Les mots sont sa matière. Au travers de vidéos, d’installations, de poèmes sonores et de publications, Astrid Vandercamere les travaille, les modèle et les assemble pour donner corps à des vies mutantes. Elle les manie si bien que, parfois, il n’est pas aisé d’ajouter les nôtres au sien ; nous tenterons ici notre chance.
Chaque œuvre qu’elle crée est une (science-)fiction, la matérialisation plastique d’une histoire qu’elle déroule et par laquelle elle interroge avec douceur les codes de représentation des personnes assignées femmes et des liens qu’on leur attribue dans la culture mainstream. S’intéressant aux étapes charnières de nos vies, elle représente des moments de mutation, imaginant des personnages hybrides, mi alien-mi mère, mi araignée-mi adolescente, ébranlant ainsi les lieux communs autour de la famille nucléaire et du modèle maternel capitaliste.
Le projet M.O.M (2021 - en cours), qui se construit par le biais d’installations, de sculptures et de textes fictionnels et théoriques, en propose une analyse dans la science-fiction contemporaine. On y retrouve des lieux archétypaux - le laboratoire, le bunker -, des figures récurrentes - les extraterrestres, les robots, les cyborgs -, et des personnages de scientifiques féminines - Scully de X-files, Alice de Little Joe, Ripley d’Aliens -, qu’elle envisage au prisme de leur rapport à la maternité et des différentes relations qu’on leur crée. Les fils que cet ensemble protéiforme tisse sont innombrables, nous invitant à la fois à penser nos relations aux autres êtres vivants, mais aussi à nos propres créations avec lesquelles nous pouvons également faire famille.
Les mots d’Astrid Vandercamere sont autant de portes ouvrant vers des réflexions nouvelles et dont je ne pourrais ici retranscrire l’intégralité des possibles qu’elles esquissent. Je vous laisserai donc avec elle, en espérant que ses phrases, ajoutées aux miennes vous poussent à vous y plonger :
“Toutes ces femmes fictives, que j’avais rassemblées autour de moi dans un jeu d’associations et de connexions intimes, pouvaient alors engendrer tout un tas de créatures qui viendraient habiter nouvellement le monde. Un réseau de SF mothers pouvait se tisser entre les fictions, une grande toile d’araignée matriphage et polymorphe.”
Texte écrit par Flora Fettah à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, décembre 2022.
Through a polymorphic practice of installation, video and publications I imagine material stories where one can learn to grow, transform and hybridise. My work aims to create spaces where fiction isn’t simply an illustration or an application of theoretical discourse but a reflexive practice in itself, for itself. I write to give room to aliens, cyborgs, teena- gers and their gooey fantasies, to welcome these creatures born in this nuclear and mutant world we have created.
The characters who inhabit these texts/installations attempt, each in their own way, to rethink the cultural references that have constructed us since childhood as plastic materials to be transformed, modeled and reinvested in productions that borrow as much from SF imagination than to adolescent culture or (eco)feminist thought.
Diverting commonplaces that are dear to us, those that reassure us, or using references to our collective imagination — with a tender or more critical look depending on the situation — are processes that I put in place in my practice to extend the sensitive perspectives of already existing narratives..
Through these different formal processes, I try to create this
switching between common culture and individual experiences to build a contemporary science fiction in which our current questions draw as much alternative presents as repaired futures.
Alongside this personal practice, I am also part of a Brussels collective, La Satellite, which brings together feminist artists and writers around contemporary science fiction.
Working and reflecting together, finding connections to nurture our references and grow our practices are the issues at the heart of this col- lective and experimental space. La Satellite has been organizing literary, artistic and performative events in Belgium for two years, thought as so many generative and fruitful new stories.