Mycelium, Poïétique des formes vivantes
7 février au 6 mars 2020
Galerie de L'ESAD / Orléans.
Proposant un point de vue au carrefour de l’art et de la science, l’exposition Mycélium - Poïétique des formes vivantes est un laboratoire d’expériences sensibles, où les processus scientifiques nourrissent une pratique sculpturale.
Le mycélium serait le réseau neurologique de la nature. On le surnomme le Wood Wide Web. Il ramifie et lie tous les organismes vivants présents dans son environnement.
À l’image du mycélium, cette recherche sur la mise en forme du vivant a donné lieu à de multiples variations et déclinaisons du vivant comme bio-matériau.
Les découvertes et recherches fructueuses ne sont que le point de départ de nouvelles expérimentations.
La notion de processus est ici centrale. Elle est illustrée par le choix du terme poïétique qui qualifie l’étude des processus de création en art. Faire pousser on matériau, pouvoir lui donner forme, être à l’écoute de ses besoins, en connaître les qualités et faiblesses, tous ces éléments créent une relation presque intime entre l’artiste et la matière.
Trois grandes lignes se dégagent au sein de cet espace d’exposition : le mycélium, le SCOBY (Symbiotic Culture of Bacteria and Yest) et les cristaux.
Trois phénomènes et trois installations qui relèvent d’un processus naturel et qui questionnent la matière, la temporalité, l’échelle et l’espace.
Les visiteurs sont invités à découvrir de nouvelles formes et matières générées par le vivant à travers des ensembles d’objets, de textes, de vidéos et de photographies faisant appel aux sens visuel, tactile et olfactif.
CRISTAUX
La cristallisation est un processus simple et familier qui renferme tant de poésie. Tout changement d’état nous fait dire que la nature est bien faite.
Les liquides saturés en sel, ferricyanure de potassium, acide citrique, sulfate de fer et sulfate de cuivre peuvent se combiner et former un seul liquide homogène. Lors de l’évaporation ils laissent place à des cristaux qui n’ont pas la même forme, naissent à différents moments, certains se formant avant les autres tandis que d’autres fusionnent pour créer de nouvelles formes.
Tué dans l’œuf est une série de photographies de cristaux de protéine. Étudiés en biocristallographie, ces cristaux sont «ratés» quand ils ont une forme d’oursin et «réussis» quand ils sont parfaitement géométriques.
La question de la temporalité dans le processus de cristallisation est important car des acteurs extérieurs peuvent influencer la pousse des cristaux. Une température élevée créera un cristal formé rapidement et sa forme s’en ressentira. Un endroit soumis à des ondes influencera la forme des cristaux.
L’œuvre Cristallin est le résultat d’une observation de cristaux de dépôt MALDI, utilisés en spectrométrie de masse.
Sans être apparemment doués d’intelligence les cristaux s’adaptent de manière poétique.
Observer des cristaux, c’est contempler de nouvelles formes et des gammes de couleurs exceptionnelles.
S.C.O.B.Y
Symbiotic Culture Of Bacterias and Yeast - Culture symbiotique de bactéries et levures.
La souche mère est nourrie par un substrat, un starter liquide : une infusion de thé noir sucrée. Une fois le liquide inoculé, il fermente et devient du Kombucha, une boisson acidulée consommée pour ses vertus.
Ce qui nous intéresse ici, c’est la pellicule qui est créée pendant la fermentation : une pellicule de pure cellulose.
Cette pellicule à l’aspect visqueux peut être séchée pour obtenir des films, allant de l’aspect papier à cigarette au cuir selon le temps de culture.
Il est aussi possible de mixer cette pellicule de manière à obtenir une pâte, qu’il est envisageable de teinter ou d’ajouter à d’autres matières.
La designer Suzanne Lee a développé toute une gamme de vêtement à partir du Kombucha, la BioCouture.
Le Scoby est un matériau prometteur, il est facile à cultiver, à sécher, à mouler, à couper.
Le fait de pouvoir cultiver son propre matériau remet au centre de la pratique artistique les notions de laisser faire et le rôle de l’artiste dans la fabrication d’une œuvre.
MYCELIUM
Le mycélium est la racine du champignon. Il nourrit et connecte tous les organismes vivants qui lui sont rattachés. Offrant un véritable réseau de communication au cœur de la forêt, il en est pour ainsi dire l’organe neurologique.
Le mycologue Paul Stamet a exploité le mycélium comme dépolluant. Ce dernier se nourrit des déchets de la nature et son système digestif puissant lui permet de traiter les polluants dans le sol.
Il est possible de cultiver cette force de la nature pour obtenir un matériau, léger et solide, hydrofuge et résistant au feu. Pour fabriquer ce bio matériau, le mycélium doit être ajouté à un substrat dont il peut se nourrir : déchets agricoles, paille, copeaux de bois. Il a besoin d’un conditionnement particulier pendant la période d’incubation puis un autre pour la fructification.
Au bout d’une semaine le mycélium étend son réseau filamenteux dans le substrat et le solidifie. Les deux éléments ne forment plus alors qu’un seul bloc.
Le projet consiste à donner forme au mycélium. Il s’agit alors de le cuire pour en arrêter la progression ou au contraire de le laisser évoluer dans une certaine mesure. Une partie des pièces présentées (comme In process) sont en évolution pendant le temps de l’exposition. Il est probable qu’elles fructifient et donnent naissance à des pleurotes. Le projet questionne alors l’interaction entre l’œuvre et l’espace d’exposition.
Mycélium a reçu le soutien de la DRAC et de la Région Centre-Val de Loire, du CBM (Centre de Biophysique Moléculaire) et du CNRS Orléans.
Remerciements à l’équipe pédagogique, technique et administrative de l’ÉSAD Orléans et de l’unité de recherche ECOLAB (responsable: Ludovic Duhem),
Laurence Laboutière (mycologue) et aux membres du CBM, ainsi qu’à Charlotte Bergami (scénographie), Erwan Roussel (graphisme) et Antoine Jenniches (montage).
Crédits photos: Paul de Lanzac/ESAD Orléans