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Documentation d'artistes diplômés de l'EESAB, 2015 - 2021

Alex Mira

Face à la « fin de la nature » comme concept opposé à la culture et réalité extérieure aux humains et aux sociétés, le travail d’Alex Mira reconnaît les limites de la spécialisation et explore les chemins de traverse en art et science comme autant de zones encore inconnues d’où émergent de nouveaux savoirs. Collaborant avec des scientifiques, l’artiste cherche à donner la parole à des réalités muettes. Développant une approche sensible à l’égard de la modélisation de données, Alex Mira réagit en fait à l’urgence de repenser notre rapport au monde non-humain à l’heure du changement climatique et de la sixième extinction de masse.  Sa démarche se distingue cependant de celles des artistes abordant comme lui le “tournant ontologique” orchestré par les penseurs de l’anthropocène tels Donna Haraway, Jacques Derrida ou Bruno Latour. Assumant une dimension fonctionnelle, Alex Mira refuse de conduire ses projets en solitaire. Il préfère se concentrer sur des collaborations, souvent évolutives, représentant les infimes changements de la matière et reflétant des phénomènes plus vastes, des crues éclairs à l’érosion, en passant la pression sonore en milieu marin. 

Empruntant à l’esthétique, aux outils et aux représentations du champ scientifique, les projets d’Alex Mira mettent en lumière des métamorphoses invisibles et soulignent la beauté et la violence des processus de résilience de notre écosystème face aux pressions que l’humain exerce sur lui. À la fois poétique et pratique, la démarche vise à décentrer le regard humain en lui permettant d’adopter celui de formes non-humaines. Les projets d’Alex Mira donnent ainsi à éprouver de nouvelles temporalités et de nouvelles échelles, à savoir ces hyper-objects élargissant notre conscience écologique et théorisés par le philosophe Timothy Morton. Le geste de l’artiste étant souvent réduit à son minimum, ou consistant à ordonnancer des données existantes et à laisser évoluer des formes en autonomie, les œuvres d’Alex Mira ouvrent des pistes pour repenser la relation de l’artiste à son œuvre, et plus largement à son milieu.

Texte écrit par Julie Ackermann à l’invitation de Documents d’Artistes Bretagne pour BASE, 16/01/2022

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De l’imperceptible à l’infiniment grand, des fosses abyssales aux espaces cosmiques, les interactions entre phénomènes naturels et êtres vivants, les facteurs qui influencent les changements planétaires et les trajectoires suivies par la vie, constituent le terrain d’étude et d’exploration de ma pratique.
Celle-ci tente d’éprouver les échelles auxquelles les êtres humains peuvent appréhender les mécanismes qui ont amené à l’apparition d’écosystèmes et de formes de vie complexes en puisant à la fois dans diverses cosmogonies et dans les pratiques de la recherche scientifique contemporaine.

Imaginer ces genèses passées, présentes et à venir, dans le monde que nous connaissons et dans ceux que nous cherchons à découvrir, produit des hypothèses pour comprendre les enjeux de l’évolution des êtres vivants et de la transformation parfois profonde de leurs territoires.
Ces hypothèses prennent la forme, dans ma pratique, de dispositifs inspirés des outils scientifiques ou pouvant s’intégrer à ces derniers. Ils s’attachent, dans leur proposition formelle, à montrer l’imbrication des mécanismes naturels et des événements qui rendent un contexte perceptible.

Ces événements, mettant en jeu les facultés d’adaptation des êtres vivants ou la capacité des écosystèmes à les absorber, sont autant d’indices d’un processus global constitué de flux et de reflux. Isolés, ces avancées et ces échecs successifs semblent anodins. Pourtant ils relancent continuellement l’implacable transformation du monde dont mes travaux cherchent à témoigner.

From the imperceptible to the immeasurable, from abyssal trenches to cosmic spaces, the interactions between biogenous and biotic phenomena, the factors that influence planetary changes and the trajectories followed by life. My daily study and artistic work heavily rely on all these topics. My work attempts to experience the scales at which human beings can apprehend the mechanisms that have led to the appearance of complex ecosystems and life forms by drawing both from various cosmogonies and from the practices of contemporary scientific research.

Imagining these past, present and future genesis, in the world we know and in those we seek to discover, produces hypotheses to understand the stakes of the evolution of living beings and the sometimes profound transformation of their territories. In my practice, these hypotheses take the form of devices inspired by scientific tools or that can be integrated into them. In their formal proposal, they attempt to show the interweaving of natural mechanisms and events that make a context perceptible.

These events, which involve the adaptive faculties of living beings or the capacity of ecosystems to absorb them, are so many indices of a global process made up of ebbs and flows. Isolated, these successive advances and failures seem insignificant. However, they continually re-launch the implacable transformation of the world to which my work seeks to testify.