant un héritage local et familial. Cherchant à retrouver et préserver des techniques artisanales, ses œuvres sont des témoins vivants d’une mémoire collective.
L’observation attentive d’un environnement, la répétition, la lenteur, l’attention au geste et à la matière, émergent comme des fils conducteurs de son travail. Les gestes minutieux et lents de l’artiste révèlent la fragilité des éléments glanés dans la nature et un profond respect pour les gestes hérités. Ces œuvres se transforment avec le temps, les couleurs, les matières et les odeurs évoluent.
Au sein du collectif Hydre avec six autres artistes, elle s’engage dans une aventure artistique partagée où les gestes simples - marcher, glaner, chanter, tisser - engendrent des radeaux, des bateaux, toutes sortes d’embarcations qui deviennent les véhicules d’un récit collectif.
Qu’elle s’inscrive dans un passage de relai des gestes du travail d’ébénisterie et de menuiserie en réparant un maillet avec son grand-père, qu’elle sélectionne des brins de paille pour recouvrir un volant de tracteur en marqueterie de foin ou qu’elle sculpte des bâtons de marche à partir d’arbres plantés par son grand père pour partir collectivement dans une marche en lisière d’une forêt disparue, Elouen Bernard s’engage dans la passation d’un héritage commun, d’un geste et d’un environnement.
Texte écrit par Doriane Spiteri à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, décembre 2023
Par des gestes ténus, délibérément lents, et en utilisant des matières d’une fragilité exagérée, je cherche à questionner des systèmes contemporains d’aménagements et d’industrialisation qui conduisent à un monde aligné et dompté. À la manière d’une maquettiste, en réduisant les échelles, je tente de rendre préhensible et tangible des mécanismes qui nous dépassent.
En lisière de la sculpture, de l’installation et de l’artisanat, ma démarche prend racine dans une campagne périurbaine bretonne qui borde la RN12, devenue le décor du passage, où, pavillons, hangars, rocades, émergent d’une forêt de panneaux signalétiques, en règne du périurbain, en géographie du non-lieu.
Je collecte des sortes de résidus de ces paysages, du foin provenant de la grange à la sortie du village, du bois des trognes de talus, des glands de chênes d’une zone commerciale que ma grand mère ramassait quand, il y quelques décennies, c’était encore la ferme de son enfance.
Il y a un questionnement et une attention substantielle à l’héritage local et familial. Mes réflexions artistiques s’élaborent à travers un milieu de bâtisseur·euses dans lequel j’ai grandi. Cette influence façonne mes intérêts sur la matière, la manière de construire, d’habiter, et d’envisager des formes sculpturales.
En m’inspirant des éléments des paysages d’exploitation ou de la dictature de la route, je travaille en ré-employant des gestes vernaculaires, de la sculpture de bâton de marche à la marqueterie de foin.