La belle solitude, 2023
Pierre calcaire, toiles coton et lin, dentelles, teintures végétales, palo santo, bougies,
Project Space, B612, Rennes.
« Je l’appelle “soledad hermosa”, la belle solitude. Je m’y rends pour être au calme, tranquille, et pour faire l’expérience du divin, pour me ressourcer »,
Bell Hooks, À Propos d’amour.
Alors que notre existence est désormais en proie au théâtre de la cruauté contemporaine, trois déesses veillent en silence : l’Amour & la Fécondité, la Nature et enfin la Mort. Incarnées sous la forme de sculptures, qui évoquent des totems extra européens, elles se tiennent face à nous, majestueuses, droites et fortes. Sur chaque pièce, nous pouvons observer un en- semble de formes symboliques. Puisés dans un large réservoir visuel, ces motifs évoquent des végétaux, des fleurs, des écailles de serpent ou des larmes. Ces symboles primaires portent en leur sein une essence spirituelle puissante et ouverte à l’interprétation.
Dans le cadre de La Belle solitude, Éléonore Ferret présente ces trois œuvres qu’elle a réalisées récemment durant une résidence de recherche. Alors qu’elle se trouvait au Pérou, la plasticienne fut marquée profondément par la découverte de statuaires anthropomorphiques féminines. Cette épisode affirme une posture de l’artiste comme une observatrice attentive et sensible au monde qui l’entoure. Dans la réalisation de son œuvre, Éléonore capte, puise et retranscrit ces références rencontrées au fil de ses périples, qu’ils soient de l’ordre du déplacement physique, intellectuel ou imaginaire.
Ces totems évoquent un parthénon de divinités féminines issues d’une multitude de cultures : les déesses Aphrodite, Coatlicue et la Pachamama. Ces objets sont des supports capables de donner corps à des mythes fondateurs et universels qui les dépassent et de cristalliser des éléments oniriques. Contre une société occidentale phallocratique et fonctionnaliste, ces déesses offrent la possibilité d’un retour aux alternatives matriarcales. Présentées dans un environnement de cultes païens, elles nous incombent de nous poser dans une posture de recueillement et d’ouverture, d’assumer notre propre passivité afin de nous plonger au cœur de nous-même.
C’est ce que Bell Hooks appelait « faire l’expérience du divin, pour [nous] ressourcer ». Voilà une sublime ode à la force de l’imaginaire qui nous est donnée de vivre.
Pierre Ruault