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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Donovan Le Coadou

MÀJ 07-05-2018

Donovan Le Coadou est fasciné par les “convois exceptionnels”, ces transports véhiculés dont les dimensions imposantes et massives obligent la mise en place de dispositifs réglementés, souvent impressionnants. Pales d’éoliennes, coques de navires et pelles de tracteurs sont autant de sculptures potentielles dont la semi-remorque devient le socle ambulant. Dans le travail de l’artiste, la sculpture est ainsi en mouvement, non pas par un mécanisme cinétique actionné par une force, mais grâce au déplacement de son piédestal. On pense bien sûr à Michael Heizer et son déplacement d’un rocher durant 11 jours 1 ; mais à la différence d’actions sur des éléments naturels, Donovan Le Coadou se focalise lui sur des objets industriels ou manufacturés.


Cette idée de transport de la sculpture est flagrante avec Mirabel, réplique d’une d’hélice d’avion (plus précisemment d’un “pou du ciel”) réalisée en bois à la main, dont le plan initial est basé sur l’ouvrage des années 30 Comment j’ai construit mon avionnette du concepteur Henri Mignet. La sculpture-hélice de Donovan Le Coadou a ensuite voyagé, seule, dans la soute d’un avion entre Montréal et Rennes en 2011. Clin d’œil croisé à Brancusi, pour l’affaire de l’oiseau dans l’espace où l’artiste poursuivit en justice les douanes Américaines pour faire reconnaître à l’une de ses sculptures le statut d’œuvre d’art 2.


Toujours en 2011, durant la construction du tramway de Brest, Donovan Le Coadou réalise un cheval de Troie en bois de 3m de haut, déposé et scellé devant le parvis de la mairie, sans aucune autorisation. Quelques jours passent et un soir festif d’annonce des résultats du baccalauréat, de jeunes gens éméchés font tomber l’installation. S’ensuivent différentes situations improbables - la mairie pensant qu’il s’agissait d’un projet officiel de la ville - pour que la sculpture soit finalement sauvegardée et rapatriée (en convoi exceptionnel bien sûr) en Bretagne dans un jardin.


Ces différentes actions sont autant de prétextes à des rassemblements spontanés, des échanges sur un territoire donné. Les témoins et riverains de telles opérations sont souvent curieux, partagent des anecdotes. Comme cette fois où Donovan Le Coadou a repeint dans sa couleur verte cendrée d’origine une ancienne Renault Dauphine abandonnée à Dampierre-Sur-Loire. Les passants lui ont raconté que cette épave était autrefois un lieu de rendez-vous des jeunes du coin, renommée très justement “Place Dauphine”.
Cet intérêt pour la carrosserie remonte à l’adolescence de l’artiste, à Plougrescant, où le jeune Donovan s’amuse dans un terrain aux allures de casse automobile. Sur 800m2, son père, doué en mécanique et en réparation, entasse en effet depuis des années des dizaines de carcasses de voitures, de tracteurs ou de bateaux pour bricoler et rendre différents services au voisinage. Le monsieur a sa petite réputation locale. Étudiant aux Beaux-Arts, Donovan Le Coadou ne manquera pas de rendre compte de cet univers tout droit tiré de Mad Max quelques années plus tard. Il y réalisera le début de sa série Samples, toujours en cours, en découpant des fragments de portières à la meuleuse puis en réalisant un cliché. Ces prélèvements continueront, notamment sur l’île de Ouessant (où le parc automobile est peu développé), jusqu’à un camion de l’armée abandonné sur une route en Géorgie.


Donovan Le Coadou accorde une sincère attention à la construction empirique et au bricolage solitaire. Par le déplacement, ses sculptures prennent la route et rejoignent tout un imaginaire de liberté et de construction du paysage.


Romain Semeteys, 2018


Texte écrit dans le cadre du projet de recherche SET UP, initié et coproduit par le Réseau DDA et C-E-A.


1 Michael Heizer, Levitated Mass, 2012 - https://collections.lacma.org/node/424258
2 in “C’est un oiseau !” Brancusi VS États Unis, ou quand la loi définit l’art par Nathalie Heinich dans Droit et Société 34, 1996