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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Carla Bonavent

Artiste conteuse, Carla Bonavent façonne des espaces de rencontres et de partage. En explorant les légendes et les récits, elle propose des histoires vivantes qui se déclinent en expériences sensorielles, qui se visitent, s’écoutent, se regardent, se touchent ou se dégustent. A travers ses œuvres, elle tisse des liens entre le réel et l’imaginaire et nous entraîne dans les méandres de ses récits pour réenchanter notre perception du monde.  
Son esthétique invite à sonder les liens entre les vivants et témoigne d’une curiosité pour ce qui l’entoure. Pour provoquer des moments de partage, elle explore le lien à la transmission orale et cherche à véhiculer des savoir-faire techniques liés au contexte des projets qu’elle mène.  
Alliant écriture fictionnelle, sculptures, dessins, vidéos, costumes de cérémonie, objets, performance, préparation culinaire ou encore couture, la démarche de Carla Bonavent s’affirme dans l’hybridation.  
Que son attention se porte sur les relations d’entraide entre les vivants, sur la vie qui nous entoure et que l’on contient, ou sur des légendes rurales, l’univers qu’elle déploie invite à arpenter les territoires de l’imaginaire au travers de récits performatifs. Elle ancre sa pratique dans une expérimentation permanente vouée à convoquer nos sens.  
Les créatures hybrides qui émergent de son travail appellent à renouer les liens entre tous les vivants et à saisir les enjeux d’une entraide entre les espèces.  
Chacune de ses créations est une histoire, suspendue sur le fil du réel. Ses œuvres se ramifient, les formes mutent pour devenir chimères. Carla Bonavent revisite les mondes anciens et nouveaux et célèbre la perméabilité du vivant.

Texte écrit par Doriane Spiteri à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, décembre 2023




Au tout début j’arpente, j’explore, j’observe, je questionne le territoire et ses habitant.e.s vivant.e.s et non vivant.e.s. Puis c’est dans ce terreau de rencontres et de découvertes que mes récits prennent racines. La légende de la pierre qui tourne du Chatelot? Voilà une drôle d’idée, ni une ni deux me voilà sur l’affaire. Mon enregistreur à la main, ma langue loin d’être dans ma poche, ma curiosité aux aguets et mon carnet sous le bras, l’aventure peut commencer.

J’ai une pratique d’écriture fictionnelle à laquelle je donne corps à travers différents médiums : la sculpture, la vidéo, le dessin, la préparation culinaire, la couture. Ces formes s’articulent ensuite pour créer une installation souvent activée par la performance avec des temps de partage et d’échanges avec le public. Quelle symbiose pourrait advenir demain? Les arbres pourraient se déplacer et les humains photosynthétiser?

Il m’importe que la traversée du récit performatif convoque plusieurs sens chez celui.le qui le vit (sentir l’odeur de la fumée d’un brasier, tenir une graine entre ses doigts, goûter des fèves de soja transformées par des champignons, entendre un ver de terre raconter ses aléas de vie d’artiste,...).

Je cherche à provoquer une lecture différente de ce qui nous entoure, de notre rapport au vivant en explorant et en amplifiant le réel ; en composant avec ce qui est déjà là.

J’aime situer mes récits sur un fil entre réel et imaginaire et je m’amuse à jouer de cette limite, la rendre poreuse et invisible. Et si en réalité la soie était le résultat d’une entraide entre quatres vivants ? Mes histoires se remplissent d’une diversité d’êtres aux relations multiples, ielles se mélangent, collaborent et s’hybrident, sans exceptionalisme humain. Les Akakakous par exemple, sont des sortes d’oiseaux à quatre pattes naissant d’une cosse de haricot. 

En peuplant nos imaginaires de ce qui nous lie aux vivants, j’aimerais retisser les liens dans les interstices; nous ramener à notre position d’être évoluant dans le maillage composé par toustes; que nous nous ré-enchevêtrions à elleux. Aussi incroyable que cela puisse paraître, lors d’une résidence dans le Doubs un ver de terre artiste très réputé dans le monde souterrain m’a enseigné l’art de la terre crue et des larves de xylophages celui de la gravure sur bois. Il n’y a plus de “ça n’existe pas” qui tienne.